Images de page
PDF
ePub

Il n'est pas, dans le livre de M. Belly, de chapitre qui excite plus l'intérêt du lecteur, que celui où recherchant l'importance du mouvement maritime des deux hémisphères, il tâche de préciser les bénéfices probables du canal. On est saisi d'étonnement en voyant que ce mouvement a plus que doublé depuis une douzaine d'années; que là où le prince Napoléon n'avait prévu qu'un transport probable de 900 mille tonnes, il faut reconnaître un transport assuré de trois millions de tonnes environ; que 1,800 tonnes sont entrées dans le port de San-Francisco ou en sont sorties en trois années, et que le seul guano du Pérou n'a pas fourni, en 1855, moins de 404 mille tonnes à l'Europe.

Si l'on ajoute à cela que les voyages maritimes se multiplieraient d'autant plus que le parcours serait diminué, que le guano des îles Guincha est devenu une nécessité de l'agriculture, que les relations commerciales, jadis circonscrites à Canton, touchent en Chine des points nombreux, que le commodore américain Perry a forcé les portes du Japon, on ne trouve point exagéré, pour les bénéfices, le chiffre initial de 30 ou 35 millions que l'auteur croit devoir être bientôt remplacé par celui de 50.

A ceux qui trouvent le monde bien vieux, ne pourraiton pas répondre qu'il est encore dans l'enfance et que devant lui s'ouvrent plus d'un horizon infini et sans limite?

Quand aura lieu finalement l'ouverture de ce canal qu'appelle depuis trois siècles l'humanité par les vœux et les espérances, et les essais des générations successives? Quand se produiront ces effets prodigieux qui semblent appartenir autant au domaine de la fable et de l'imagination qu'à celui de la réalité? Quand le cap Horn sera-t-il supprimé ? Quand

les navires de l'Europe pourront-ils se rendre presqu'en ligne droite aux ports de la Chine et du Japon? Quand le Pérou et la Californie paraîtront-ils s'être rapprochés de notre continent de toute l'épaisseur d'un monde? Quand l'Europe utilisera-t-elle ces forêts vierges s'étendant particulièrement sur les rives du canal projeté, et devant être un jour la source d'incalculables richesses? Quand l'Amérique centrale verra-t-elle ses solitudes colonisées par une partie de ce courant d'émigration qui, partant d'Europe, n'aboutit aujourd'hui qu'aux États-Unis et à Montevideo? Quand surtout sera-t-elle complètement assurée contre l'ambition et les violences détestables des Yankees?

Il n'est pas possible, sans doute, de faire dès aujourd'hui une réponse catégorique à ces questions; mais il est permis d'affirmer que la France, qui a prévalu par sa féconde initiative dans les études préliminaires et les travaux scientifiques, contribuera plus que toute autre nation par un concours énergique et puissant à la création et au maintien d'un état de choses qui doit intéresser l'univers tout entier. G. DE CHARENCEY,

ancien Représentant du Peuple à l'Assemblée nationale.

LES STOUPAS,

MONUMENTS RELIGIEUX DU BOUDDHISME.

On donne le nom de tôpe à d'anciens édifices que l'on trouve dans différentes contrées de l'Asie. Le mot tôpe, usité dans l'Hindoustan et dans l'Afghanistan, vient du sans

crit stoupa, qui signifie monceau, tas, tertre. Les Ceylanais appellent encore ces monuments toupa, mais plus ordinairement dagoba, altération du sanscrit dhâtougópa « réceptacle de reliques précieuses». Les Afghans les appellent aussi bourdj, tour.

