Images de page
PDF
ePub

sédé ces objets, dis que je défends à qui que ce soit de venir en ce pays; car c'est un voyage périlleux: tout le monde n'effectue pas l'abordage aussi facilement que vous l'avez fait. La contrée est très-étendue, et il n'y a que peu de ports. Partout les étrangers peuvent s'attendre à être inquiétés, quand ils ne sont pas dans les mêmes circonstanees que vous. » Ensuite Gudleif mit à la voile et débarqua en Irlande à une époque avancée de l'automne. Après avoir passé l'hiver à Dublin, il partit en été pour l'Islande et remit les présents aux destinataires. Des personnes tiennent pour certain que le chef des indigènes était Biærn Breidvikingakappi. Mais il n'y a pas d'autres faits pour confirmer cette opinion, que ceux que l'on vient de rapporter. » E. BEAUVOIS.

(A suivre.)

SUR LES CEREMONIES

DE L'ÉGLISE PRIMITIVE.

L'étude de l'art byzantin, si négligée il y a quelques années, est devenue dans ces derniers temps le but de recherches nombreuses qui ont singulièrement avancé la connaissance des monuments primitifs du christianisme; mais pour ce qui est des cérémonies et des institutions alors en vigueur, il faut dire qu'on les a un peu laissées de côté. On ne peut cependant bien connaître les monuments que lorsqu'il est possible de définir la destination de chacune de leurs parties.

Il est donc intéressant de rechercher les règles et les usages qui dans les temps primitifs étaient communs à toute l'Église, mais qui ont été abandonnés de bonne heure par l'Église d'Occident, tandis que l'Église d'Orient les a conservés jusqu'à une époque relativement moderne, et même de nos jours les usages byzantins se retrouvent encore dans les rites de l'Église grecque. On s'explique alors parfaitement les motifs des dispositions de certaines Églises d'Orient qui seraient presque sans signification pour ceux qui n'auraient connaissance que des usages de l'Église latine.

Dans cette étude, nous avons un peu suppléé aux documents qui nous manquaient en consultant les auteurs byzantins, et profité surtout des informations que nous avons puisées dans nos entretiens avec le clergé grec d'Orient.

Examinons d'abord l'état des esprits dans l'empire romain au moment où le christianisme apparaît. La philosophie païenne ne pouvait plus satisfaire ces hommes rassasiés de pouvoir et de richesses, elle ne pouvait donner d'espoir à cette plèbe courbée sous le joug de l'esclavage. En haut comme en bas de l'échelle sociale il y avait un découragement profond. Les spectacles et les jeux pouvaient à peine distraire ces populations blasées; les plaisirs de l'intelligence leur paraissaient trop fades. L'ancien théâtre des Grecs, la tragédie, la comédie décente, tombaient peu à peu dans un complet discrédit, et les nouveaux chrétiens qui prêchaient la chute des dieux du paganisme, avaient pitié de ces mêmes dieux quand ils les voyaient traînés sur la scène et livrés aux risées de la populace. Dites-moi si ce sont vos farceurs ou vos dieux qui vous font rire,» demandait Tertullien (Apolog., ch. XV). Et Théophile, patriarche

d'Antioche (deuxième siècle): Il ne nous est pas permis d'entendre raconter les adultères des hommes et des dieux que les comédiens, attirés par l'espoir du gain, célèbrent avec le plus d'agrément qu'il leur est possible. » Et Lactance Firmien, dans le VI livre des Institutions divines : « Que font les farceurs par leurs mouvements impudiques? Ils enseignent et inspirent l'impureté. Ces efféminés démentent ce qu'ils sont et s'étudient à paraître des femmes dans leurs habits, dans leur marcher et dans leurs gestes lascifs. Que dirai-je de ces bouffons qui tiennent école de débauche et qui par de feints adultères enseignent à en commettre de véritables? » C'était cette vie désordonnée des comédiens qui soulevait surtout l'indignation des Pères de l'Église.

