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triarches. En assignant à l'humanité une carrière à parcourir, la Providence dut lui donner les forces et les moyens de parvenir au but. Les hommes des premiers temps ont parfaitement pu être capables d'autres conceptions que celles dont nous serions capables aujourd'hui, parce qu'il leur était nécessaire d'avoir ces conceptions supérieures. Ces réserves faites, nous n'avons aucune répugnance à admettre l'opinion émise par Humbold, et nous demandons la permission de n'y pas voir une hypothèse aussi ridicule et aussi anti-philosophique que quelques auteurs ont bien voulu le prétendre.

H. DE CHARENCEY.

L'ART JUDAIQUE.

[Histoire de l'Art judaïque, tirée des textes sacrés et profanes, par F. DE SAULET, membre de l'institut. Paris, Didier éditeur, 1800, in-8.

L'art judaïque a-t-il existé? en reste-t-il quelques vestiges? le peuple d'Israël a-t-il réellement possédé des procédés à lui? sa pensée s'est-elle révélée par des œuvres plastiques dont les caractères particuliers la rattachent à l'individualité de la race ou de la nation?

Jusqu'à ce jour l'érudition a répondu non. Ce n'est pas un motif, à vrai dire, pour s'en rapporter sur parole : il s'est perdu tant d'œuvres dont nous ne soupçonnons même pas la possibilité, et l'archéologie nous habitue à de si étranges découvertes! Si donc un savant, un érudit, un voyageur,

un homme qui a étudié sur les lieux mêmes, vient poser une assertion contraire à nos opinions, ne la repoussons pas; examinons. L'érudit, le voyageur dont il s'agit est M. de Sauley; ses études, ses publications, ses voyages, tous ses titres à l'estime et à la sympathie du monde savant, nous font un devoir d'apporter dans ce travail l'attention la plus scrupuleuse.

L'art judaïque a-t-il existé? M. de Saulcy se prononce pour l'affirmative en termes exprès, dès les premiers mots de son livre, dont le but, dit-il, est de démontrer que « la nation juive avait un art à elle et qu'elle l'a porté à un trèshaut degré de perfection

D.

Eh quoi ! ce peuple obscur, le plus souvent opprimé ou tributaire, constamment attardé aux degrés secondaires de l'humanité dans tout ce qui ne touche pas à la science de Dieu même; ce peuple se maintenant si longtemps à l'état pastoral ou agricole; ce peuple dont le principal mérite a été de conserver, sans les comprendre, les vérités venues d'en haut; obstiné dans ses défections à une loi consacrée sous ses yeux par des miracles objets de sa foi, plus opiniâtre encore dans ses défections aux mêmes préceptes lorsqu'ils ont été dépourvus de toute sanction; ce peuple dont la civilisation antique a dédaigné le mérite au point de le représenter comme une horde de barbares fanatiques; le peuplejuif aurait un art à lui, et l'admiration qui s'attache à toute manifestation des tendances de l'intelligence vers les types du beau trouverait dans le texte des Écritures une source jusqu'à ce jour inconnue! Certes, la promesse est séduisante et mérite justification.

En réalité, la personnalité du peuple juif ne se révèle

qu'à la sortie d'Égypte; on pourrait donc contester l'attribution qui lui est faite des progrès antérieurs à cette époque. Au surplus, l'étude des premiers temps sur lesquels la Genèse nous donne de si rares indications est la plus intéressante que l'on puisse concevoir; c'était donc un motif pour M. de Saulcy de ne pas passer sous silence la construction de l'arche de Noé, qui est le fait le plus important se rattachant à l'art et à l'industrie des temps primitifs.

L'arche devait être construite en bois de camphre, ce qui indique le séjour de Noé comme étant fixé à un degré de latitude assez élevé vers l'équateur. Les dimensions du bâtiment sont énormes: environ 150 mètres de long, 25 de large et 15 de haut. Même de nos jours, il existe des fractions considérables de populations faisant partie de nations civilisées, par exemple, des cantons ou des arrondissements de France, dans lesquels il serait impossible d'obtenir l'exécution satisfaisante d'un bâtiment de cette taille. D'un autre côté, l'intervention immédiate de Dieu, l'indication des dimensions qui sont fort bien appropriées à la destination, le petit nombre des fenêtres et l'existence de la porte, donnent lieu de penser que la construction dont il s'agit était en dehors des habitudes de l'époque, non-seulement à raison de son volume, mais encore au point de vue de l'usage qu'on en devait faire, et il semble en résulter que l'art de la navigation n'avait pas accompli de sensibles progrès.

