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d'Héraclius il y avait quarante diaconesses attachées à l'Église de Constantinople.

Le choix des catéchumènes qui méritaient d'être admis au baptême se faisait par scrutin; la cérémonie était précédée de prières et d'exorcismes. Cet usage des scrutins se perpétua jusqu'au septième siècle dans l'Église latine. A cette époque le paganisme avait presque disparu de la surface de l'empire, le baptême se conférait aux enfants au moment de la naissance, les instructions préparatoires pour les adultes avaient entièrement cessé; mais l'Église d'Orient, sans cesse en butte aux attaques et aux persécutions des infidèles, conserva cet usage jusqu'au douzième siècle; c'est seulement à cette époque que l'on retira les portiers des églises. Les conversions des peuples de l'Occident s'étaient faites avec plus de rapidité que celles des peuples orientaux; les premiers avaient en foule accepté le baptême, et les instructions n'ont jamais été si sérieuses dans les contrées du nord. Le baptême par immersion, qui est sans inconvénient dans les pays méridionaux, ne se maintint pas en Occident, par la même raison que les ablutions y furent promptement abandonnées; le baptême par l'eau, qui est la base de l'institution chrétienne, leur paraissait même une chose difficile. Le pape Grégoire IX ayant été consulté par un évêque de Norvége, si à défaut d'eau on ne pouvait pas baptiser les enfants avec de la bière, il lui fut répondu que les paroles de Jésus-Christ étaient expresses dans l'Évangile, et que le baptême donné avec la bière était nul.

Pendant très-longtemps on fit trois immersions pour marquer les trois jours de la sépulture de Jésus-Christ et les trois personnes de la Sainte-Trinité.

Au neuvième siècle, non-seulement on plongeait les enfants dans un bassin, mais on leur répandait de l'eau sur la tête.

Lorsque les catéchumènes étaient descendus dans la cuve baptismale, qui était entourée d'un rideau, le prêtre levait doucement le rideau qui cachait le néophyte et lui plongeait trois fois la tête dans l'eau.

Le catéchumène recevait ensuite du vin, du miel et du lait. C'est alors que le néophyte recevait la confirmation ; car, dans la primitive Église, elle suivait immédiatement le baptême dont elle était en quelque manière la perfection.

L'évêque répandait alors le saint-chrême sur le front des baptisés en disant ces paroles : « Je vous marque au signe de la croix et je vous fortifie par le chrême du salut. » La communion, qui était également administrée aux néophytes peu de temps après le baptême, se faisait dans l'origine sous les deux espèces. Le pain de la communion (tò äɣlov foui) était préparé par les diaconesses. C'est encore l'attribution des femmes des prêtres dans l'Église grecque. Le néophyte envoyait à ses parents le reste du pain de communion coupé en petits morceaux : c'est ce qu'on appelait les eulogies. Le vin était administré, non par un calice, mais avec une cuiller. La communion telle qu'elle se pratique en Occident ne remonte pas plus haut que la conquête de la Terre-Sainte, c'est-à-dire au onzième siècle.

Les instructions religieuses étaient données aux néophytes par les évêques et les lecteurs; mais le nombre des chrétiens augmentant sans cesse, on fut obligé d'admettre de simples prêtres à prêcher dans les églises. Saint Cyrille

n'était encore que simple prêtre quand il prêcha en 349 dans l'église de Jérusalem.

Ces devoirs du clergé l'obligeaient à cultiver l'art de l'éloquence c'était toujours l'école d'Alexandrie qui était le centre des études; c'est là que les orateurs chrétiens allaient préparer leur apostolat.

Les philosophes de toutes les sectes du monde y prêchaient leurs doctrines en toute liberté.

