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adorer; mais l'humanité est le seul Dieu véritable, et je suis mille fois au-dessus de l'humanité, qui vit d'erreur, puisque moi je découvre son erreur. Mais comme je n'aperçois pas de vérité qui puisse remplacer les erreurs humaines, il me reste à adorer, sans rien conclure, la critique toute seule, c'est-à-dire la négation universelle divinisée. »>

Le travail de M. Hello est écrit avec esprit, et il se lit d'un bout à l'autre avec un plaisir soutenu.

Puisque nous parlons de M. Renan, nous ne pouvons nous dispenser d'annoncer sa charmante traduction du Livre de Job 1, accompagnée d'une étude remarquable sur l'âge et le caractère du poëme. Le Livre de Job est, au point de vue du traducteur, l'idéal du poëme sémitique. Il est d'un grand intérêt de lire dans un style tout à la fois pur et brillant, « cette dispute sublime ou la souffrance et les doutes de tous les âges devaient trouver une si éloquente expression. »

Qu'il nous soit permis d'annoncer également la toute récente apparition des Essais de morale et de critique 2 du même auteur. C'est une collection d'articles détachés qui « tous se résument en une pensée fort au-dessus des opinions et des hypothèses. C'est que la morale est la chose sérieuse et vraie par excellence, et qu'elle suffit pour donner à la vie un sens et un but. » « Des voiles impénétrables, poursuit M. Renan, nous dérobent le secret de ce monde étrange dont la réalité à la fois s'impose à nous et nous accable; la philosophie et la science poursuivront à jamais, sans jamais l'atteindre, la formule de ce Protée qu'aucune raison ne limite, qu'aucun langage n'exprime. » Pour le début d'une préface, voilà certes un style clair et net. Le scepticisme perce peut-être un peu trop rudement au commencement d'un ouvrage dont le ca

1 Le livre de Job, traduit de l'hébreu par Ernest Renan, membre de l'Institut. Paris (Michel Lévy frères, éditeurs); in-8° de cx+200 p.

2 Essais de morale et de critique, par Ernest Renan. Paris (Michel Lévy frères, éditeurs), 1859; in-8° de xix+456 p.

ractère principal est de n'être absolu en rien, libre au point de vue de la pensée, impartial au milieu des sectes et des coteries du monde, de bon goût au milieu d'un cercle d'académiciens et d'esprit d'élite. Mais ce qui assurera à ce livre un immense succès, c'est que l'auteur y explique pourquoi il s'est interdit de répondre à des critiques adressées à ses précédentes études, et ensuite, c'est parce que le savant académicien y trouve l'occasion de prouver que ses doctrines, loin d'être une attaque dirigée contre la religion et l'Église, sont de nature à les consolider l'une et l'autre. A la lecture de ce livre qu'allez-vous dire, Messieurs de l'Univers? Deus faciat pacem, nec deserat in tempore malo.

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vient

Il nous tombe sous la main un charmant petit volume que de publier, il y a quelques jours, la librairie de Firmin Didot frères. C'est le Dictionnaire des antiquités d'Anthony Rich 1, traduit en français par M. Chéruel, inspecteur de l'Académie de Paris. Quoi, en effet, de plus utile et de plus attrayant qu'un ouvrage qui nous fait connaître sous la forme la plus commode (l'ordre alphabétique) tout ce qui a trait à l'antiquité grecque et romaine, et cela non-seulement par des descriptions, mais encore par des milliers de figures gravées d'après l'antique avec une exactitude digne de tous éloges? Grâce à la table méthodique jointe à ce volume, il n'est pas d'ouvrage qui puisse nous permettre de mieux reconstituer tout ce qui touchait de près ou de loin à la vie sociale ou privée des deux plus célèbres nations de l'histoire ancienne.

Un des plus grands poëtes qu'ait jamais eus l'humanité, grand parce qu'au sein d'une tempête d'idées souvent incohérentes apparaissent les éclairs du vrai génie, éclairs lumineux s'il en fut jamais, puisqu'en plongeant jusque dans les replis les plus secrets

• Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, accompagné de 2,000 gravures d'après l'antique, représentant tous les objets de divers usages d'art et d'industrie des Grecs et des Romains, par Anthony Rich. Traduit de l'anglais sous la direction de M. Chéruel. Paris (Firmin Didot frères, éditeurs), 1859; in-8° de 740 p.

de l'âme humaine, ils apportent la lumière quand même il n'y aurait eu jusque-là que les plus épaisses ténèbres; Shakespeare est resté grand pour la postérité, parce qu'au milieu de ces récits fantaisistes et parfois d'une verve insultante, un discours, une phrase, une parole, quelquefois même un mot, un seul mot, vient frapper une des cordes sensibles du cœur humain et faire vibrer de célestes ou d'infernaux accents: ou l'amour ou le doute; Shakespeare enfin, ce grand tragique d'Albion, vient de rencontrer un nouvel et bien digne interprète, M. François-Victor Hugo', fils de l'illustre poëte de la pensée, en ce moment en exil à Jersey. La nouvelle version que nous nous empressons d'annoncer est rédigée, non sur des traductions antérieures, mais sur les meilleurs textes anglais. De nombreux commentaires puisés aux sources et des notices de main de maître complètent chaque pièce, et feront de cette édition des tragédies de Shakespeare, une œuvre indispensable à tous les amis des lettres. « Nouvelle par la forme, nouvelle par les compléments, nouvelle par les révélations critiques et historiques, cette traduction sera nouvelle surtout par l'association de deux noms. Elle offrira au lecteur cette nouveauté dernière l'auteur de Ruy-Blas commentant l'auteur d'Hamlet. »

