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ACTES OFFICIELS ET DOCUMENTS DIVERS.

TRAITÉ CONCLU ENTRE LA FRANCE ET LE TORO (Sénégal). Au nom de Sa Majesté NAPOLÉON III, empereur des Français. Entre M. L. FAIDHERBE, colonel du génie, officier de la Légion d'honneur, gouverneur du Sénégal et dépendances, représenté par M. FLIZE, capitaine à l'état-major de l'infanterie de marine, chevalier de la Légion d'honneur, directeur des affaires indigènes, et AMADY-BOUKAR, chef du Toro, a été conclu le traité suivant :

Art. 4. Le Toro, reconnaissant que sa réunion politique avec le Fouta lui a toujours été plus nuisible qu'utile et voulant s'assurer, pour l'avenir, la protection des Français et une paix durable avec eux, déclare former un État indépendant qui s'étend sur le fleuve, depuis Mao jusqu'à Aleybé, et sur le marigot, depuis Dado jusqu'à Aĕre.

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Art. 2. Cet état a pour chef Amady-Boukar, élu le 10 avril 4859, à Guédé, par tous les principaux chefs du Toro. Ce chef les représentera dans leurs rapports avec les étrangers et assurera l'exécution des lois à l'intérieur.

Art. 3. Le gouverneur reconnaît l'indépendance de ce nouvel État et son chef électif. Il lui promet aide et protection contre les ennemis que pourrait lui susciter le présent traité; et, en particulier, dans le cas où les villages qui forment la limite du Toro, du côté du Fouta, auraient à souffrir des dommages de la part des habitants de ce dernier pays, le gouverneur promet de faire construire une tour à l'endroit le plus convenable pour assurer une protection efficace au Toro.

Art. 4. Le chef du Toro Amady-Boukar s'engage, en son nom et au nom de ses successeurs, à faire respecter les territoires français ou alliés des Français limitrophes du Toro et à empêcher qu'il y soit commis des pillages par ses sujets. A cette condition, le gouverneur promet sa médiation et son appui pour le cas où des pillages seraient commis par des étrangers maures ou noirs contre les gens du Toro.

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Art. 5. En cas de guerre entre les Français et les Maures ou tout autre état voisin ou éloigné du Toro, Amady-Boukar s'engage à ne pas donner asile dans ses villages aux ennemis des Français. Art. 6. Les relations commerciales continueront, comme par le passé, entre les sujets français et les gens du Toro, sans que ceux-ci ou leurs chefs aient à exiger des Français, qui iront faire du commerce dans leurs pays, aucune espèce de coutume, impôt, droit de passage ou cadeau de quelque nature et si minime qu'il soit. De leur côté, les gens du Toro pourront venir librement commercer dans tous les pays ou établissements français sans qu'il leur soit demandé aucune redevance.

Art. 7. — Amady-Boukar s'engage à respecter et à fairê respecter dans son pays les sujets français et leurs biens, de même qu'eux ct leurs propriétés seront respectés chez les Français. En cas de contestation entre un sujet de la France et un habitant du Toro, il en sera référé à l'autorité française.

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Art. 8. Les Français auront le droit de couper du bois sans rien payer sur les rives du fleuve et du bras de l'ile à Morfil, dans toute l'étendue du Toro.

Art. 9. Le présent traité servira seul de base, à l'avenir, aux relations des Français avec le Toro. Toutes les conventions antérieures faites avec le Fouta lorsque le Toro en faisait partie sont abrogées.

Fait et signé à bord du Griffon, mouillé devant Guédé, le 10 avril 1859, en présence de MM. Guirand, enseigne de vaisseau, capitaine du Griffon; Chaumel, enseigne de vaisseau, capitaine du Crocodile; Berg, chirurgien de deuxième classe de la marine, et Bertelot, enseigne de vaisseau, attaché à l'hydrographie du fleuve. Les chefs d'Eddy, de Guédé, de Guédé-Ouro, de Ndioum, de Ngadiagne, de Ndiaoura, de Moklitar-Salam ont également signé avec AMADY-BOUKAR.

Approuvé Le gouverneur du Sénégal et dépendances,
L. FAIDHERBE.

L. LÉON DE ROSNY.

Imprimerie orientale de Marius Nicolas, à Meulan.

COUP D'ŒIL

SUR

L'AMÉRIQUE CENTRALE ET SES MONUMENTS.

A M. le Rédacteur en chef de la Revue orientale et américaine.

