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de relier ensemble les deux mers par la jonction des fleuves Atrato et Truando, et a signalé à l'attention de l'Europe l'existence d'un canal de petite navigation creusé dès l'année 1788, par un moine, curé de San-Novità. Les deux océans se trouvaient mis en rapport, grâce à ce canal qui s'étendait dans les cours successifs du Rio de la Rospadura, un des petits tributaires de l'Atrato et du San-Juan de Chiramibirà. Ce ne fut néanmoins qu'en 1826 qu'eut lieu la première tentative importante du percement de l'isthme. Une concession fut accordée à la maison Palmer de New

York par le gouvernement de Nicaragua. Également dépourvue de crédit et de capitaux, la société tomba en faillite avant d'avoir rien fait. Deux ans plus tard, le projet fut repris par Guillaume I, roi de Hollande. La réussite semblait certaine, lorsque la révolution de Belgique et la guerre contre la France qui en fut la suite imposèrent aux Hollandais des soins plus pressants et les détournèrent de toute entreprise transatlantique.

Nul ne se présenta alors pour recommencer l'essai demeuré deux fois stérile, et la question du canal interocéanique semblait au moins temporairement mise à l'écart, lorsque parut tout à coup un nouveau projet. L'auteur n'était autre que le prince Louis Napoléon, aujourd'hui empereur des Français, alors réfugié en Angleterre où il s'était rendu à la suite de son évasion de Ham. Il proposait de canaliser le fleuve San-Juan totalement et jusqu'à sa source dans le lac de Nicaragua. Selon ses projets, les vaisseaux devaient remonter dans le lac de Managua en traversant le Tipitapa, que l'on eût également transformé en canal. Enfin la partie comprise entre le Managua et la baie de Fonseca eût

été en grande partie creusée de main d'homme. Un traité venait d'être passé avec le Nicaragua. Tout semblait présager la réalisation d'une pensée qui n'aspirait peut-être à rien moins qu'à fonder un nouvel empire dans l'Amérique centrale, lorsque les événements imprévus qui éclatèrent en Europe donnèrent une autre direction aux idées du prince et le rappelèrent vivement sur l'ancien continent.

Il faut descendre le cours du temps jusqu'en 1850, époque où fut conclu entre l'Angleterre et les États-Unis d'Amérique, ce fameux traité connu sous le nom de Clayton-Bulwer, pour trouver quelque acte donnant suite aux projets toujours interrompus par les circonstances les plus graves de l'ordre politique. On ne doit point, en effet, s'arrêter à un traité du 27 août 1849, conclu entre le gouvernement du Nicaragua et la compagnie White et Van der Bilt de New-York. Il ne produisit aucun résultat, et comme la compagnie, en s'engageant à creuser un canal, avait stipulé un privilége de transit pendant la durée des travaux, il est permis de croire qu'elle voulait s'assurer les bénéfices du contrat, sans en remplir les obligations. Au reste, elle ne craignit point d'ajouter la trahison à la déloyauté. Après avoir contribué au bombardement de Greytown, qui détruisit pour vingt millions de francs de marchandises et ruina un grand nombre de familles, elle employa ses navires à transporter les flibustiers de Walker au sein de ces mêmes contrées où elle devait introduire la civilisation et faire régner l'abondance.

Bien qu'il n'ait jamais reçu même un commencement d'exécution, le traité Clayton-Bulwer n'en produisit pas moins beaucoup de sensation en Europe, et contribua sans

aucun doute à attirer l'attention publique sur une question dont l'importance n'avait pas été jusqu'alors universellement appréciée.

Une dernière convention intervint enfin en 1858 à Rivas, entre Martinez, président de Nicaragua, Mora, président de Costa-Rica, d'une part, et un Français, M. Félix Belly et ses associés, d'autre part. Un privilége exclusif fut accordé à ce dernier pour la création et l'exploitation pendant quatre-vingt-dix-neuf ans d'un canal maritime entre l'Atlantique et l'océan Pacifique. On lui donne en toute propriété et à dater des travaux commencés, une lieue française de terrain de chaque côté du parcours du canal. Toutes les mines, quelle que soit leur nature, dont les travaux amèneront la découverte, lui appartiendront sans restriction aucune. Pendant dix ans, les navires de la compagnie, quel que soit leur pavillon, seront, ainsi que ces terrains, exempts de tout droit et de tout impôt. La compagnie, en retour de ces avantages, se charge d'entretenir le canal en bon état et de verser 8 pour cent de son revenu brut aux trésors des deux républiques contractantes.

Les conventions précédentes ne devant pas dans leur exécution abandonner le territoire de Nicaragua, les concessionnaires n'avaient traité qu'avec le gouvernement de cette république. On remarque, au contraire,sur le traité de Rivas, la signature du président de la république Costa-Ricienne. Le plan de M. Belly doit se développer en effet à travers les deux contrées. Une de ses extrémités serait dans l'Atlantique, le port Saint-Jean à l'embouchure de ce fleuve, le long des côtes de Nicaragua; l'autre serait la grande baie de Salinas dans le Pacifique, à l'ouest de Costa-Rica. Il est

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