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fluences, au prosaïsme de la mode et du vice, la femme, forte de sa double communion avec l'époux et avec la nature, pourra supporter sans faiblir le séjour des villes, où tout la ramènera vers l'innocence, vers la franchise de son intérieur. Une autre question surgit ici qui mal résolue ferait de la femme, délice de la terre, la plus dangereuse ennemie du genre humain : esclave de son amour, attentif à ses moindres caprices, l'homme suspendra-t-il sa destinée pour fatiguer la femme de ses fades complaisances, pour l'emmailloter de sa nullité?... Hercule filera-t-il aux pieds d'Omphale? — Non. — La femme, comme le dit l'auteur, « veut la perpétuité et l'approfondissement de notre amour». La perpétuité, parce qu'elle la donne, l'approfondissement pour nous-mêmes, pour notre bonheur, parce qu'elle sait qu'elle est tout un monde et qu'elle recèle dans la profondeur de son être de quoi satisfaire aux besoins d'infini qui nous poussent, qui nous poussent vers quoi? Vers l'éveil, vers les nobles et utiles applications de la vie. — Fière par instinct, elle veut un homme qui puisse l'honorer devant sa conscience. Y manque-t-il, elle le crée d'un mot ou d'un geste, comme fit Agnès de Charles VII. Se sentant née pour le devoir, elle sollicite l'époux de la voix et du cœur aux tâches sérieuses qui lui incombent, et pendant qu'il sue, qu'il pense ou qu'il lutte, elle prie. Allons, courage! travailleurs infatigables, athlètes obscurs ou renommés du progrès. C'est l'ange de grâce, la justice incarnée dans l'amour,- qui plane sur vos travaux; qu'ils entraînent des succès ou des revers, marchez, marchez toujours: l'intention seule fait tout ici, comme dans la balance de l'Éternel. Le dévouement absolu, les tendresses

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délicates et respectueuses de votre amie, payeront les amertumes du jour ou l'injuste oubli de la postérité.

Vous le voyez, la femme est initiatrice, inspirante, rémunératrice; son influence et sa force sont une volupté et un mystère. Qui de vous, quelque infortuné que vous soyez, ne s'est trouvé guéri par le baiser qu'elle vous a donné en tremblant?- Son humide regard qui nous brûle, sa bouche où erre et respire l'âme qui nous échappe, tout en elle nous fait sentir le prix de la vie, nous illumine et nous porte, le sceptique même, à désirer l'immortalité pour elle et avec elle. Que dis-je? cette faculté d'immortalité, elle la possède, car elle la transmet: devant son sourire et dans ses bras on ne saurait croire à la mort, on dirait qu'à sa voix le ciel s'ouvre et que le destin s'émeut.- Oui, et pourquoi le nier, puisque nous le sentons si bien ? la femme de nos rêves qui nous suit du berceau à la tombe, c'est une sainte image de notre âme épurée qui nous apparaît et qui nous appelle; la femme réelle-puissions-nous la rencontrer-, c'est la main de Dieu qui nous touche par la douce et entraînante révélation du cœur.

Mais l'espace nous manque, et si nous devions analyser l'œuvre entière de M. Michelet, il nous faudrait faire un autre livre, car partout les images, les rapprochements, les préceptes se pressent sous la plume de l'écrivain, et éveillent un monde de réflexions nouvelles. Qui connaîtrait parfaitement l'amour dans le pourquoi de ses impressions, dans le comment de sa manière d'être, aurait une révélation, un prototype de la science universelle. Par le corps et par les mystères de la fécondation, il tient à la racine. de l'univers, à la matière, qu'on a tort de croire inorga

nisée, à la nature, à la VIE inconsciente et physique, dont cette dernière n'est que le réceptacle.- Par l'âme, par cet attrait, par cette communion des deux vies dans l'union spirituelle des amants, par ce mystère insondé encore de la transmission ou de l'incarnation de l'existence, il intéresse la philosophie et la religion, devient le véhicule ou le nœud de toutes les questions morales qui se rapportent à l'homme, à la famille, à la société. Et comme l'amour se sent immortel, il pousse, il conduit, il force le génie religieux de l'homme à sonder enfin le redoutable et tout à la fois consolant problème des desseins paternels de Dieu dans l'œuvre de la création. Ne criez pas à l'impiété et respectez son initiative: Dieu veut être connu, su, pénétré, pour qu'on l'aime avec le respect, l'admiration, la reconnaissance qui lui sont dus. Dans sa perfection infinie, il n'exige pas ces qualités pour lui-même, mais il les détermine pour l'édification, pour le salut de la créature ;

et l'amour dans son élan, lui qui ne douta jamais, prendra la froide RAISON sur ses ailes afin de la faire converger vers la foi en la ramenant aux célestes splendeurs de son origine.

