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trême irrégularité des pluies au point de vue de la quantité annuelle et de la saison où elles tombent; du fait qu'elles sont réparties sur quelques mois, sur quelques jours par mois, sur quelques heures par jour; enfin de l'intensité de l'évaporation. Toutes choses égales d'ailleurs, on peut admettre qu'avec 40 centimètres. d'eau le sol est généralement cultivable; de 20 à 35 ou 40 centimètres, c'est la steppe; avec moins de 20 centimètres, c'est le désert(").

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Pour achever de définir le climat des steppes, il convient de rappeler qu'au point de vue de la température, il a un caractère nettement continental. Tous ceux qui ont traversé le pays le savent et ceux qui l'ont habité le savent encore mieux (2). Les gelées de printemps y sont fréquentes (3). On a constaté -- 13o à Géryville, 14° à El-Aricha, - 17° dans la plaine de Sétif. MM. Angot et Teisserenc de Bort, à propos de ces températures extrêmes, ont prononcé le nom de Pamirs). La neige est fréquente (10 à 15 fois par an en moyenne) et atteint quelquefois un mètre d'épaisseur. A Ghardaïa même, Duveyrier a vu neiger pendant deux jours. Lorsque l'altitude est moindre, la température est moins basse; cependant on a constaté encore -10° à Bou-Saâda, -5° à Hassi-Inifel. M. Foureau eut une température de 10° sous le tropique le 3 janvier 1899 (par 1,100 mètres d'altitude)). A Biskra et surtout à Gabès, dont le climat est mi-saharien mi-maritime, on ne constate pas de pareils abais

(1) AUGUSTIN BERNARD, Hautes-Plaines et Steppes, p. 14, où l'on a indiqué pour la première fois cette classification, fréquemment reproduite depuis sans indication de provenance.

(2)« Je viens, nous écrivait M. A. Joly, de passer vingt-huit jours dans la steppe de Bou-Guezoul. Il n'avait pas plu depuis environ dix-huit mois. Je parle d'une pluie méritant ce nom, car il avait pu tomber quelques gouttes versées par un nuage égaré, aussitôt bues par le vent et le soleil. Le froid était vif, le vent insupportable, le ciel couvert pendant le jour; la nuit, régulièrement ciel pur; plus un souffle de vent; une gelée blanche magnifique en était l'inévitable résultat le matin. >>

(3) Dans le Sersou et dans la région de Tiaret, des gelées tardives peuvent se produire jusqu'en mai, mème, dit-on, jusqu'en juin. Nous avons vu en avril-mai 1902 tous les arbres fruitiers grillés par la gelée dans l'intérieur des départements d'Alger et d'Oran.

(1) F. FOUREAU, Documents scientifiques de la Mission saharienne, in-4o, Paris, 1995, t. I, p. 70. Pendant la durée de la mission, le thermomètre est descendu vingt-cinq fois au-dessous de zéro, durant les mois de décembre 1898 et janvier 1899.

sements du thermomètre. Mais dans l'ensemble, le Sahara a, comme tous les déserts, une température effroyablement inégale(). La violence du vent est aussi une des caractéristiques du climat de la steppe, où rien, ni relief ni arbres, n'arrête ni ne ralentit son souffle (2).

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Bien peu de plantes peuvent résister à un pareil climat. La végétation est interrompue en hiver par le froid, en été par sécheresse, et c'est seulement pendant une courte période, au printemps, lorsque les pluies ont été suffisamment abondantes, qu'il lui est possible de se développer. Il y a donc (3) deux catégories de plantes les herbes éphémères, qui ne durent que quelques semaines et dont l'existence dépend directement des pluies, et les plantes vivaces, que les indigènes appellent el-hateb, et qui vont puiser dans le sous-sol les réserves d'humidité; la plupart de ces dernières sont buissonneuses et ligneuses. M. Schirmer a indiqué (4), de manière à ce qu'il n'y ait pas lieu d'y revenir, par quels procédés les organismes végétaux s'adaptent au désert ; un des principaux est la longueur extraordinaire des racines. La végétation n'est nulle part très dense; elle ne forme pas un tapis continu, comme dans nos prairies de France, et les plantes sont séparées les unes des autres par des espaces vides plus ou moins considérables. Une même espèce règne seule ou presque seule sur de vastes surfaces. On peut distinguer avec M. Trabut (5) la steppe rocailleuse, la steppe limoneuse, la steppe sableuse et la steppe salée. L'alfa pousse sur les mamelons et les parties rocailleuses, l'armoise (Artemisia herba alba ou chih), dont la teinte grisâtre tranche sur le beau vert de l'alfa, dessine les parties déprimées ; puis viennent l'albardine