La tolérance, on peut même dire plus, l'intérêt que le polythéisme témoignait aux philosophes chrétiens, était pour ainsi dire réciproque. Ces derniers ne se posaient pas en rénovateurs du monde civil: tout ce qui ne touchait pas au dogme et qui pouvait sans danger pour la foi être adopté par la nouvelle Église, était adopté sans hésitation; tous les usages païens qui ne froissaient pas les croyances nouvelles, se continuaient dans la société chrétienne, et il faut dire que le langage des premiers chrétiens grecs se ressent singulièrement de cette alliance. J'ai eu occasion de dire que, pour tout ce qui tient aux sépultures, les chrétiens n'avaient rien changé aux habitudes antiques. Bien des usages religieux qui ne touchaient pas à la doctrine chrétienne étaient adoptés par les chrétiens. L'eau lustrale était de ce nombre. Les sous-diacres, qui étaient chargés de la garde et de l'entretien des églises, portaient le nom de néocores; enfin les temples des païens ruinés ou abandonnés étaient convertis en églises.

Les centres religieux du culte aboli étaient consacrés à la religion du Christ, et il n'est pas de divinité païenne dont le sanctuaire purifié ne devint propre à réunir les fidèles chrétiens. On a remarqué avec raison que les consécrations

des nouvelles églises, établies dans des temples païens, avaient quelque analogie avec les anciennes divinités. Le Panthéon de Rome devint l'église de Tous les Saints; le Parthenon devint la Sainte-Sophie d'Athènes, c'est-à-dire le temple de la sagesse divine; saint Gervais et saint Protais furent adorés dans l'ancien temple de Romulus et Remus. Mais il est des divinités païennes avec lesquelles les chrétiens ne transigeaient pas. Si l'ancien temple de Vénus à Aphrodisias fut converti en église, ce ne fut qu'après qu'on eut aboli jusqu'au nom de cette divinité proscrite, et la ville de Vénus, Aphrodisias, reçut le nom de Stauropolis, la ville de la croix.

Il y avait dans la consécration des anciens sanctuaires au culte chrétien, non-seulement une preuve de tolérance, mais encore un but politique. Toutes les panégyries païennes, qui étaient toujours accompagnées d'un grand mouvement commercial, comme l'étaient encore dans le moyen âge les fêtes patronales, devenaient peu à peu des réunions chrétiennes, et les populations n'étaient pas forcées de renoncer à des habitudes séculaires. Entre Constantin et Justinien l'architecture chrétienne paraît être restée dans un état d'indécision sur la forme de l'église; mais sous Justinien elle reçut sa formule définitive, et jusqu'à nos jours, l'église d'Orient plus ou moins étendue garde toujours l'empreinte de la conception de Sainte-Sophie. C'est dans ce temple, en effet, que toutes les cérémonies que nous avons décrites peuvent recevoir leur entier développement.

TEXIER (de l'Institut).

POÉSIES PERSANES

DE HAFIZ.

Hafiz est un des poëtes les plus remarquables de l'Orient. Il vivait au quatorzième siècle, sous le règne de Châh Chodjaa, et était natif de Chiraz, une des plus jolies villes de la Perse, dont les habitants sont renommés dans les sciences morales et dans les arts, notamment dans la philosophie, la poésie et la musique 1.

Le beau climat et l'excellent vin de ce pays n'inspirent que l'amour, la poésie et le plaisir. Aussi, quoique appartenant à la religion musulmane, il y a très-peu de Chiraziens, homme ou femme, qui ne soient pas poëtes ou qui ne fassent pas usage de vin avec un goût tout particulier.

Hafiz reconnaît dans une grande partie de ses poésies l'existence des humains dans un autre monde avant d'arriver dans le milieu dans lequel nous vivons, et il exclut

1 Les femmes de Chiraz sont à nos yeux, par leur grâce et leur instruction, les Parisiennes de l'Asie. Un verset persan est ainsi conçu :

خوشتر اگر از عمر جهان می جوئی

بیدارشی بابت شیرازی باش

« Si tu cherches quelque chose de meilleur que la vie éternelle, veille un soir auprès d'une idole (d'une femme) de Chiraz. »

Il faut remarquer que, si l'on met à la place du mot Chiraz le mot Paris, ces deux vers ne perdent rien de leur correction.

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