Images de page
PDF
ePub

commun avec l'autre. Nous pourrions continuer cette contre-épreuve; il suffira de l'avoir indiquée. Répétons seulement que c'est sur les éléments constitutifs des vocabulaires qu'il faut juger l'affinité des langues qu'on veut comparer, et non sur des faits dont le caractère accidentel frappe par la comparaison avec la généralité des termes. On a beau me produire une liste de mots tatars ou nègres où quelques mots accusent une affinité évidente avec les mêmes mots dans les langues de la race blanche, je suis fondé en science de récuser la conclusion d'affinité générale qu'on voudrait en tirer, si d'ailleurs l'hétérogénéité se manifeste pour la généralité des termes.

Mais il faut s'arrêter, quoique je sois encore loin d'avoir tout dit sur la réponse de M. de Charencey. Je ne puis cependant m'empêcher de rectifier ce que mon savant adversaire dit du çoûdra (et non soutrâ, ce qui est tout autre chose). Le çoúdra n'est pas un laboureur; le laboureur hindou, c'est le vaiçya; le Manava-dharma-çastra le dit en toutes lettres '. Le coûdra ou soûdra est l'homme qui demeure sur l'eau ou sur le fleuve, et le mot est étymologiquement identique avec païos. Aussi Mégasthène appelle ces riverains Yopáxat 2. Maintenant ce coûdra n'a pas du tout l'idée qu'il descende d'ancêtres indo-germaniques; le sentiment d'une commune origine avec les Aryas, qui l'ont soumis, lui l'aborigène de l'Inde, lui manque entièrement. Aussi se résigne-t-il à être compté par ses dominateurs au nombre des mlêichtchas, barbares ou plutôt faibles, avec cette différence toutefois qu'on lui accorde droit de cité dans la société aryenne. Mais ce droit se réduit pour lui à être le très-humble valet de ses conquérants.

1 Man-dh-castra, I, sl. 90.

2 Strab., XV, 1,6.

C. SCHOEBEL.

CHRONIQUE ORIENTALE.

1er septembre 1839.

La conclusion de la paix entre la France et l'Autriche aura du moins ce résultat, qu'elle rappellera l'attention de l'Europe vers l'Orient. Au moment où la guerre éclatait en Italie, de graves questions restaient sans solution en Asie, et cependant l'heure des grandes décisions semblait avoir sonné dans cette vaste partie du monde. Aujourd'hui, il faut l'espérer, l'Europe, fatiguée du bruit du canon grondant dans son sein, songera sérieusement à réaliser au delà des mers les projets qu'elle avait récemment conçus. La Turquie opérera les réformes indispensables dans son gouvernement; les Principautés plus indépendantes que par le passé se constituerontsur une base stable; l'Égypte poursuivra son œuvre de progrès et de civilisation; la Perse continuera à s'identifier avec l'Europe et à s'assurer contre toute usurpation étrangère, en resserrant les liens d'amitié qui l'unissent à la France; l'Inde, mieux administrée, jouira des institutions libérales de l'Angleterre; la Barmanie essayera de se garantir des conquêtes britanniques; le Siam appellera dans ses ports les commerçants étrangers; la Cochinchine et le Kamboje se renouvelleront sous la domination française et espagnole; la Chine cessera de se moquer de la France et de violer dès le lendemain les traités qu'elle aura signés la veille; le Japon s'ouvrira définitivement et se montrera à nos yeux comme le foyer le plus vivant de la civilisation asiatique; l'Océanie et l'Afrique enfin recevront de nouvelles colonies occidentales et avec elles les institutions de l'Europe et de l'Amérique.

Les correspondances de Constantinople ne parlent que du voyage du Grand-duc Constantin dans les États de la Sublime-Porte. Le départ de ce prince a causé les plus chaleureuses démonstrations de la part de la population grecque de l'empire, et à certains instants l'effervescence a été si vive, que les autorités locales ont craint

d'être dans la grave nécessité de la comprimer. La réception du Grand-duc à Smyrne a causé des scènes d'enthousiasme d'une regrettable violence.

La plus vive agitation continue à se manifester en Grèce. Les démonstrations contre l'Autriche et la Turquie n'ont pas discontinué depuis le mois dernier. On craint quelques mouvements dans les provinces grecques appartenant à la Sublime-Porte.

La question de l'investiture du prince Alexandre-Jean, nommé simultanément hospodar en Moldavie et en Valachie, marche lentement. Le sultan paraît disposé à reconnaître exceptionnellement l'élection, mais pourvu que cette reconnaissance ne modifie en rien pour l'avenir les droits de la Porte relativement à la séparation des deux principautés, qu'ensuite une administration distincte soit maintenue dans les deux pays.

S. M. 1. le Chah de Perse, sur la proposition de son grand-vizir Ferroukh-khan, s'est décidé à envoyer à Paris un ambassadeur permanent pour représenter ses intérêts. Ainsi que nous l'avons déjà annoncé, le choix impérial est tombé sur Hassan Ali-khan, un de ses aides-de-camp, appartenant à une des familles les plus illustres de la Perse. C'est dans son pays un des hommes les mieux versés dans la littérature, l'histoire et les sciences mathématiques et stratégiques. Depuis vingt-cinq ans, il n'a cessé de remplir de hautes charges dans la politique et la diplomatie. Il s'est distingué dans plusieurs guerres, et notamment lors de la prise de Hérat.

