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et de se rendre l'une aux habitations de l'autre. Une bonne partie de l'hiver se passa ainsi. Un matin qu'il était tombé beaucoup de rosée, Freydis se leva et s'habilla, mais sans mettre de chaussures ni de bas; elle se couvrit du manteau de son mari et se rendit à la maison des deux Islandais. Quelqu'un venait de sortir et avait laissé la porte entr'ouverte. Freydis entra et resta quelque temps sur le seuil sans rien dire. Finnboge, qui se trouvait dans la chambre et qui était éveillé, lui demanda ce qu'elle voulait. « Je désire te parler, répondit-elle; lève-toi et viens avec moi. » Il la suivit, et ils allèrent s'asseoir sur un tronc d'arbre déposé près de la maison: «Comment te trouves-tu dans ce pays? demandat-elle. Je suis satisfait de sa fertilité; mais je regrette que des dissensions se soient élevées entre nous; car je crois que nous n'avons pas de raisons d'être désunis. Je suis du même avis. Mais je venais pour vous proposer d'échanger mon navire contre le vôtre qui est plus grand ; je me propose de quitter cette contrée. Nous te céderons volontiers notre vaisseau, si cela te fait plaisir», répondit-il. S'étant séparés, Finnboge retourna se coucher, et Freydis rentra chez elle. Lorsqu'elle se remit au lit avec les pieds glacés, Thorvald [son mari] s'éveilla et lui demanda où elle s'était ainsi mouillé et refroidi les pieds. « J'étais allée trouver les Islandais, répondit-elle avec véhémence, pour les prier de me vendre leur vaisseau. Mais ils m'ont reçue très-mal; ils m'ont même frappée et accablée de mauvais traitements; et toi, indigne mari, tu ne te mets guère en peine de venger mon outrage et le tien. Je remarque que je ne suis plus en Groenland, et je veux me séparer de toi, si tu ne me venges pas. »

Incapable de résister à de tels reproches, Thorvard éveilla ses gens et leur ordonna de s'armer le plus vite possible. Ils se rendirent de suite à l'habitation des frères, et les ayant surpris dans leur lit, ils les lièrent et les traînèrent dehors l'un après l'autre. Freydis les faisait massacrer aussitôt qu'ils sortaient. Lorsque tous les hommes furent tués et qu'il ne resta plus que des femmes, personne ne voulut porter la main sur elles. Freydis demanda alors une hache et se précipita sur les femmes qui faisaient partie de la troupe des Islandais. Elle ne cessa de frapper que lorsque ces malheureuses eurent rendu le dernier soupir. Après cet abominable forfait, elle retourna avec ses complices, sans paraître émue de ce qu'elle avait fait. Elle dit à ses gens : « Si nous retournons en Groenland, je ferai mettre à mort celui qui parlera de ce qui s'est passé aujourd'hui. Il faudra dire qu'en partant, nous avons laissé les Islandais derrière nous. » Au printemps (1013) ils équipèrent le vaisseau qui avait appartenu à leurs victimes et le chargèrent de tout ce qu'ils avaient de plus précieux. Ensuite ils mirent à la voile, et après un rapide voyage ils arrivèrent en été dans l'Eriksfiord.

Freydis retourna dans sa maison qui n'avait souffert aucun dommage durant son absence, et continua à exploiter son domaine. Elle avait fait de grands présents à ses compagnons, afin qu'ils gardassent le silence sur son forfait; mais ils ne furent pas si discrets que cette affaire ne vînt à s'éventer. Leif ayant entendu parler de ce crime en fut profondément affligé. Il prit trois des compagnons de Freydis et les mit à la torture pour les forcer à déclarer la vérité. Les révélations qu'ils firent s'accordaient de tous points. Il m'est impossible, dit alors Leif, de traiter ma sœur

comme elle le mérite; mais je prédis que sa postérité ne prospèrera pas. » Aussi depuis cette époque il ne lui arriva plus que des revers.

E. BEAUVOIS,

membre de la Société Américaine.

VIKRAMORVAÇI

ου

LA NYMPHE OURVAÇI

devenue le prix de la valeur.

DRAME INDIEN TRADUIT DU SANSCRIT.

La première traduction du Vikramôrvaçt a été rédigée en anglais à Calcutta, en 1826, par l'illustre indianiste H. H. Wilson; mais cette traduction, qui est presque entièrement versifiée, a dû, par cela même, développer le texte aux dépens de la précision, et malgré sa valeur littéraire, elle est d'un faible secours pour étudier de près le texte original. Aussi, une nouvelle traduction anglaise a-t-elle été jugée nécessaire quand M. Monier Williams eut donné une édition du texte destinée aux élèves de l'East-India College. M.Cowel s'est acquitté avec talent de cette tâche, en s'aidant de la traduction latine que M. Lenz a jointe à son édition sanskrite de Vikramôrvaçi. Le travail de M. Lenz est fait avec soin; mais comme le latin peut suivre, à peu de chose près, la construction sanskrite, sa traduction exige une attention qui fatigue vite, ce qui veut dire que la clarté n'est pas la qualité dominante de son travail.