(1) H. SCHIRMER, Le Sahara, p. 96–106.

(2) VAISSIÈRE, Les Ouled-Rechaïch, in-8°, Alger, 1893, p. 10. El-Aïachi, traversant les steppes algériennes, en fait la remarque: «Il ventait, dit-il, comme aux jours de beham » (époque où Dieu détruisit les méchants par un grand vent). « L'aquilon, dit-il ailleurs, égale en froideur ce qu'on ressent en enfer; les mots me manquent pour caractériser cette température rigoureuse. Nous ne nous arrètâmes pour le coucher qu'au Moghreb, et personne ne put dormir de la nuit à cause du froid. » (EL-AÏACHI et MOULA AHMED, Voyages dans le Sud de l'Algérie, trad. Berbrugger, in-8', Paris, 1846, p. 14 et 58.) (3) SCHIMPER, Pflanzengeographie, Iėna, 1898, p. 649.

(4) SCHIRMER, Le Sahara, p. 187 et suiv.

(5) L. TRABUT, Etude sur l'Halfa, in-8°, Alger, 1899, p. 11-17. MATHIEU et TRABUT, Les Hauts-Plateaux oranais, in-8', Alger, 1891, p. 13.

(Lygeum spartum) et les plantes halophytes, suivant le degré d'humidité et de salure. Dans les steppes sablonneuses, la graminée dominante est le drinn (Aristida pungens). L'alfa1) forme de grosses touffes irrégulières, séparées par des espaces libres, qui se creusent lentement sous l'action du ruissellement et du vent. En portant le regard à une certaine distance, on voit l'alfa en couche continue, c'est la «mer d'alfa ». Comme en mer, rien ne vient accidenter l'horizon, rond et plat comme une assiette. Il se déplace à mesure qu'on avance, à moins que le mirage ne sème ce monotone tableau de lagunes, de baies qui reposent la vue.

Certaines dépressions un peu plus fraîches présentent quelques traces de végétation arborescente. Tels sont les lits des oueds, avec des tamaris, parfois des lauriers-roses; telles aussi les daïas à betoum (Pistacia atlantica). Çà et là croissent quelques jujubiers (Zizyphus lotus). Dans l'Atlas Saharien, grâce à l'accentuation du relief, on trouve un peu partout de maigres boisements de thuyas et de genévriers; dans le Djebel-Amour, dans le Senalba, des pins d'Alep, quelques chênes verts; dans l'Aurès, des forêts de cèdres assez belles, quoique presque toujours clairsemées et dépérissantes.

Le Tell, la steppe et le Sahara ne forment pas trois bandes ininterrompues de largeur constante il y a des îlots boisés ou cultivables dans la steppe et le Sahara, des îlots de steppes et de déserts en plein Tell. Tout dépend de l'abondance et de la répartition des pluies; or, si la quantité de pluies est principalement déterminée par la distance à la mer, d'autres circonstances, nous l'avons dit, telles que l'altitude et l'exposition, viennent modifier et parfois même annuler celle-là. C'est ainsi que la vallée du Chélif, privée de pluies par les reliefs qui l'environnent, est un îlot de steppes dans le Tell; l'Aurès, et dans une certaine mesure le Djebel-Amour, sont des îlots de Tell dans la steppe. Cependant il ne faut pas exagérer l'importance des superficies cultivées qui se rencontrent loin du littoral, dans l'Atlas Saharien ou sur son versant méridional; elles sont en réalité fort réduites et ne sont pas suffisantes pour faire beaucoup hésiter sur la limite du pays des fellahs et du pays des

(1) BATTANDIER et TRABUT, L'Algérie, p. 111.

pasteurs. Il peut être intéressant d'essayer de déterminer cette limite.