Nous clorons en répétant avec l'auteur « que la question de l'amour est la question essentielle qui se débat sous les bases mêmes de la société ». Bien comprise, cette question les résume toutes, quels que soient le nom qu'elles prennent et la classe d'intérêts qu'elles croient représenter; elle leur apporte comme le Christ à son Église - la lumière, la vie, le lien, la conscience d'elles-mêmes et la foi dont elles manquaient.

CHARLES DE LABARTHE.

LA QUESTION CHINOISE

ET SA SOLUTION.

L'attention de la France, trop longtemps détournée de l'Asie orientale par suite des complications de la politique européenne, vient d'y être brusquement rappelée par des événements d'une gravité considérable. Les ambassadeurs de France et d'Angleterre, porteurs des ratifications du traité conclu à Tien-tsin le 27 juin 1858, au moment où ils se présentaient à l'entrée du fleuve Peï-ho pour se rendre à la capitale, conformément à l'article 42 dudit traité, ont été accueillis par la mitraille des forteresses chinoises. Les Anglais ont perdu un tiers de leurs troupes, trois de leurs canonnières ont été coulées, l'amiral Hope, commandant en chef, a été blessé; les Français en plus petit nombre ont eu quatorze hommes hors de combat et leur commandant également blessé. Le résultat de la journée a été la retraite des alliés qui se sont vus forcés de lever le siége des forts et, par une retraite rapide, de laisser les Chinois célébrer leur victoire par des hurlements d'une joie sauvage.

Tels sont les premiers fruits que la France et l'Angleterre recueillent de l'expédition qu'ils ont envoyée en Chine vers la fin de 1857. Les fautes graves qui en signalent presque toutes les phases devaient fatalement amener aux tristes conséquences dont nous avons aujourd'hui à déplorer les effets. Le premier pas fut fait à Canton : ce fut un faux pas. La prise de la ville nous coûta inutilement des hommes et

des munitions; son occupation n'aboutit qu'à nous attirer la haine de la population chinoise et à amoindrir nos ressources déjà faibles pour réaliser les nouveaux projets que la nullité de cette première tentative allait bientôt porter à imaginer. Tout ce qu'on pouvait recueillir à Canton, c'était une leçon on la recueillit, mais on n'en profita pas. On apprit à n'en pas douter que les traités de la Chine avec les puissances occidentales, notamment ceux avec la France, avaient été rédigés sans la participation de l'empereur de Chine, et que les ratifications que nous avions reçues étaient fausses ou apocryphes.

On décida alors que pour éviter de nouvelles embûches, ce serait à Péking même qu'on irait demander à traiter directement avec l'empereur ou avec des plénipotentiaires travaillant sous ses yeux. Le projet était beau, mais il fallait ou ne pas l'entreprendre ou le réaliser. On l'entreprit. Les ambassadeurs accompagnés des forces de terre et de mer dont ils pouvaient encore disposer mirent à la voile pour le nord et se présentèrent à l'entrée du Peï-ho, fleuve large, mais souvent peu profond, qui conduit à la capitale du Céleste-Empire, à peu près comme la Tamise conduit à Londres.

Les forts qui défendaient l'entrée du fleuve, après quelques heures de bombardement, furent enlevés par nos soldats qui les détruisirent et en enclouèrent les canons. La navigation devenue libre, les ambassadeurs continuèrent leur route dans la direction de Péking. Mais arrivés à Tientsin, avant-poste de la métropole, ils changèrent subitement de résolution et consentirent à traiter avec des mandarins chinois qui se donnèrent le titre de plénipotentiaires de la cour de Péking. Les premiers mandarins qui s'étaient offerts

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