M. Langlois, dans la traduction française qu'il a donnée du drame de Vikramôrvaçi 1, d'après la version anglaise de M. Wilson, et sans con

1 Dans les Chefs-d'œuvre du théâtre indien; 2 vol. in-8. Paris, 1828, t. I, p. 185. On attribue aussi à Kalidasa un troisième drame qui a pour titre Málavika et

sulter le texte, au lieu d'éviter le défaut que nous signalions tout à l'heure en parlant du travail de ce dernier, a dû nécessairement l'augmenter. Les personnes qui prendront la peine de comparer à M. Langlois la nouvelle traduction que nous publions aujourd'hui, se convaincront facilement, j'espère, qu'elle n'était pas inutile.

Sur les trois traductions allemandes qui existent, je n'ai rien à dire de celles de MM. Hoefer et Hirtzel, que je n'ai jamais eues entre les mains.

Quant à celle de M. Bollensen, qui a donné en même temps une excellente édition critique du texte sanskrit, elle est exacte et bien faite, et nous laisserait bien peu à désirer si, comme les deux précédentes, elle n'était pas en allemand, c'est-à-dire inaccessible à la plupart des lecteurs français.

On sait peu de chose de la vie de Kâlidâsa, l'auteur de Vikramôrvaçî, connu depuis longtemps déjà en Europe par le drame de Sakountalâ, regardé comme son chef d'œuvre 1. On peut cependant assurer, sans crainte de se tromper, que Kâlidâsa vivait à la cour de Vikramâditya Ier, dont la capitale était Oudjayini, aujourd'hui Oudjein (ville sacrée et très-ancienne, située au nord-est de Gouzerate), et qu'il florissait au milieu du siècle qui a précédé notre ère, ce qui en fait un contemporain. de Virgile et d'Horace.

Si les drames de Kâlidâsa et ceux des principaux auteurs dramatiques de l'Inde annoncent une expérience assez grande de la scène, on peut, d'un autre côté, s'étonner de voir les accessoires, sauf le costume 2 qui

Aguimitra; mais suivant plusieurs critiques, ce dernier ouvrage serait d'un autre poëte portant le même nom. M. A. Weber a donné, en 1856, une traduction allemande de ce drame.

1 Traduit en français sur le texte sanskrit, par Chézy. On compte neuf traductions de Sakountalà: deux en anglais, trois en allemand, deux en français, une en italien et une en danois.

? Les troupes d'acteurs ambulants, qui ont dû être communes dans l'Inde à une épo que très-reculée, portaient leurs costumes avec elles. On en a une preuve dans l'histoire d'une compagnie d'acteurs qui fut effrayée par l'un d'entre eux qui avait pris les habits d'un génie malfaisant. On trouvera ce récit dans le curieux Recueil de fables traduit du chinois, qui lui-même est emprunté à des textes sanskrits, et que M. Stanislas Julien imprime en ce moment.

Pour plus de détails sur le système dramatique des Indiens, voir les Select specimen of

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était toujours d'accord avec le rôle, complètement négligés. La plupart du temps les personnages imitent par leurs gestes les mouvements qu'ils sont censés faire, comme de monter sur une montagne, de s'éloigner dans un char, etc. Si cela fait honneur à l'imagination des Indous, assez vive pour se contenter, comme celle des enfants, d'un simulacre d'action, cela prouve aussi que l'art du machiniste et du décorateur n'intervenait jamais pour aider à l'illusion. Au reste, il n'est question nulle part d'édifices destinés spécialement aux représentations théatrales, et les acteurs, habitués à jouer en plein air, à l'abri d'une simple toile, devaient nécessairement chercher à suppléer par une mimique expressive à la mise en scène, qui, pour être comprise, n'avait pas besoin d'être aussi raffinée que celle à laquelle on nous a accoutumés.

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POUROURAVAS, roi de Pratichthâna, ville qui était située sur la rive gauche du Gange, et dont on voit les ruines vis-à-vis d'Allahabad. AYOUS, fils de Pourouravas.

MANAVA, le vidouchaka, espèce de personnage comique, confident du roi TCHITRASENA, roi des Gandharbas ou musiciens célestes de la cour d'Indra. NARADA, sage divin, fils de Brahma.

UN CHAMBELLAN.

UN MONTAGNARD.

PELAVA, GALAVA, disciples du sage Bharata.

FEMMES.

OURVAÇI, nymphe du ciel d'Indra.

TCHITRALEKHA, autre nymphe, amie d'Ourvaçî.

SAHADJANYA, RAMBHA et MÊNAKA, autres nymphes.

AUSINAR?, reine, épouse de Pourouravas, fille du roi de Kaçî (Bénarès). NIPOUNIKA, une de ses suivantes.

the theater of the Hindus, by H. H. Wilson, ou la traduction du même ouvrage par Langlois Chefs-d'œuvre du théâtre indien.

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