L'ambassadeur est arrivé à Marseille le 3 août dernier. Les principaux personnages de sa suite sont MM. Mirza Mohsein-khan, premier secrétaire, Mirza Sadèg-khan, second secrétaire, Nazareaga, premier drogman; tous sont des hommes extrêmement distingués et parlent plusieurs langues européennes avec la plus grande facilité. Quarante jeunes Persans accompagnent la légation dans le but de demeurer en France pour commencer ou comĮ léter leurs études; plusieurs d'entre eux sont destinés à s'initier à nos arts et à nos sciences industrielles.

Quelques nouvelles de l'Inde ne sont pas très-rassurantes. L'in

surrection continue à s'organiser dans le Népal sous la direction de Nana-Sahib, qui entretient des intelligences dans tout l'intérieur de la péninsule. On craint de nouveaux troubles dans le royaume d'Aoude.

L'extension rapide de la puissance russe en Asie continue à être véritablement prodigieuse. Une lettre datée de Saint-Pétersbourg, 28 juillet 1859, nous fournit à ce sujet des renseignements pleins d'intérêt. Le gouvernement a commencé la construction de la ligne télégraphique qui passera à travers toute l'Asie septentrionale, de Moskou jusqu'à Nicolaïevsk, ville située à l'embouchure de l'Amour, sur l'océan Pacifique. Une partie de cette ligne jusqu'aux frontières asiatiques est déjà terminée. Aussitôt que la grande ligne sera achevée, on pourra recevoir à Saint-Pétersbourg des nouvelles de Péking, par exemple, ou de tout autre point de l'extrême Orient en moins de trente jours; celles de la baie de Castries et des côtes du Pacifique arriveront en Russie en moins de quatre jours; on pourra avoir enfin des nouvelles du Japon en moins de huit jours. La ligne transasiatique doit être prolongée jusqu'en Amérique par la voie des îles Kouriles et des Aléoutiennes.

Nous avons reçu des nouvelles de Barmanie. Le général d'Orgoni venait d'arriver. Il avait traversé librement les provinces anglaises et s'était rendu à la cour par le fleuve Irrawadi. Sa réception par l'empereur Mengdoun-men avait été des plus brillantes.

Les nouvelles de Cochinchine sont à la date du 22 avril. Une affaire avait été engagée entre les Français et les troupes annamiques qui eurent à souffrir des pertes considérables. L'armée ennemie se composait de 10,000 hommes, dont 3,000 de troupes régulières et 7,000 miliciens. On y a remarqué trois éléphants.

Le 15 juin dernier, les ministres de France et d'Angleterre étaient partis de Chang-haï pour le Pé-ho, dans le but de remonter ce fleuve jusqu'à Péking pour y échanger les ratifications du traité de Tien-tsin. Ils avaient jugé prudent de se faire accompagner par une escorte imposante. Le ministre des États-Unis s'était joint aux deux envoyés et dix-neuf bâtiments de guerre précédaient les

[ocr errors][ocr errors]

ambassadeurs dans le but de forcer au besoin la passe du Pé-lo.

On mande de Batavia, 24 mai, que dans deux villes de Bornéo, un massacre général de chrétiens avait eu lieu. Le signal avait été donné par les hadjis, pèlerins de la Mecque.

CHRONIQUE AMÉRICAINE.

fer septembre 1839.

Il est sérieusement question aux États-Unis d'organiser sur une grande échelle une émigration de la population de couleur pour Haïti. Le président Geffrard a envoyé, dit-on, à la NouvelleOrléans un agent spécial chargé de s'occuper de cette affaire; les émigrés jouiraient des mêmes droits que les Haïtiens eux-mêmes.

La malle de l'Amérique du sud, arrivée à Southampton par l'Avon le 4 août, a apporté la nouvelle des armements que le gouvernement de Buenos-Ayres prépare avec activité contre la Confédération Argentine.

L'isthme de Panama, dans toute son étendue, a présenté une animation extraordinaire par suite de la découverte, dans des tombeaux indiens ouverts dans le district de Chiriqui, d'une quantité de figures en or et d'autres objets précieux. La supposition qu'il pouvait exister un grand nombre de ces riches sépultures, a appelé à leur recherche des centaines de personnes du pays: elles ont recueilli, de la sorte, de l'or pour une valeur de plusieurs milliers de dollars.

On écrit de la Colombie britannique que, dans les mines du Frazer, la moyenne actuelle des journées de mineur varie, selon les lieux, entre 4 et 30 dollars. La route qui conduit de la rivière Harrison dans le haut Frazer est terminée, et rend ainsi des plus faciles l'accès aux terrains présumés aurifères.

Un gouvernement régulier vient d'être établi en même temps dans la Colombie anglaise. La cérémonie d'installation s'est accom

« PrécédentContinuer »