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ton action glorieuse, je suis venu ici vers toi. Tu mérites de voir le grand Indra en (lui) ramenant cette nymphe. C'est vraiment une grande chose que tu as faite, vois: autrefois celle-ci a été donnée à Indra pour Nârâyana; aujourd'hui c'est par toi, l'ami de ce dieu, qu'elle a été arrachée des mains d'un Daîtya.

LE ROI. Ami, il n'en est pas ainsi. La puissance de celui qui porte la foudre est telle, que ses alliés sont (à coup sûr) vainqueurs des ennemis. L'écho de la voix du lion n'épouvante-t-il pas les éléphants, quand il roule dans les défilés de la montagne?

TCHITRARATHA. Très-bien, la modestie est la vraie parure de l'héroïsme.

LE ROI. Ami, ce n'est pas le moment de voir Indra; mais toi-même conduis cette nymphe en présence de notre souverain.

TCHITRARATHA. Il sera fait comme votre seigneurie le désire. Nymphes, partons!

Tous s'éloignent.

OURVAÇI (en secret à son amie). Chère Tchitralêkhâ, je ne puis parler au grand roi qui nous a secourues; sois donc mon interprète1.

TCHITRALEKHA (après s'être approchée du roi). Grand roi, Ourvaçî me prie de vous dire ceci :

Congédiée par le grand roi, je désire emporter, dans le monde des dieux, sa renommée 2 comme si c'était une amie.

• Litt. ma bouche.

Le texte porte kirtti qui a le double sens de renommée et de faveur.

LE ROI. Puissions-nous tous les deux nous revoir encore !

Toutes les nymphes et les Gandharbas s'éloignent à travers les cieux.

OURVAÇÎ.

Faisant semblant d'être arrêtée dans sa marche.

C'est étrange! ma guirlande composée d'un seul rang de fleurs est arrêtée par les spirales d'une liane.

S'approchant du roi, comme si c'était sans intention, elle le regarde.
Chère Tchitralekhân, détache donc cette liane.

TCHITRALEKHA (la regardant en souriant). Ah! vraiment, elle est solidement liée; je ne puis la détacher. OURVAÇÎ. Assez de plaisanterie ! vraiment délie-la. TCHITRALEKHA. Ah! elle me semble difficile à détacher; cependant je ferai en sorte de la délier.

OURVAÇI (souriant). Chère amie, rappelle-toi bien ces paroles que tu viens de dire.

LE ROI. Une aimable chose a été faite par toi pour moi, ô liane! en mettant obstacle un instant au départ de celleci, puisque cette nymphe aux grands yeux a été vue encore une fois par moi, le visage à demi tourné de mon côté !

Tchitralekha dégage Ourvaçî qui considère le roi, et regarde avec un soupir ses compagnes qui s'éloignent dans le haut des airs.

LE COCHER. Après avoir rejeté en arrière dans l'abîme de l'onde salée les Dâityas qui ont offensé le roi des dieux, votre arme aérienne est de nouveau rentrée dans le carquois, comme un grand serpent dans sa retraite.

LE ROI. Retiens donc le char, de manière à ce que je monte.

Le cocher obéit. Le roi simule l'ascension par des gestes.

OURVAÇI (regardant le roi avec tendresse). Reverrai-je encore ce bienfaiteur ?

En parlant ainsi, elle s'éloigne avec les Gandharbas, accompagnée de ses amies.

LE ROI (les yeux tournés vers la route que suit Ourvaçî). Hélas! l'amour désire ce qui est difficile à atteindre. En s'envolant vers la demeure de son père qui tient le milieu (entre le ciel et la terre), cette belle nymphe enlève violemment mon cœur, comme la femelle du cygne (enlève) le filament qu'elle arrache à la tige brisée du lotus.

Tous sortent.

FIN DU PREMIER ACTE.

PH. ED. FOUCAUX,

professeur de littérature sanscrite au Collège de France.

LA RÉGENCE DE TUNIS.

(Suite et fin .)

