Images de page
PDF
ePub

épithète ne se rapporte pas à la langue des inscriptions, mais à l'idiome que parlaient les Casdim touraniens. Mais si la langue à jamais perdue n'est pas la langue assyrienne, pourquoi M. Renan cite-t-il à l'appui de son opinion les noms inexplicables, selon lui, de Sennacherib, Sardanapale et d'autres, qui sont justement des noms de cette langue assyrienne? C'était, je crois, une bonne occasion de prouver que nos interprétations de ces noms ne sont pas aussi irréfutables que nous croyons l'avoir démontré dans de longs chapitres de notre livre.

Les Assyriens une fois devenus Sémites, la langue assyrienne une fois reconnue comme sémitique, une partie du système de M. Renan sera modifiée. Mais, pour garantir l'intégrité de ce système, devrons-nous sacrifier la vérité?

En somme, qu'a fait la critique de M. Renan?

A-t-elle détruit les bases du déchiffrement? Non, elle les reconnaît. A-t-elle ébranlé les principes du syllabisme, de l'idéographisme, de l'origine hiéroglyphique, de l'origine non sémitique de l'écriture cunéiforme? Non, elle les reconnaît.

A-t-elle démontré la non-existence de la polyphonie? Non, elle a dû se rendre à l'évidence.

A-t-elle pu trouver des raisons suffisantes pour nier le complément phonétique? Non, elle ne le trouve que bizarre.

A-t-elle pu démontrer le non-sémitisme de la langue des inscriptions? Non, puisque toutes ses observations, peu concluantes si elles étaient fondées, ont été réfutées.

A-t-elle pu contester le sens général d'une seule des inscriptions de Babylone et de Ninive? Elle n'a pas même tenté de le faire.

A-t-elle pu substituer aux explications du détail, sans doute erronées en plus d'un point, une interprétation plus conforme à la vérité? Non, elle n'a pas même soupçonné les rectifications que nous pouvons faire

nous-même.

A-t-elle été utile à la science? Oui, elle a consacré, pour la première fois, par la discussion, la réalité du déchiffrement des inscriptions cunéiformes.

Après ce résultat, nous pouvons nous borner à applaudir aux principes et conseils que M. Renan veut bien nous donner à la fin : Il faut

suivre une ligne rigoureusement philologique, être réservé et modeste, ne pas briguer les applaudissements du grand public et se contenter des suffrages des savants d'élite!

M. Renan croit aussi qu'un changement d'esprit soit nécessaire.

Nous sommes heureux de pouvoir accepter les conseils de M. Renan; mais, placés comme ils le sont au point de vue de la rhétorique, ils ont presque l'air de reproches, et, ce qui est plus grave, de personnalités. Or telle ne peut être l'intention de M. Renan. Il sait que, de bonne foi, réservé et modeste, j'ai le courage de mon ignorance, comme la conscience de ma faillibilité. Il peut encore supposer que le second volume de l'expédition de Mésopotamie n'est pas destiné pour le public de la Revue des Deux-Mondes et du Journal des Débats. Membre de l'Institut, il pourrait même deviner quels sont les hommes dont je désire avant tout avoir l'approbation.

M. Renan ne peut exiger que tout le monde ait ses rares talents d'écrivain, et puisse charmer le lecteur par sa belle plume. Où návτessi θεοὶ χαρίεντα διδοῦσι ἄνδρασιν.

Ordinairement l'un exclut l'autre : tels hommes sont de modestes travailleurs, sans briller par leur style; d'autres sont d'éminents écrivains, et peuvent vulgariser les idées des autres. M. Renan dit que Champollion et Grotéfend étaient de médiocres philologues soit, mais ils

avaient leur mérite.

Quant au changement d'esprit nécessaire, je sens certainement la nécessité d'une plus grande perfection, comme celle d'acquérir de nouvelles connaissances, et de substituer à mes erreurs les résultats d'une incessante étude. Je compte sur le concours d'autrui, surtout sur les lumières de M. Renan, qui ne nous refusera pas de mettre le succès de sa critique future à la hauteur de sa sévérité.

Ainsi, quoique M. Renan n'ait pas infirmé un seul de nos points principaux, et qu'il n'ait pris en considération que des détails complètement indifférents, nous ne pouvons, en réponse à toutes les objections de sa part, que le remercier sincèrement de sa critique; car nous nous sommes ainsi exprimés à la fin de notre livre :

« Dans l'intérêt de la science, nous désirons un contrôle conscien

II.

1859.

20

cieux, un examen désintéressé. Nous appelons de tous nos vœux la critique des détails qu'il faudra ou infirmer, ou accepter.

« C'est la seule discussion des faits qui fera jaillir la lumière, qui mettra la vérité dans tout son jour et la fera passer dans le domaine public, en dissipant la dernière ombre qui offusque toute découverte, celle de la personnalité. Que les efforts des philologues du dix-neuvième siècle rendent lisible de nouveau une grande page depuis longtemps effacée de l'histoire humaine: peu importe celui qui en aura enseigné la lecture à la postérité, et qui aura révélé aux générations futures la vérité, comparable au diamant dont l'éclat ne perd ni ne gagne, quel que soit l'humble mineur qui l'ait trouvé, quel que soit le patient ouvrier qui l'ait mis en œuvre. >>

JULES OPPERT.

De la classification des langues.

OBSERVATIONS sur l'article de M. H. de Charencey, intitulé : De la classification des langues et des écoles de linguistique en Allemagne.

