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dans l'amour toute espèce d'esclavage ou de bien-être en dehors de celui qu'on éprouve auprès de l'être qu'on aime. Les vers suivants en sont la preuve 1.

TRADUCTION.

Je le proclame sans crainte, et mon cœur s'en réjouit : captivé par l'amour, je suis libre des soucis des deux mondes 2.

Moi qui naguère étais un oiseau voltigeant dans le jardin sacré, que vous dirais-je la cause de mon exil et de ma captivité dans ce bas-monde?

J'étais un ange, et le paradis sublime était ma demeure. C'est Adam qui m'a amené dans ce monastère orné de ruines *.

Et cependant les doux ombrages du Touba (arbre du paradis), les enivrantes caresses des houris et les frais rivages du Kausser (une des fontaines du paradis),-l'espérance de me trouver près de ta demeure m'a fait oublier tout cela.

Aucun astronome n'a pu découvrir l'étoile de ma destinée. Bon Dieu! sous quel astre la nature m'a-t-elle donné le jour?

Aussi depuis que je me suis attaché au seuil de la maison où se débite le breuvage d'amour, à chaque instant il m'arrive un nouveau chagrin en guise de bienvenue.

Mais, hélas! si mon œil se nourrit du sang de mon cœur, ce

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n'est que trop juste; car pourquoi l'ai-je livré à un objet chéri du monde 1?

Ni mon père ni ma mère n'étaient esclaves; et moi cependant je suis beureux d'être ton esclave, bien que je sois libre de nais

sance.

Sur la tablette de mon cœur une seule lettre est gravée, c'est l'elif de la taille de ma bien-aimée 2. Qu'y faire? Mon divin instituteur ne m'a pas appris d'autre lettre.

Essuie avec les boucles de tes cheveux les pleurs des yeux de Hafiz, car ce torrent incessant de larmes est capable d'emporter tout son être.

Rien qu'en voyant les différentes poésies étrangères traduites en français, et vice-versâ, on peut se convaincre facilement combien une poésie perd de son charme et de son génie lorsqu'on la traduit dans une autre langue. A plus forte raison, on comprendra combien doit être considérable la distance qui sépare la poésie originale de la traduction, lorsqu'il s'agit de deux langues essentiellement différentes, comme le sont la langue persane et la langue française.

MIRZA ALI-NAGHI,

Pich-khedmet de S. M. l'empereur de Perse,

et premier secrétaire d'ambassade.

A une femme.

2 Elif, première lettre persane qui a la forme droite de la taille.

CRITIQUE LITTÉRAIRE ET POLÉMIQUE.

De l'interprétation des Inscriptions cunéiformes assyriennes.

[RÉPONSE AUX DEUX ARTICLES CRITIQUES DE M. ERNEST RENAN, de L'Institut, inséréS DANS LE Journal des Savants 1].

M. Renan nous avait promis de soumettre à une analyse critique notre interprétation des inscriptions. Nous avions donc pu espérer que le savant auteur de l'Histoire des langues sémitiques nous éclairerait sur beaucoup de points qui étaient restés obscurs à nous-même, qu'il réfuterait nos lectures des signes, qu'il contribuerait, en un mot, par sa critique au progrès de la science.

Assurément nous reconnaissons, avec l'admiration qu'ils méritent, les talents hors ligne de M. Renan; nous faisons la part de la nouveauté surprenante des résultats, comme de la difficulté très-grande que le critique consciencieux a à vaincre ; mais nous ne pouvons supprimer le regret que M. Renan ait trop tenu compte de ses idées préconçues, au lieu d'examiner d'abord la réalité des faits que nous alléguons.

Écoutons M. Renan.

«M. Oppert fait un vœu qui étonne; il reconnaît que les inscriptions unilingues (dépourvues de traductions) sont bien plus faciles à interpréter que les inscriptions trilingues. » Cette phrase, qui pourrait induire en erreur le lecteur du Journal des Savants, exprime justement le contraire de ce que j'ai dit page 121:

<< Mais quelque importantes que soient ces traductions des inscriptions perses, nous n'aurions jamais triomphé des difficultés quelles pré

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la réponse au 1er article, à la page 82 de ce volume.

sentent, si nous n'avions appelé à notre secours les documents assyriens et babyloniens proprement dits et éclaircissant des questions restées sans explication par les documents trilingues. Nous devons à notre grande richesse en inscriptions unilingues les indications que nous chercherions en vain dans les documents de Persépolis et de Bisoutoun. »

