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pénètre pas l'expérience et où la raison n'a plus pour se conduire que le flambeau vacillant de la logique humaine. Ces idées, que nous développerons plus tard rationnellement, nous ramènent au programme de M. Michelet: produire l'affranchissement moral par le véritable amour.- Par le véritable amour! Cette épithète est tranchante, elle établit une distinction capitale. L'auteur fait divorce avec les passions infimes sans révélation et sans conscience, qu'on décore du nom d'amour, croyant probablement remplacer la chose par le mot. Il veut, lui, replacer la chose dans les cœurs doués et bien disposés qui l'attendent. Qu'il soit honoré et béni! puisqu'il veut bien nous distribuer la liqueur énivrante et inspiratrice..., en attendant le pain des forts.

Son livre, où partout la pensée se heurte à la pensée pour s'y aviver et courir scintiller sous une face nouvelle, est jeté carrément, à la manière des grands maîtres : peu de divisions, mais des divisions claires, génériques, saisissantes qui semblent un rêve éblouissant de poésie...; lisez plutôt : Création de l'objet aimé — Communion, incarnation de l'amour - Allanguissement (tout chancelle donc ici bas) et enfin Rajeunissements de l'amour. A cettte charmante nomenclature, notre imagination s'éveille, le passé chante ou pleure, et nous ouvrons ces pages, impatients d'y retrouver les féeriques espérances qui nous sont apparues.

I. CRÉATION DE L'OBJET AIMÉ. Notez qu'il ne s'agit pas de créer de toutes pièces, comme Dieu, ce qui serait peutêtre encore moins embarrassant, mais d'agir sur un être déjà formé, ayant des qualités propres, une personnalité, sur quel être encore? -Sur un être que nous aimons, à

et

qui nous sommes enclins à pardonner ses faiblesses, qui nous domine souvent par le prestige de sa beauté, l'éloquence et la grâce de ses mouvements, la vive et riche imagination qu'il développe.-Force est donc de nous bien tenir; mais il faudrait lutter contre l'amour (il me semble voir les pygmées cherchant à enchaîner Gulliver), le détruire peutêtre..., et alors ce chapitre n'aurait plus d'objet.— Il nous faut au moins bien connaître la merveilleuse et décevante créature dont nous entreprenons la métamorphose.

Ici M. Michelet devient successivement amant, physiologue et moraliste. Il nous parle en amant quand il s'extasie sur la beauté des formes de la femme, sur l'ampleur

de la coupe d'amour » (le bassin) d'où doit sortir, sans nul doute et par votre fait, une nichée de petits anges, sur les ondulations attendrissantes du sein, sur les soupirs, ces souffles embaumés du désir, sur les larmes...; mais il se tait sur ce que Raphaël n'eût peut-être pas oublié de nous dire puisqu'il le rendit si bien de son pinceau d'artiste,

sur

le pourquoi de toutes ces émotions qui nous troublent, sur la cause qui réside en nous et fait que l'aspect des formes de la femme (imaginez, si vous le voulez, une Vénus anadyomène) nous est si fortement sympathique. - C'est que ce corps si beau que nous dérobe sa chevelure, semble fuir le regard et la lumière; c'est que, si frêle, il semble fait pour recevoir la protection, prêt à la réclamer de ses petites mains tremblantes de pudeur; c'est que son pied mignon qui s'élance et sa noble tête qui domine, semblent le dégager des entraves de la terre et le rappeler vers le ciel ; c'est que la rondeur de ses formes, la disposition intentionnelle de ses parties, semblent un nid tout préparé pour le

repos et pour les rêves, que tout y provoque le baiser et paraît prêt à le rendre, que tout invite et que tout promet; c'est qu'enfin dans ce réceptacle de l'amour, dans ce corps fait art inspiré et inspirateur, il n'y a pas une proportion, un trait, une courbe qui par sa manière d'être (l'art a bien certainement sa logique et sa rhétorique) ne rappelle un sentiment, une idée, une vertu de notre idéal. C'est là le dernier mot de la nature dans son effort pour s'humaniser, et la pensée intime, la plus chère et la plus haute que nous nourrissons dans notre âme, s'est incarnée nous le sentons dans ce corps de femme dont les mystérieuses, quoique si sensibles harmonies, reposent, réjouissent ou réchauffent la raison, le cœur et les yeux.