La question de l'origine du langage mérite certes bien de préoccuper les savants; mais il faut reconnaitre avec eux que cette question est tellement difficile à résoudre, qu'on ne l'aborde pas souvent sans tomber dans de ridicules hypothèses ou sans patauger par delà les nuages. Quoi qu'il en soit, plusieurs savants illustres se sont efforcés de pénétrer avec une intelligence et une perspicacité rares dans les ténèbres qui nous voilent les premiers jours de l'humanité pensante. De ce nombre, il faut citer M. Renan, qui publia en 1849, dans La liberté de pensée, une notice sur l'origine du langage réimprimée depuis avec d'amples

1 OEuvres complètes de W. Shakespeare, traduites par François-Victor Hugo. Tome I, les deux Hamlet; tom. II, Féeries; tom. III, les Tyruns. (Pagnerre, éditeur), 1859, 3 vol. in-8° de publiés.

développements ; et M. Jacob Grimm, l'un des instituteurs les plus illustres de la philologie comparée en Allemagne. Le travail de ce savant vient d'être traduit en français par M. Fernand de Wegmann et publié en une brochure in-8° 2. C'est un travail sur lequel nous osons appeler tout particulièrement l'attention des amis des sciences linguistiques.

Il ne nous reste que quelques lignes, nous en profiterons pour annoncer la publication de l'excellente grammaire tibétaine de M. Foucaux, et la très-prochaine apparition de la grammaire sanscrite de M. Rodet, jeune et savant orientaliste qui a pris à tâche d'introduire en France la connaissance de la langue tamoule et des nombreux et importants ouvrages rédigés dans cet antique idiome de la presqu'ile en deçà du Gange.

LEONE D'ALBANO.

ACTES OFFICIELS ET DOCUMENTS DIVERS.

TRAITÉ DE TIEN-TSIN

Conclu entre la Russie et la Chine à Tien-tsin, le 1er juin 1858.

Nous ALEXANDRE II, par la grâce de Dieu, empereur et autocrate de toutes les Russies, etc., etc., faisons savoir à qui il appartient que ce 1er juin 1858, dans la ville chinoise de Tien-tsin, entre Notre

1 De l'origine du langage, par Ernest Renan, membre de l'Institut. 2 édition, revue et considérablement augmentée. Paris (Michel Lévy, éditeurs), 1858; in-8° de 258 p.

2 De l'origine du langage, par Jacob Grimm, de l'académie de Berlin et de l'Institut de France. Traduit de l'allemand par Fernand de Wegmann. Paris (A. Franck, éditeur), 1859; in-8° de 55 p.

3 Grammaire de la langue tibétaine, par Ph.-Ed. Foucaux. Paris, Imprimerie Impériale, 1858 (mise en vente seulement en 1859); in-8° de xxxII+231 p.

Majesté Impériale et S. M. le BOGDYKHAN de Chine, par l'entremise des plénipotentiaires des deux Cours, a été conclu un traité composé de 12 articles, ainsi conçu :

S. M. l'empereur et autocrate de toutes les Russies et S. M. le Bogdykhan de l'empire de Daïtsine, reconnaissant indispensable de déterminer de nouveau les relations réciproques entre la Chine et la Russie et d'établir de nouvelles dispositions dans l'intérêt des deux empires, ont nommé à cet effet pour plénipotentiaires: S. M. de toutes les Russies, le vice-amiral comte Euthyme Poutiatine, commissaire impérial en Chine, commandant des forces de mer dans l'Océan oriental, aide-de-camp général; et S. M.le Bogdykhan de Daïtsine, le da-sio-chi (grand mandarin) de la division orientale de ses États, directeur des affaires de la chambre criminelle, le haut dignitaire Gyï-Liane, et le haut dignitaire Khouachene, président de la chambre d'inspection de ses États, chef divisionnaire de l'armée de ligne de l'étendart bleu avec franges.

Les plénipotentiaires susnommés, en vertu des pouvoirs qui leur ont été conférés par leurs gouvernements, ont arrêté d'un commun accord les articles suivants :

Art. 4. Par le traité actuel sont confirmées la paix et l'amitié existant de tout temps entre S. M. l'empereur de toutes les Russies et S. M. le Bogdykhan de Daïtsine et leurs sujets respectifs. -La sécurité personnelle et l'inviolabilité de la propriété des Russes habitant en Chine et des Chinois se trouvant en Russie, seront toujours placées sous la protection et la défense des gouvernements des deux empires.

Art. 2. Le droit antérieur de la Russie d'envoyer des ambassadeurs à Péking, chaque fois que le gouvernement russe le juge nécessaire, est de nouveau confirmé. Les rapports entre le chef de l'empire russe et celui de l'empire chinois devront s'exercer, non par l'entremise du Sénat d'une part, et de l'autre du Li-sanyouen, comme cela se faisait antérieurement, mais par celle du ministre des affaires étrangères de Russie et du doyen du conseil suprême de l'empire (Tszioun-tszi-tchou) ou du premier ministre, sur le pied d'une parfaite égalité. La correspondance ordinaire

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