A la sortie d'Égypte, les Hébreux étaient évidemment Égyptiens quant à l'art; mais quel était le caractère des travaux des peuples cananéens établis en Palestine ? A vrai dire, ceci ne concerne qu'indirectement l'histoire de l'art judaïque, ou, si l'on veut prétendre que les Israélites ont

adopté les procédés ou le style cananéens, cela est bien loin d'établir l'individualité de l'art chez les juifs.

N'allons donc pas accorder plus de mérite qu'il n'y en a réellement à la construction du veau d'or, du serpent d'airain et de l'arche dans le désert: ces animaux emblématiques, ces chérubins ou êtres fantastiques révèlent un parfum de mythologie.

A ce propos, M. de Saulcy fait observer qu'en prohibant la construction des figures, la loi n'entendait que les images destinées à un culte idolâtre. Cela est indubitable: outre le serpent d'airain et les keroubim de l'arche, on peut encore citer la mer d'airain du temple, les lions du trône de Salomon et bien d'autres exemples. Du reste, les excès auxquels la nation se livra et qu'elle porta au point d'adorer le serpent de Moïse, qu'il fallut détruire en conséquence, au temps de Josias, démontrent que ceux qui la dirigeaient avaient les motifs les plus fondés pour lui présenter dans un sens presque absolu les prescriptions de la loi; en cela, d'ailleurs, ils n'ont fait que se conformer au génie d'un peuple dont le nom est resté pour indiquer le respect plus matériel qu'intelligent aux décrets qui le régissaient.

Les livres placés chronologiquement entre le Pentateuque et ceux des Rois offrent un très-petit nombre de faits artistiques. M. de Saulcy, qui en a tiré tout le parti imaginable, nous donne des renseignements intéressants sur la ville de Hazor, la capitale de Jabin, au temps de Josué, ville dont il a cru pouvoir reconnaître les ruines.

Si l'on apporte dans l'histoire de ces temps reculés une critique impartiale, il est impossible de ne pas remarquer la fréquence des défections du peuple d'Israël. Évidemment,

cette tendance constante des Hébreux à se rapprocher des idées de leurs voisins, gisait moins dans l'exigence de leurs propres dogmes qui ne les gênent guère de nos jours, que dans la supériorité de la civilisation des étrangers au point de vue plastique et industriel. Une nation exclusivement pastorale et agricole ne tarde pas à se voir plus ou moins à la merci des peuples industriels, pour la satisfaction des besoins ordinaires de la vie : c'est ce que nous allons voir plus bas à propos de Samuel. D'un autre côté, des affinités de langue et de mœurs devaient porter les Israélites à rechercher les peuples d'origine cananéenne, et surtout les Phéniciens, dont la civilisation et la richesse étaient déjà de longue date.

Tous ces motifs nous autorisent à croire qu'antérieurement à l'époque des rois, l'art et l'industrie judaïques furent probablement le reflet de ceux de Sidon et de Tyr; peutêtre même, et plus vraisemblablement, selon l'usage de beaucoup de nations antiques, celui des mahométans et de tous les peuples arriérés de nos jours, les Hébreux se bornaient à se procurer, par des échanges commerciaux et contre la cession de leurs produits agricoles, les objets manufacturés dont ils faisaient usage.

Le premier livre de Samuel contient sur les armes des Israélites des détails dont M. de Saulcy a fait l'objet de curieux développements comprenant les instruments de guerre, de musique et autres. Mais qui fabriquait ces armes et ces instruments? Évidemment, c'étaient les étrangers, du temps dont nous parlons. M. de Saulcy cite lui-même le passage du chapitre XIII (versets 17 et suivants), où il est dit que dans tout Israël il ne se trouvait pas un forgeron, ce qui

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