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Nous aurons ailleurs dans une théorie des causes et des fins de la beauté l'occasion de revenir sur ces idées, et d'exposer les rapports remarquables de correspondance qui relient le matériel au moral; rapports qu'en bonne mère la Providence nous a ménagés dans un but d'initiation et de progrès.

M. Michelet devient maintenant physiologue (non pas physiologiste, car il n'explique pas, il décrit) quand il nous entretient de la crise périodique, du malaise et des variations d'humeur qui s'ensuivent. Seulement son caractère d'amant reparaît un peu trop en ce sujet, qui doit être vu d'une manière générale, nullement étudié sur des exceptions. Il outre un peu l'intensité et la longueur du malaise, et se fait médecin trop tendre pour que l'intéressante malade ne trouve pas un certain plaisir à prolonger la maladie. La vérité - M. Michelet lui-même nous le dira plus loin est que cette crise, qui n'est pas une purgation, comme on

le croyait il y a vingt ans, mais un véritable enfantement à blanc, n'est pas proprement une maladie, mais plutôt un effort, un paroxisme de la santé qui renaît. Si done la femme est faible, inquiète en ces circonstances, si elle désire l'époux, c'est par l'instinct, cette secrète voix de la nature qui lui dit qu'alors sa mission, sa destinée de mère n'est pas ou court risque de n'être pas remplie. Aussi se serre-t-elle avec tendresse contre le mari et semble-t-elle attendre qu'il répare cet oubli dont tressaille et frissonne déjà son corps. On sait par des recherches nouvelles que ce n'est qu'à l'époque de « cette crise sacrée, quand saigne la blessuré d'amour » (d'après l'expression de M. Michelet), ou peu avant, ou peu après, que peut se faire la fécondation. En continuant la pensée de l'auteur, cela prouverait que sans le flux, cet écoulement impur, pendant la durée duquel Moïse et nos casuistes défendaient les tendresses conjugales, la population ne saurait se maintenir, et que si la loi religieuse, qui voulait ainsi garantir la pureté des races, eût été observée rigoureusement, la terre serait devenue un désert, et que n'aurions plus à discourir sur l'amour.

Deux observations cependant. La première, c'est qu'il ne faut pas trop se hâter de condamner les casuistes que l'on n'a peut-être pas bien compris, sur la foi de la science nouvelle qu'on ne comprendrait pas davantage. Un peu avant ou un peu après la crise, quand le flux n'est pas encore ou qu'il cesse d'être, le corps de la femme est émoussé, énervé comme elles disent, et les pores entr'ouverts favorisent la fécondation. Ces deux époques limites (un peu avant, un peu après) n'étaient pas sans doute comprises dans la défense des casuistes qui ne parlent d'une manière expresse

que du flux. Or, pour des raisons qui se sentent de suite et d'après des faits nombreux qui nous ont été rapportés, nous conseillons de maintenir la défense pour ce dernier temps, d'autant plus, que la religion, par cette défense, en arrêtant l'abâtardissement physique qui pourrait résulter de cette cause, arrêtait aussi l'abus, la passion sans frein, le libertinage qui produisent l'abâtardissement moral, plus à craindre encore et plus déplorable que le premier. Nous avons vu dans la Bible, la religion maîtresse du champ de l'idée, et la devançant ; -nous la retrouvons quand il s'agit d'hygiène et de physiologie, et toujours, toujours, posant son doigt aux limites de l'horizon qui se découvre.

CHARLES DE LABARTHE.

(A suivre.)

SUR L'ORIGINE ÉGYPTIENNE

DU NOM DE MARIE.

J'ai placé Mariamne et Marianne dans le même article 1 que Marie, dont ils sont les dérivés, mais chacun de ces trois prénoms a sa patronne particulière.

Mariamne, Mapizun, est la forme grecque donnée autrefois en Orient au prénom égyptien de Marie; la lettre m

• Cet article est extrait d'un charmant ouvrage encore inédit et orné de planches en or et en couleurs, que M. le baron Paul de Bourgoing, sénateur et ancien ambassadeur en Espagne, doit publier prochainement sur Les Prénoms, leur étymologie, etc.

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