Puisque vous avez entretenu plusieurs fois vos lecteurs du projet de canalisation de la rivière San-Juan de Nicaragua, l'un des meilleurs projets pour la coupure de l'isthme américain, permettez-moi d'ajouter un fait historique, tout à fait rétrospectif, et qui se rapporte au même objet : ce fait est peu connu et seulement des personnes à qui, depuis environ vingt ans, j'ai montré, à notre grande Bibliothèque, la carte sur laquelle il est consigné. Sur cette carte on voit, dans le golfe du Mexique, des vaisseaux à la voile qui se dirigent vers la rivière San-Juan; d'autres, dans la mer du Sud, qui se dirigent vers la baie de Papagayo, où ils auront ensuite à rallier les navires descendant du lac de Nicaragua; enfin, sur ce lac même, on aperçoit trois autres vaisseaux à la voile 1.

Si le roi Charles IV avait ouvert l'oreille aux conseils de

Le même sujet a été reproduit en petit, sur une carte de forme circulaire, comme si on eût, dès lors, voulu le rendre populaire en appliquant la carte sur une boîte. Ces deux cartes sont conservées dans la Collection géographique de la Bibliothèque impériale, et sont un exemple de l'utilité qu'aura un jour le dépôt général et complet des productions géographiques créé en 1828. Voy. ci-dessous, p. 237.

II. 1859.

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M. Martin de la Bastide, auteur du projet, peut-être l'Espagne aurait-elle conservé ses riches colonies d'Amérique; elle aurait probablement recouvré son ancienne splendeur et ajouté beaucoup à sa gloire. C'était une conquête digne d'elle, digne de celle de Christophe Colomb; c'était la découverte, sinon de l'océan Pacifique, du moins d'une voie sûre et rapide pour y pénétrer dans toutes ses parties; c'était s'affranchir du cap Horn dès l'année 1789, comme aujourd'hui, par le canal maritime de Suez, on est sur le point de s'affranchir du cap de Bonne-Espérance.

Quels progrès n'eût pas atteints l'Espagne par la voie du canal de Nicaragua, ne fût-ce que pour le commerce! Mais il n'est pas douteux qu'elle en eût accompli bien d'autres: l'agrandissement de ses possessions, l'occupation de tout ou partie des îles Sandwich, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, les relations politiques, et commerciales avec les grands empires de la Chine et du Japon, les communications plus fréquentes et plus rapides avec sa riche colonie des Philippines, etc. Mais l'oubli incroyable où la maison de Bourbon, depuis le commencement du dix-huitième siècle, est restée des gloires de l'Espagne, s'est manifesté par tant de côtés, qu'il n'y a pas trop à s'étonner de ce que Charles IV a négligé le projet de M. de la Bastide.

Il n'a pas fallu moins de cinquante ans de progrès industriels et de changements politiques en Europe, pour rappeler enfin l'attention publique sur l'isthme américain. Quand Humboldt, avant 1823, proposait de faire communiquer les deux océans par le golfe de Darien1, il ignorait probable

1 Bolwar avait voulu s'assurer par lui-même de la possibilité de cette

ment le projet de M. de la Bastide, à moins qu'il n'ait, par hasard, consulté le livre de M. de la Borde sur la mer du Sud, ouvrage où le projet est consigné. En tout cas, il a cru devoir conseiller une communication bien différente, et qui pourrait bien un jour être aussi adoptée, concurremment avec le projet de percement à travers l'Amérique centrale. Dans mon opinion, il y aura, un jour, plus d'un canal, et plus d'un chemin de fer pour servir à pénétrer d'un océan dans l'autre. Déjà l'on compte deux voies ferrées à travers l'Amé rique centrale, la voie de Panama déjà achevée, et la voie de Honduras qui se prépare par les soins de M. Squier. I en sera de même des canaux navigables. Il est naturel de penser que trois ou quatre des cinq états entre lesquels l'isthme se partage, voudront avoir, chacun, une communication par eau entre les deux mers. Ce n'est pas le lieu de discuter ici quelle est celle qui sera la première entamée et poussée à son terme, et je me borne à donner plus bas le projet de M. de la Bastide d'après sa carte et ce qu'en dit M. de Laborde dans son Histoire de la mer du Sud.

Je passe maintenant à d'autres considérations sur les découvertes historiques et archéologiques, découvertes que les travaux de la canalisation amèneront infailliblement avec eux, et je rentre ainsi dans le cercle des objets qui doivent occuper plus spécialement la Société d'ethnogra phie.

Le point de vue le plus essentiel sous ce rapport, sera la recherche des vestiges des anciennes populations.

communication, et Humboldi pensait qu'il n'y avait qu'à élargir un canal antérieurement établi.

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