Et page 256: « Nous avons voulu étendre autant que possible la base sur laquelle il faut asscoir l'interprétation des inscriptions babyloniennes et ninivites. On comprend notre préoccupation à cet égard. Dorénavant, il ne s'agit plus d'invoquer le secours d'une traduction; il faudra marcher seul, sans autre assistance que celle que nous fournissent, ou les textes dans leur ensemble, ou les principes de la philologie comparée. Mais combien nombreux sont les écueils que nous aurons à éviter, et auxquels nous n'échapperons peut-être pas toujours! Notre interprétation ne se portera pas sur une seule sorte d'inscription; nous en verrons qui appartiennent à des ordres d'idées bien différents. Un mot, une syllabe bien comprise, peuvent nous mettre sur la voie de la vérité; mais aussi, en revanche, il faudra bien peu de chose pour nous écarter du droit chemin et nous laisser pendant longtemps dans notre erreur : car les racines d'une langue, et surtout d'un dialecte sémitique, se prêtent à beaucoup d'interprétations, et si l'on ne se défie pas de ses rapides progrès, si l'on n'est pas en garde contre sa propre sagacité, on arrivera à des résultats qui peuvent intéresser un instant par leur nouveauté, mais qui seront renversés par des appréciations moins brillantes peutêtre, mais plus solides.>>

Voilà comment je trouve plus faciles les inscriptions babyloniennes. Certainement, << on ne peut déchiffrer une ligne des inscriptions trilingues sans le secours des textes de Babylone et de Ninive ». La raison en est bien simple et expliquée dans mon livre. Les inscriptions trilingues montrent, par les traductions à côté, que tel signe veut dire ciel, terre, dieu, porte, père, mère, frère, etc. Les textes et syllabaires de Ninive ou de Babylone nous montrent ces mêmes monogrammes substitués à leurs expressions phonétiques; les uns nous apprennent le sens des signes, les autres nous en enseignent la prononciation. Quelquefois aussi les mêmes idées se retrouvent à Persépolis exprimées des deux manières; mais le lecteur saura déjà que nous avons seulement 1 (ou un)

texte trilingue sur 500 (ou cinq cents) inscriptions indépendantes. Cela explique suffisamment le secours que nous pouvons attendre de l'étude de ces dernières.

Toutes les conclusions peu rassurantes de M. Renan tombent donc avec les faits mêmes. Mais ce n'est pas la seule objection; qu'on l'écoute : « Je suis porté à croire que, dans la simple constatation de l'identité graphique des caractères, et dans leur reproduction typographique, MM. les assyriologues, quelle que soit leur habileté, commettent beaucoup d'inexactitudes, et si le lapicide assyrien ressuscitait, il verrait que bien souvent on s'est trompé sur ses intentions. >>

M. Renan a entre les mains les syllabaires, les inscriptions de Ninive, la grande majorité des textes dont je dispose et dont je lui rends l'usage facile par mes citations; le Louvre est ouvert pour lui comme pour moi: n'aurait-il pas dû, 1, pour donner du poids à ses croyances, prouver nos inexactitudes, ne fût-ce que par un seul exemple, au lieu d'attendre la résurrection du lapicide assyrien? Car la crainte de ce lapicide ne troublera pas le sommeil de MM. les assyriologues.

Ces vagues contradictions ne peuvent que propager le doute dans le public incompétent, sans rendre aucun service à la science. M. Renan croit que « ce labyrinthe de difficultés devait rendre l'écriture assyrienne presque illisible pour les Assyriens eux-mêmes. » Et pourquoi se sontils donc servis de cette écriture dans leurs inscriptions, soit textes publics, soit contrats et lettres de change? Est-ce, par hasard, pour que, deux mille ans plus tard, les uns aient l'occasion de faire des livres, et les autres celle de faire des articles? L'écriture assyrienne est compliquée, sans doute, mais elle est beaucoup plus lisible que la plupart des écritures orientales aujourd'hui en usage, telles que le shikesteh, le divâni et d'autres, et que l'on lit pourtant, on ne comprend presque pas comment. Elle est même énormément plus lisible que le pehlevi et le koufique. Je voudrais aussi voir le passage où j'ai annoncé que « nos avantages » s'étendent jusqu'à lire mieux que les Assyriens leur propre écriture; personne, jusqu'ici, n'a cru que nous lisions mieux que les Assyriens.

M. Renan n'a pas prévu une autre réponse qui renverse toutes ses objections au sujet du sémitisme. Nous avons d'un côté la traduc

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