La manière la plus scientifique d'y parvenir serait de considérer la somme totale annuelle des pluies. Mais les observations météorologiques ne sont ni assez nombreuses, ni assez soigneuses, ni assez systématiques. Le réseau des stations n'est pas suffisamment serré, et on n'a guère de chiffres pour la zone intermédiaire où il serait intéressant d'observer la transition. Les stations algériennes et tunisiennes qui donnent moins de 40 centimètres de pluie annuelle sont les suivantes.

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L'aspect de la végétation indique en général avec assez d'exactitude la limite de la steppe. Si par exemple on suit la voie ferrée de Ras-el-Ma, en montant sur le Djebel Beguira, on aperçoit au nord des forêts et des cultures, au sud des steppes dépourvues d'arbres on est à la frontière du Tell. Si l'on suit la ligne d'Aïn-Sefra, le contraste n'est pas moins accusé; après avoir traversé la région de grandes fermes et de cultures établies sur les marnes jurassiques autour de Saïda, d'Aïn-el-Hadjar, dans la plaine des Maalif, on arrive vers Khalfallah dans un

(1) A. THÉVENET, Essai de climatologie algérienne, in-8°, Alger, 1896, p. 63. (2) G. GINESTOus, Les pluies en Tunisie, 2 édit., in-8o, Tunis, 1901, p. 86.

pays qui n'est pas cultivé et ne saurait l'être : ce sont les hautes plaines des Chotts, pays de pasteurs et d'éleveurs nomades, qu'à l'époque de la conquête on appelait très justement le « Petit Désert ». Sur le versant sud de l'Ouarsenis, le plateau du Sersou, colonisé à l'époque romaine, a été reconquis à la culture; sa fertilité n'est pas une découverte inattendue, car dès 1873, M. Pomel avait insisté au Sénat pour qu'il fût compris dans ce qu'on a appelé le « Tell administratif ». Mais ce serait un leurre que de s'imaginer qu'une transformation analogue puisse s'appliquer aux véritables steppes. Si l'on va de Tiaret à Aflou, on rencontre des cultures et des arbres jusqu'au Djebel-Nador; mais à El-Oussekh on est en pleine steppe, et dans une steppe des plus désolées. Celle qu'on trouve au sud de Boghari, dans la région de Bou-Guezoul, ne l'est pas moins; nulle part, en Algérie, le « Petit Sahara » ne s'avance aussi loin vers le nord. Dans le bassin du Hodna, quelques surfaces pourraient être reconquises à la culture par l'irrigation; mais en dehors de cette rénovation artificielle, la culture est visiblement impossible et les arbres absents à partir de M'sila. Il est possible, on le voit, de fixer la limite du Tell et de la steppe d'une manière assez précise dans la plupart des cas; et cette limite est assez nette pour qu'on l'ait remarquée dès les premiers temps de la conquête. Si l'on se reporte à la Carte de l'Algérie divisée en tribus de Carette et Warnier (1846), on verra que la limite du Tell indiquée par eux ne diffère pas sensiblement de celle que nous venons de décrire. Bien entendu, il existe au sud de cette limite des terres cultivables et cultivées, notamment dans le Djebel-Amour et dans la région de Djelfa ; les arbres reparaissent sur les chaînons les plus favorisés de l'Atlas Saharien, mais la physionomie générale de la contrée n'en est pas sensiblement altérée.

Dans la province de Constantine et en Tunisie, les contrastes sont beaucoup moins accusés. Cette différence de constitution est souvent la cause de divergences d'appréciation. Ce qu'on appelle les Hauts-Plateaux constantinois diffère des plateaux oranais. La monotonie est moindre, des tronçons de chaînes y interrompent les plaines, qui sont fertiles dans la région de Sétif, stériles au voisinage des petits Chotts et dans le Tarf, de nouveau fertiles au pied nord du Bellezma et de l'Aurès. Enfin la plaine d'El-Outaïa et les Zibans mêmes ménagent la transition et

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