Les lecteurs de la Revue orientale et américaine seront sans doute reconnaissants à M. de Charencey de leur avoir fait connaître l'intéressant travail de M. Steinthal sur la « classification des langues considérée comme développement des idées linguistiques ». Toutefois plusieurs n'en admettront probablement pas les principes, et je suis de ce nombre.

Malgré ce qu'on appelle « les tendances empiriques » du système linguistique de M. Bopp, il me paraît être le seul qui repose sur des fondements solides. Celui de G. de Humboldt, analysé par M. Steinthal, est certainement ingénieux; mais il ne peut soutenir, il me semble, un sérieux examen. Le génie particulier de chaque groupe de langues n'est pas aussi différent que les linguistes de l'école de G. de Humboldt veulent le dire. Quand les mots ne se ressemblent pas entre eux, les analogies grammaticales sont souvent frappantes, ainsi que l'ont prouvé Sylvestre de Sacy dans sa Grammaire générale, et plusieurs autres

savants.

Je crois, avec la majorité de ceux qui admettent bond fide la revélation,

que le langage a été communiqué par Dieu à l'homme au moment même de la création. Je ne puis admettre qu'il soit le produit spontané « de la conscience de la nation qui le parle », pas plus que j'admets qu'il puisse être le résultat d'une suite d'efforts pour s'élever du cri de l'animal jusqu'à l'expression des sentiments humains. Quoi qu'on en dise, il n'y a aucune comparaison à établir entre le langage et les découvertes que l'homme fait journellement; il y a entre ces deux choses un abîme immense. Quant à l'unité primitive du langage, j'y crois aussi, parce que je crois à la Bible; et on peut l'admettre sans être tenu de la prouver complètement, à cause de la confusion des langues mentionnée dans la Genèse.

La division des langues en isolantes, agglomérantes et agglutinantes, me paraît défectueuse. Je n'ai rien à dire sur les langues appelées isolantes, car je les ignore; mais je parlerai seulement des autres. On nous donne le sanscrit comme la langue agglutinante par excellence, à cause de la perfection de ses formes grammaticales et de ses lois phonétiques. Mais c'est le système d'écriture euphonique du sanscrit qui le rend si agglomérant; changez le mode d'écriture, et il cessera de l'être.

Cela est si vrai, que dans les dialectes modernes de l'Inde on a souvent réduit les flexions sanscrites en particules. C'est ainsi qu'en hindoustani, par exemple, la particule ka (de) du génitif n'est pas autre chose qu'une désinence adjectivale sanscrite; la particule né (par) du cas instrumental est la désinence même de ce cas en sanscrit. Il en est de mênie des particules de l'ablatif té et sé qui représentent, la première, la flexion at du même cas en sanscrit, et la seconde, la flexion sya du génitif, cas dont la signification se confond souvent avec celle de l'ablatif, etc. Lors même qu'en hindoustani on a conservé des désinences, on les a souvent écrites d'abord séparément, par une réaction tout à fait naturelle contre l'ancien système, et on écrit encore aujourd'hui ces désinences ad libitum, soit séparément, soit conjointement, comme on peut s'en assurer en ouvrant quelques manuscrits, tant en caractères dévanagaris qu'en caractères persans. Ainsi, par exemple, la racine kar « faire » (creare), en sanscrit kri, s'écrit au futur karungå « je ferai » ou kar ûn gå; à l'infinitif, karnâ ou kar nå; au participe présent, karta ou kar tâ, etc. Il en est de même de la désinence des cas

obliques du pluriel on dans l'expression, par exemple, logon ká ghar << la maison des gens », qu'on écrit aussi log on ka ghar, et de toutes les désinences. On peut voir dans les paradigmes de mes Rudiments hindouïs de nombreux exemples de cette orthographe séparatiste qui assimile ainsi tout à fait les langues agglomérantes et agglutinantes. Je laisse à des savants occupés spécialement des questions philologiques le soin de confirmer ces données par des observations plus générales et plus développées.

GARCIN DE TASSY, de l'Institut.

BIBLIOGRAPHIE.

PUBLICATIONS PÉRIODIQUES ÉTRANGÈRES.

JOURNAL OF THE ROYAL ASIAtic Society of GREAT-BRITAIN AND IRELAND. London, vol. XVII, part. 1; in-8°.

On the Uriya and Khondh population of Orissa, by lieut. Frye.-Chronology of the Medes, by Bosanquet.—The Indian travels of Apollonius of Tyana, by Osmond de Beauvoir-Priaulx. - Travels of Hiouenthsang, by prof. Wilson. Thomas. On the supposed discovery of the principle of the differential Calculus by an Indian Astronomer, by Spottiswoode.

Coins of the kings of Ghazni, by Edward

-

JOURNAL OF THE ASIATIC SOCIETY OF BENGAL. Calcutta, 1859, no 1; in-8°. A Sanskrit Inscription dated in the XIVth century, transl. by FitzEdward-Hall. A sketch of Toungoo history, by Rev. Dr. Mason. - On the Indian Arc of Meridian, by Capt. Tennant. Fragments of the three early Hindu dramatists, Bhasa, Ramila, and Somila, by Fitz-Edward-Hall. On the Swayamvara of the ancient Hindus, by Cowell. Geological specimens from the Persian Gulf, by Carter. On education in China drawn up from information afforded by the Ex-Imperial Commissionner Yeh, by Alabaster.

« PrécédentContinuer »