Aussi il faut bien se rendre compte de la réprobation dont le christianisme a enveloppé les comédiens: c'est qu'à cette époque le théâtre n'était plus ce qu'il était dans la Grèce libre. Les représentations théâtrales se composaient presque généralement de pantomimes, que des histrions (saltatores) rendaient encore plus odieuses aux honnêtes gens par leurs poses lascives. Ce ne sont ni la poésie, ni les lettres qui sont le sujet de l'anathème des Pères de l'Église, c'est le spectacle tel qu'il était tombé à Rome dans les premiers siècles de notre ère. Le premier anathème lancé contre les comédiens est contenu dans le soixantedeuxième canon du concile d'Elvire tenu l'an 305. Si les comédiens veulent embrasser la foi chrétienne, nous ordonnons qu'ils renoncent auparavant à leur exercice et qu'ensuite ils y soient admis. Et le canon soixante-sept : « Il faut défendre aux femmes et aux filles fidèles ou catéchu

[ocr errors]

mènes d'épouser des comédiens; que s'il y en a qui en épousent, qu'elles soient excommuniées. »

D

Si j'ai insisté sur l'état du théâtre antique au commencement de notre ère, c'est qu'il était un des symptômes les plus frappants de la chute prochaine du paganisme; les dieux de Rome n'en pouvaient plus! Et lorsqu'une voix partie de l'Orient est venue dire à ce peuple tombé en despérance: • Votre Sauveur est venu!» quand elle a dit à l'esclave : Lève-toi! aux yeux du Christ, tu es l'égal de ton maître; au patricien rassasié de richesses, et cependant malheureux : Une vie plus heureuse t'est promise,» il se fit dans les esprits un mouvement surnaturel. Les philosophes étaient stupéfaits de voir ces hommes obscurs venus de la Judée résumer dans leur parole simple toute la morale de l'école et promettre un avenir que nul d'entre eux n'avait pu entrevoir. Plus prudents et moins convaincus, les chrétiens eussent en peu de temps acquis dans Rome une singulière puissance; mais jamais on ne les vit capituler avec leur conviction, ni avec le dogme qu'ils avaient juré de défendre et de faire triompher. Ils étaient pour les philosophes comme pour l'autorité un sujet d'étonnement ou d'effroi; car on les voyait renverser ce que le peuple était habitué à respecter. On leur eût peut-être pardonné de ne pas sacrifier à Jupiter; mais refuser de brûler l'encens devant la statue de l'empereur divinisé, c'était un crime capital. Cependant quand le peuple criait « Les chrétiens aux lions! » il ne faut pas uniquement voir dans ces clameurs un effet de la haine du nom chrétien. Le peuple avait besoin de s'amuser, et les plaisirs sanglants étaient tellement passés dans ses habitudes, que quelques milliers d'innocents envoyés au

supplice ne lui paraissaient pas une grosse affaire. Néron fit brûler les chrétiens, mais par contre il fit brûler Rome. Pour un peuple chez qui le mot de charité était vide de sens, les supplices les plus cruels attendaient ceux qui portaient le moindre ombrage à l'autorité farouche des Césars. En examinant de près l'accueil que le christianisme reçut au moment de son institution sur la terre, je suis plus tenté d'y voir de la part des païens un sentiment de sympathie pour les vertus et la haute morale des premiers confesseurs. Le nom du Christ se trouva un jour inscrit dans le Panthéon impérial; mais les chrétiens repoussèrent comme injurieuse une semblable assimilation: ni les dieux, ni les empereurs, le Christ seul avait droit à leur encens. C'est alors que l'autorité impériale s'émut et les persécutions commencèrent. Les martyrs radieux triomphèrent des supplices, et chaque supplice appelait dans le sein de l'Église des milliers de néophytes. Quand Constantin se fit chrétien, la moitié de son empire était déjà chrétienne.

L'Eglise, depuis sa fondation jusqu'à l'avénement de Constantin, avait joui de longs intervalles de paix et de prospérité. Les églises de Samarie, de Judée et de Galilée jouissaient de la paix, dit saint Paul dans les Actes. L'Église d'Asie prospérait sous l'influence de ses prédica– teurs. L'Église se bâtissait et marchait dans la crainte du Seigneur, dit encore l'apôtre.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Si les conversions spontanées étaient nombreuses, l'Église voulait trouver en ses catéchumènes des hommes repentants de leurs crimes passés et instruits des devoirs qu'ils avaient à remplir envers Dieu et leur prochain. Ce fut l'origine de

« PrécédentContinuer »