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Personnages dont il est question.

INDRA, chef des divinités inférieures, souverain du Svarga (paradis).
Kêçi, espèce de Titan ennemi des dieux (Daitya).

BHARATA, sage divin, l'inventeur des compositions dramatiques.
Gardes, nymphes, etc.

Au premier acte, la scène représente les pics de l'Himalaya; au second et au troisième, le palais de Pourouravas, à Pratichthâna; au quatrième, la forêt d'Akaloucha, et au cinquième, le palais.

VIKRAMORVAÇI,

DRAME SANSCRIT DE KALIDASA.

PROLOGUE.

BÉNÉDICTION.

Que celui qu'on appelle le seul mâle1 dans les Vêdântas 2, qui pénètre le ciel et la terre; auquel le nom de seigneur, sans être détourné de son acception, convient dans son sens propre ; qui est intérieurement aperçu par ceux qui désirent être délivrés à l'aide de la suspension de leur respiration 3 et par d'autres (austérités); que ce Sthânou [Çiva], facile à obtenir par une foi ferme et par la contemplation 4, soit l'auteur de votre béatitude finale!

1 L'instrument actif de la création, le Brahma primordial et unique duquel tout provient.

2 Livres d'une autorité sacrée dans lesquels est déduite la doctrine des Védas. On donne aussi ce nom aux Oupanichats, qui sont des sections terminant les Védas auxquels elles appartiennent.

3 En fermant la narine droite avec le pouce pendant qu'on respire par celle de gauche; en fermant ensuite les deux narines, pour ouvrir finalement la narine droite afin d'exhaler le souffle; le tout pendant qu'on récite mentalement les noms ou les attributs de la divinité qu'on invoque. ▲ Dévotion qui consiste à s'asseoir en tenant son corps droit et im

LE DIRECTEUR (à la fin de la bénédiction). Assez de ce long discours!

Après avoir regardé du côté de la chambre des acteurs.

Maricha1, cette assemblée a vu les compositions dramatiques des poëtes d'autrefois ; je vais lui offrir une nouvelle pièce 2 nommée Vikramôrvaçî, œuvre composée par Kalidasa. Que la troupe des acteurs soit prévenue, et que chacun de vous s'applique avec soin à son rôle.

UN ACTEUR (entrant sur la scène). Il sera fait comme >votre seigneurie l'ordonne.

LE DIRECTEUR. En attendant, après avoir salué de la tête les personnes respectables et instruites de cette assemblée, je vais leur adresser quelques paroles. « Par le désir d'être en bonne intelligence avec vos amis, et aussi par la grande estime que vous accorderez à un bel ouvrage, écoutez avec attention, ô spectateurs ! cette œuvre de Kâlidâsa. »

Derrière la scène.

Seigneurs, au secours! au secours!

LE DIRECTEUR. Ah!... Qu'est-ce que ce cri soudain de détresse poussé par des êtres qui vont à travers le ciel dans des chars célestes?

Après avoir réfléchi.

Ah! je sais, ce doit être la femme divine née de la cuisse

mobile, les deux yeux fixés sur le bout du nez, en ayant l'esprit complè tement absorbé par l'idée de la divinité.

1 C'est un titre donné à l'acteur principal.

Le texte dit qu'elle appartient au genre trôdaka, qui comprend les drame en 5, 8 ou 9 actes, dans lesquels sont mêlés des personnages divins et humains.

du solitaire ami de Nara1. Après avoir quitté le maître du Kâilâça 2 (qu'elle visitait), elle a été, en revenant, enlevée à moitié chemin, par les ennemis des dieux; voilà pourquoi la troupe des Apsaras crie au secours.

lis-sortent tous les deux.

ACTE PREMIER.

Les Apsaras entrent précipitamment.

Seigneurs, au secours! au secours! quiconque vole avec l'aile d'un dieu, ou peut marcher dans l'espace du ciel. Le roi monté dans un char entre précipitamment avec son cocher.

LE ROI. Assez de cris de détresse ! Après vous être approchées de moi, le roi Pourouravas revenant de visiter le soleil, parlez. En quoi pouvez-vous être protégées?

RAMBHA (l'une des nymphes). Contre l'insolence dès Asouras.

