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chacun d'eux; ils s'occupent les uns et les autres de toutes les affaires du pays, quelle qu'en soit la nature. Les décisions de ces ministres sont enregistrées par le greffier de la cour (tsaré-daou-gyi « grands-royaux-écrivains ») ou par les auditeurs impériaux (than-daou-zen receveur de la royale voix »), et soumises au monarque par les ministres du palais (atwen-woun ministre de l'intérieur, ou de la maison de l'empereur »), dont le nombre est aujourd'hui fixé à quatre. Ce sont ces derniers qui reçoivent directement les ordres qui émanent de la couronne; toutefois les woungyi, ou ministres délibérants, ne leur sont en rien inférieurs. C'est même à un de ces derniers qu'il est réservé de remplir au palais même les fonctions du roi en son absence. C'est, en outre, à ces mêmes ministres que sont tout d'abord transmises les décisions impériales, dont ils entendent la lecture, respectueusement tournés du côté du trône, dans la salle affectée au Grand-Conseil pour les séances extraordinaires. Enfin, des ministres d'un ordre inférieur, appelés woundouk, assistent les woungyi dans leurs travaux, et siégent avec ceux-ci dans la Haute-Cour, mais dans un rang plus infime.

Dans la plupart des cités barmanes un peu populeuses, il y a un tribunal, composé d'un gouverneur, d'un mandarin des taxes royales, d'un ou de deux juges et d'un nombre égal de greffiers. Les gouverneurs de provinces sont souvent munis de pleins pouvoirs qui leur confèrent le droit de vie et de mort sur tous leurs administrés, sans grandes formes de procès; il faut ajouter, il est vrai, que s'ils sont investis d'une puissance judiciaire absolue, ils sont responsables de leurs actes vis-à-vis du souverain, qui lui-même

les juge sans autre code que son bon plaisir ou sa mauvaise humeur. Il existe cependant un recueil de lois intitulé Dammasat1; mais les juges barmans passent pour oublier assez souvent d'y recourir.

Les revenus de la couronne proviennent d'une foule d'impôts que l'empereur prélève sur tous les individus soumis à son autorité 2; il perçoit un droit de 10 % sur les marchandises importées par les étrangers dans les différentes parties de ses États. En outre, le trésor impérial s'enrichit de la fortune et des biens des indigènes qui meurent sans héritiers.

La milice barmane est assez mal organisée, et les armes dont elle dispose sont pour la plupart de très-mauvaise qualité. Les séuls fusils que possèdent les soldats barmans sont à mèche, ou quelquefois à percussion; les fusils à capsules n'ont pas encore été introduits parmi eux. On nous a affirmé que le climat du pays ne permettait pas l'usage des capsules fulminantes qui seraient trop vite détériorées et causeraient de la sorte une incertitude dangereuse dans l'usage des armes à feu.

La bravoure est un caractère éminent de l'armée barmane qui, disciplinée et organisée à l'européenne, pourrait devenir redoutable aux Occidentaux eux-mêmes. On nous rapporte que dans plusieurs documents adressés en secret à la

En sanscrit dharma sastra.

2 Suivant un auteur anglais (Blackie's Imperial Gazetteer, vol. I, p. 535), le revenu de l'empereur d'Ava ne s'élèverait pas au-dessus du chiffre de 625,000 francs.

3 Le général d'Orgoni, prince barman d'origine française, attaché au service de la cour d'Ava.

Cour des directeurs de la Compagnie des Indes, il avait été formellement déclaré que si l'introduction d'armes de bonne qualité dans l'Ava était prohibée, cet empire tomberait en peu d'années au pouvoir britannique, tandis qu'au contraire, si l'on permettait l'introduction en Barmanie d'armes bien conditionnées, la conquête de ce pays serait longue et dispendieuse, pour ne pas dire impossible, et de longtemps il n'y aurait pas de sûreté pour les Anglais dans les portions du territoire barman annexées par les derniers traités à l'empire Indo-Britannique.