Les archéologues ont été longtemps indécis sur la destination de ces édifices. Il est aujourd'hui prouvé que les tôpes sont des tchatyas ou monuments religieux, érigés par les bouddhistes et consacrés soit à Bouddha céleste ou AdhiBouddha, soit aux Bouddhas incarnés, et spécialement à Çakya-Mouni, le plus célèbre d'entre eux, qui mourut en 543 avant Jésus-Christ, soit enfin à ses disciples ou à des prêtres renommés pour leur sainteté. Dans le premier cas, l'intérieur du tôpe ne renferme aucun objet précieux ; mais l'esprit divin est censé y résider, ce qui était annoncé au dehors par deux yeux placés à chacun des quatre côtés de l'édifice, tantôt à la base et tantôt au sommet. Dans les autres cas, le tôpe renferme toujours une relique qui, parfois, consiste en un seul cheveu, un ongle, une rognure d'ongle, etc., de Çakya-Mouni ou d'un autre personnage révéré. Les tôpes de la première catégorie sont ceux qu'on appelle au Tibet chostin, chhodtin, ou mieux m-tchhod r-ten, c'est-à-dire une offrande à la divinité, et ceux de la seconde espèce reçoivent dans le même pays le nom de dangtin ou mieux g-dung r-ten, réceptacles d'ossements ou de reliques.

Plusieurs de ces gigantesques reliquaires paraissent dater du sixième siècle avant notre ère, et sont par conséquent postérieurs de peu d'années à la mort de Çakya-Mouni. Les livres bouddhiques sont d'ailleurs sur ce fait d'accord avec

les investigations archéologiques. Les tôpes sont ordinairement de proportions colossales et construits en pierres ou en briques sur une base qui est quelquefois formée d'un mur régulier et quadrangulaire, et qui parfois consiste en un tas de grosses pierres brutes amoncelées sans ordre. Ils sont de forme hémisphérique, et le plus grand qui soit connu jusqu'à ce jour, situé dans le Bandelkhend (Bundelcund des Anglais), près de Santchi, a 554 pieds de circonférence et 120 pieds de hauteur; mais il a été beaucoup plus élevé. Il en existe aussi de très-petits; celui de Bhodjpour, par exemple, n'a guère que 30 pieds de tour. Le grand tôpe, dont nous venons de parler, date du premier âge où l'on construisit ces monuments; il est purement hémisphérique, ainsi que tous ceux de la même époque. La forme varia plus tard, et la plupart de ceux qu'on trouve dans les environs de Bhibra, qui sont du troisième siècle avant Jésus-Christ, présentent un hémisphère s'élevant de quelques pieds sur la plinthe par l'addition d'une portion cylindrique. Dans les tôpes de l'Afghanistan, à peu près contemporains de l'ère chrétienne, l'hémisphère est beaucoup plus élevé sur la plinthe. Il en est, enfin, d'une époque plus récente encore et qui ont pour caractère distinctif l'élévation de l'hémisphère à une hauteur égale au diamètre du monument. On peut citer comme type de ce genre le Sarnath, tôpe des environs de Bénarès. Tels sont du moins les résultats des études faites par Cunningham sur ces curieux édifices. Sur tous les tôpes s'élevait, avant leur dégradation, une flèche terminée quelquefois par une pierre précieuse et surmontée d'un ou de plusieurs parasols superposés, soit d'or, soit seulement dorés et en forme de coupole. Dans

beaucoup de cas, la flèche reposait sur une sorte de clocher. Plusieurs tôpes de Ceylan portent encore ce couronnement, et il en était de même de ceux de l'Inde et de l'Afghanistan au septième siècle de notre ère, comme on le voit dans la relation de voyage du pèlerin chinois HiouenThsang.

Parmi les tôpes les plus remarquables, outre ceux que nous avons déjà mentionnés, il faut citer le tôpe de Manikyala, entre Attock et Lahore; il a de 310 à 320 pieds de circonférence et 80 pieds seulement de hauteur, car sa partie supérieure a été renversée. C'est celui dont nous donnons ci-dessous la figure. Plus vaste encore était celui d'A

[graphic]

maravati, près du fleuve Krichna, dans le Guntour-Sirkar. Il n'a plus que 16 pieds de hauteur avec une circonférence de 500 pieds. A Ceylan, on remarque l'Abhayagiri-Dagoba, qui, dit-on, s'élevait à plus de 400 pieds, et dont la hauteur aujourd'hui est encore de 220; et le Djaila-wana-Dagoba, dont la masse est énorme. Les tôpes de l'Afghanistan n'atteignent pas de telles dimensions: leur circonférence dé

« PrécédentContinuer »