Depuis

GOUVERNEMENT, ADMINISTRATION, JUSTICE. qu'ils ont su se soustraire à la fois à la suzeraineté de la Porte et au contrôle exercé par le diwan, les beys de Tunis peuvent être mis au nombre des princes les plus absolus qui existent. De temps à autre de riches présents sont envoyés par eux au sultan ; ce dernier, de son côté, charge un ambassadeur de remettre chaque année au bey de Tunis la lettre de félicitation ou firman et le kafetan d'investiture. Mais ce n'est plus là depuis bien longtemps qu'une formalité sans importance réelle. Le bey est à la fois juge en dernier ressort, administrateur des revenus publics, géné

• Voy. le premier article, t. Ier, p. 297 et suiv.

ralissime sur terre et sur mer, etc. Le principal et autrefois l'unique ministre du bey était le garde des sceaux. Depuis quelques années on a créé plusieurs ministères, comme dans les états européens. L'héritier présomptif, appelé bey du camp, est non pas le fils aîné du bey, mais bien le membre le plus âgé de la famille. Ce mode de succession au trône se retrouve au reste dans la plupart des états de l'Orient.

La justice, indépendante de toutes les formalités de procédure, n'a d'autre règle à suivre que celle de l'équité naturelle. Quelles que soient notre répugnance ou nos préventions à l'égard d'un semblable mode de rendre les jugements, on ne peut nier du moins que là où il est employé, les affaires ne soient toujours expédiées avec beaucoup de célérité et sans frais pour les parties.

Les kaïds ou chefs de district sont les juges naturels de leurs administrés, et prélèvent sur tous les procès qui leur sont soumis, une taxe proportionnée à la gravité de l'affaire. La justice du bey peut-être, et est en effet, invoquée de préférence à tout autre par beaucoup de parties, comme étant, sinon moins sévère, du moins plus équitable et exempte de vénalité. On entend par qady, un docteur en droit. Ce sont les qadys qui siégent dans les tribunaux d'appel. Leurs jugements peuvent être cassés par le mufti. Il y a de plus à Tunis un tribunal dit du droit divin, composé des qadys les plus renommés, et auquel ressortissent particulièrement toutes les affaires qui intéressent la religion. La clémence bien connue de ce tribunal détermine assez souvent le bey à renvoyer devant lui les parties auxquelles il veut éviter une condamnation trop ri

goureuse1. Les juifs, dans leurs procès entre eux, ont pour juges naturels leurs rabbins. Les prescriptions du Talmoud sont la base de toute leur législation.

Un grand nombre de mosquées jouissent du droit d'asile. La plus renommée sous ce rapport est celle de Kaïroan. Ce privilége s'étend toujours à une certaine distance autour de l'édifice sacré. C'est là que vont se réfugier, surtout, les débiteurs insolvables, pour échapper à la contrainte par corps. Lorsque le débiteur a un besoin pressant de sortir et qu'il craint d'être pris, il achète, au cheïk de la mosquée, un chapelet qui lui sert de sauf-conduit, mais pour un jour seulement. Au cas où le crime est de telle nature qu'il devienne absolument nécessaire d'en punir l'auteur, le bey n'a d'autre ressource que de faire murer la mosquée où se trouve le coupable: ce dernier doit choisir alors entre mourir de faim ou se livrer à la justice.

Les deux châtiments dont l'emploi revient le plus souvent sont la bastonnade et l'amende. On coupe le poignet aux voleurs, puis on les force de se promener à âne par toute la ville, leur main attachée au cou. Certains crimes sont punis de l'exil dans l'île de Kerkennah; la peine des galères, est presque exclusivement réservée aux contrebandiers. Lorsqu'un administrateur s'est rendu coupable de malversations, sans qu'il soit possible toutefois d'avoir contre lui

La principale cause de l'absence d'une justice régulière doit être attribuée surtout à la multiplicité des codes en vigueur dans la Tunisie. Je tiens de M. Soliman el-Haraïri, que le nombre de ces compilations de droit dépasse plusieurs milliers (sic), dans lesquelles le juge puise comme il l'entend et sans autre règle que son caprice.

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