En effet, il est aujourd'hui avéré que la puissance militaire de l'empire d'Ava dépend moins du nombre de ses soldats que de celui des fusils et autres armes à feu à mettre à leur disposition. Tout sujet barman étant indistinctement susceptible d'être compris dans les cadres de l'armée, il suffit d'un ordre du monarque, transmis aux gouverneurs des provinces par le ministre d'État, pour obtenir sur le champ une imposante levée d'hommes; mais il faut ensuite que le gouvernement se mette à même de pourvoir à l'armement de ces cohortes improvisées, et c'est presque toujours là que réside la difficulté.

La Barmanie ayant abandonné à l'Angleterre tout son littoral, ne peut plus avoir de marine. La navigation de l'Irrawadi seul lui est permise, mais encore dépend-elle du bon plaisir des Anglais, qui pourront, quand ils le voudront, défendre aux Barmans de sortir de leur pays par cette voie unique, et aux nations européennes de profiter de ce fleuve pour atteindre jusqu'aux frontières de l'empire d'Ava.

(A suivre.)

LÉON DE ROSNY.

L'AMOUR.

[L'Amour, par J. MICHELET. Paris (Hachette et Cie, éditeurs); in-12.]

(Suite et fin '.)

«

La deuxième observation, très-capitale pour la dignité de la femme, pour le respect que nous devons à nos mères, et que nos enfants se trouveront à leur tour très-heureux, trèsédifiés de devoir à la leur, se rapporte aux faiblesses presque fatales que M. Michelet attribue à la période sacrée » qui deviendrait alors fort critique pour l'honneur et pour le sang des familles. Si une telle allégation était vraie, les sciences morales n'auraient plus d'objet, la société plus de lien...; l'hymen rougissant reculerait, et il éteindrait de ses mains son flambeau déshonoré. Heureusement ce n'est là qu'une hypothèse; mais les conséquences qu'elle entraînerait dans l'opinion montrent combien il est grave, injuste, dangereux de porter un jugement général et de visû sur des choses aussi délicates qui, se passant dans le for intérieur, ne peuvent dépendre que de lui seul. Condillac, il est vrai, transformait la matière en sensation, en aperception idéelle; mais il n'eût osé lui faire franchir l'abîme qui sépare la sensation de la volonté, et laisse ainsi place à la liberté, à la personne humaine. Il n'eût pas oublié sans doute que si l'homme est une liberté, une intel

Voy. pour le premier article, Revue orient, et améric., p. 239.

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ligence, à coup sûr la femme-plus tenace, nous le savons tous est une sentimentalité qui se possède, laquelle est parfois bien touchante et bien pure, et qu'elle est servie par des organes qui lui obéissent et qui la défendent. D'où vient donc une aussi monstrueuse erreur répétée à satiété dans une foule d'ouvrages de médecine où M. Michelet est allé la prendre? De la rage de recueillir des faits tels quels, et de cette absurde tendance matérialiste qui pousse tant de bons esprits à appliquer dans le domaine de la liberté, qu'ils nient tout en abusant d'elle, la méthode d'observation externe, qui n'est bonne que pour la partie matérielle et physique qui sert de vêtement non de véhicule à tous les êtres de la nature. Du reste, cette fausse application de l'esprit, cette profanation de sa logique porte en soi sa punition et ses regrets : un homme en son ivresse a séduit, enthousiasmé, entraîné une femme qu'il adorait; mais sa légèreté ne lui permettant pas d'apercevoir la tendresse de la victime, il a perdu son culte, et il se surprend à détester ce qui le transporterait d'aise s'il connaissait les causes réelles de son succès. Qu'il suspende son jugement, qu'il cesse de gloser sur la faiblesse ou sur la domination de la chair. Nous vivons comme lui du besoin d'estimer, de la possibilité des rêves de l'idéal, et cependant nous venons relever son idole abattue, peut-être le condamner lui-même... Qu'il se console donc, et, s'il le peut, qu'il répare.

Par suite de nombreuses confidences, entières et désintéressées, nous devons croire et nous affirmons aussi, conséquemment à l'étude que nous avons faite du cœur humain, que jamais c'est en cela même que réside la noblesse

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