Nara et Narayana étaient deux saints, fils de Dharma et d'Ahinsa: Ils se livraient à des austérités si grandes, qu'ils alarmaient les dieux qui craignaient de se voir supplantés par eux. Indra envoya alors vers les deux ascètes l'amour et le printemps avec des nymphes célestes pour les enflammer et leur faire perdre le fruit de leurs austérités. Nârâyana s'aperçut de leur dessein, les invita à s'approcher et les reçut si bien qu'ils crurent leur but atteint. Mais le sage prenant une fleur, la mit sur sa cuisse, et aussitôt une nymphe apparut, dont la beauté éclipsa les charmes des nymphes célestes qui furent tout humiliées. Nârâyana leur dit alors de retourner vers Indra, et de lui présenter comme une preuve qu'il n'avait pas besoin de la compagnie d'une femme, la nymphe qui venait de naître, et qui fut appelée Ourvaçî (de ourou « cuisse »).

• Kouvêra, le dieu des richesses, dont la capitale, Alakó, est supposée située sur le mont Kâilaça.

LE ROI. Quelle offense avez-vous reçue par l'insolence des Asouras?

RAMBHA. Que le grand roi écoute: celle qui est l'arme délicate d'Indra (quand il est) effrayé par des mortifications extraordinaires1, celle qui a fait laisser de côté la déesse Gâurî 2 fière de sa beauté; l'ornement du ciel, notre amie chérie, en revenant de la demeure de Kouvêra3, a été à moitié chemin saisie par un Dânava, en compagnie de Tchitralekhâ.

LE ROI. Et sait-on de quel côté de l'espace est allé ce misérable?

LES APSARAS. Du côté du nord-est".

LE ROI. Eh bien, soyez sans inquiétude ; je vais m'efforcer de vous ramener votre amie.

LES APSARAS (avec joie). Cela est digne d'un descendant du dieu de la lune.

LE ROI. Cocher, dirige les chevaux pour une course rapide vers l'horizon du nord-est.

LE COCHER. Comme votre seigneurie l'ordonne. (Il obéit. ) LE ROI (simulant la vitesse du char). Bien ! bien ! avec

1 On a vu, page préc., no 1, que les ascètes pouvaient, par la puissance de leurs austérités, faire déchoir les dieux et se mettre à leur place. Ourvaçi, la plus belle des nymphes, est donc l'arme dont Indra se sert pour vaincre les saints voués à des austérités trop extraordinaires. 2 L'un des noms de Pârvatî, épouse de Civa.

3 Voy. page préc., no 2.

Le texte a Vers la région de Çiva, ce dieu étant supposé le gardien de l'espace qui se trouve entre le nord et l'est.

cette vitesse du char j'atteindrais Garouda1 lui-même volant devant moi; en effet, devant mon char, les nuages réduits en poudre forment une route remplie de poussière; le mouvement de la roue dessine dans les intervalles des rais comme une autre suite de rais. Le tchâmara 2 sur la tête des chevaux est immobile comme une peinture, dans toute sa longueur, et l'étoffe de l'étendard placé au milieu d'eux s'allonge, par la violence du vent, jusqu'à l'extrémité du char.

Le roi et le cocher disparaissent.

SAHADJANYA. Amie, le sage roi est parti; allons donc à l'endroit convenu.

MENAKA. Oui, allons.

En parlant ainsi, elles imitent une ascension sur le sommet du mont Hêmacouta.

RAMBHA. Le sage roi serait donc capable de retirer le trait qui nous perce le cœur?

MÊNAKA. Amie, n'en doute pas.

RAMBHA. Mais les Dânavas sont difficiles à vaincre !

MÊNAKA. Le grand Indra lui-même, prêt à engager le combat, après l'avoir avec beaucoup d'égards amené du monde moyen3, le place en tête de l'armée pour assurer la victoire aux dieux.

RAMBHA. Qu'il soit donc complètement vainqueur !

• Oiseau du dieu Vichnou, auquel il sert de monture. On le représente comme un être moitié homme et moitié oiseau.

Ou tchowrie, est la queue du yak blanc du Tibet, fixée au milieu des oreilles des chevaux à l'aide d'un manche d'or ou d'un autre métal relevé par des ornements.

3 La terre, placée entre le ciel et les enfers.

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