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et même dans la campagne. A cela vient s'ajouter le son d'un grand coquillage dont on obtient en soufflant quelque chose de semblable aux avertissements de vos cantonniers de chemin de fer. Ces cris, qui se propagent très-rapidement, sont vraiment curieux à entendre, le soir après la chute du jour. Il paraît que, dans ces cris, il y a une idée de superstition. Chacun veut par là prier le diable d'avoir l'obligeance de ne pas brûler sa propre maison. Les incendies à Lou-tchou sont commuhs, mais les dégâts sont presque insignifiants. Les maisons étant généralement trèsespacées les unes des autres, il est rare qu'il y en ait plus d'une qui devienne en même temps la proie des flammes; et pour ce qui est du mobilier des Loutchouans, il n'est d'ordinaire pas riche.

Nous voici à la place du marché. On trouve ici tout ce dont on a besoin. Voici à droite le marché à la viande et au poisson: on y vend de temps en temps du requin. A gauche vous avez les oranges, les patates, les allumettes, les boîtes, la poterie, la ferraille, et ici, tout à côté de nous, vous voyez les pinceaux, le papier, et en un mot, toutes les fournitures des écoliers. Un peu plus loin vous avez les toiles (de coton et de bananier), les ceintures, les franges; puis, le riz, le blé, le thé, les mami (pois ou haricots), etc. Un peu plus loin encore nous trouverons les chaussures du pays (ce sont celles d'été), le tabac en feuilles ou bien coupé et mis en petits paquets; ici c'est le sucre et les gâteaux de différentes espèces; enfin voici des joujoux qui me rappellent les sifflets à deux sous de nos campagnes : ce sont des sifflets à bon marché, de figurines enluminées de rouge, de jaune et de vert, des poissons en plâtre montés sur des rou

lettes et agitant leurs nageoires. Ce sont des jouets d'enfants qui viennent du Japon.

Ce marché se tient tous les jours, même quand il fait mauvais temps. Cela vient de ce qu'on va rarement acheter dans les maisons. Les femmes que vous voyez ici veiller sur ces petites boutiques les mieux montées sont généralement des domestiques d'une maison de commerce. Il n'y a point d'hommes au marché : ce sont des femmes qui font toujours le trafic. Il paraît que dans les maisons de négoce de Nafa, même dans celles qui sont riches, c'est la femme qui s'occupe du commerce, pendant que monsieur se repose. Les femmes du quartier de Kouninda et celles de Chouï, au contraire, ne s'occupent qu'à confectionner les toiles; elles ne font pas de commerce, ce serait une fonction déshonorante pour elles.

Quant au système monétaire de nos commerçants, tout ce que je puis vous dire, c'est que nous n'avons vu jusqu'à présent que des sapèques plus mauvaises que celles de la Chine avec lesquelles elles sont quelquefois mélangées. Nous ignorons s'ils ont des pièces d'argent. Le gouvernement nous change les piastres américaines au taux de 1,440 sapèques.

LE PÈRE L. FURET,

missionnaire apostolique aux îles Lou-tchou.

DÉCOUVERTES DES SCANDINAVES

EN AMÉRIQUE

DÙ DIXIÈME AU TREIZIÈME SIÈCLE.

(Quatrième article .)

Extrait du Landnamabok 2.

Histoire d'Ari Marsson.

Ulf le Louche, fils de Hægni le Blanc, qui de Rogaland était passé en Islande à cause de l'hostilité du roi Harald à la belle chevelure, prit possession de tout le pays de Reykianes, entre Thorskafiord et Hafrafell [Islande]. De sa femme Biarg, fille de Eyvind OEstmann et sœur de Helgi le Maigre, il eut Atli le Rouge, qui épousa Thorbiarg, sœur de Steinolfl'Humble. Mar de Holum, fils de Atli, et sa femme Thorkatla, fille de Hergils Hnapprass, eurent pour fils Ari, qu'une tempête jeta [en 983] dans le Hvitramannaland 3, aussi appelé Grande-Irlande. Cette contrée est située à l'ouest, dans la mer, près du Vinland le Bon. On dit qu'elle

1 Voyez tome Ier,

', p. 97 et 137, et tome II, p. 23.

Ou Livre de la prise de possession de l'Islande, contenant l'histoire des premiers colonisateurs de cette île et celle de leurs descendants. On en a quatre rédactions; la plus ancienne est celle du célèbre historien. Ari Frodi, qui était fils de Valgerd, petite-fille de Ari Marsson, et qui vécut de 1067 à 1148.

3 Terre des hommes blancs, que l'on suppose correspondre aux deux Carolines, à la Georgie et à la Floride.

est à six jours de navigation à l'ouest de l'Irlande. Ari ne put quitter ce pays et il y fut baptisé. Hrafn Hlymreksfari1, qui avait longtemps habité Limerick en Islande, fut le premier qui raconta cet événement. Thorkell Gellisson 2 avait entendu dire à des Islandais (qui tenaient ces faits de Thorfinn, jarl ou chef des Orcades) que Ari était célèbre dans le Hvitramannaland, qu'il n'avait pu quitter ce pays, mais qu'il y était fort considéré. Ari avait épousé Thorgerd, fille de Alf de Dal. Ils eurent pour fils Thorgils, Gudlef et Illugi.

Extrait du manuscrit 770 C. de la collection

Arna-Magnéene.

Au sud de la partie habitée du Groenland, il y a des déserts, des terres incultes et des glaciers; ensuite le Markland, puis le Vinland le Bon; un peu plus loin se trouve l'Albania, ou Hvitramannaland, que visitaient autrefois des navigateurs irlandais. Ces derniers et les Islandais connaissaient Ari de Reykianes, fils de Mar et de Katla, dont on n'entendit pas parler pendant longtemps, et que les habitants du pays avaient choisi pour chef. »

« A l'occident de la grande mer d'Espagne, que quelques auteurs appellent Ginnungagap, et qui s'enfonce entre des terres dans la direction du nord, on trouve le Vinland le Bon; puis, aussi vers le nord, le Markland, ensuite des

↑ C'est-à-dire qui a visité Limerick en Islande. Il était parent de Ari et vivait dans la première moitié du onzième siècle.

2 Qui était oncle paternel de l'historien Ari Frodi et vivait au milieu du onzième siècle. Il avait beaucoup voyagé, beaucoup appris et transmis une foule de récits à son neveu.

déserts occupés par des Skrælingar; d'autres déserts jusqu'au Groenland, où sont deux contrées habitées : le Vestrbygd (habitation occidentale) et l'Austrbygd (habitation orientale); enfin des golfes formés par l'Océan, des montagnes de glace, des déserts qui inclinent vers le Halogaland [partie du Nordland en Norvége]. »

Extraits de Eyrbyggia-Saga.

Aventures de Bioern Breidvikingakappi et de Gudleif Gudlangsson.

L'histoire du premier est tellement romanesque, qu'on la prendrait pour une fiction, si elle n'était contenue dans l'une des sagas les plus exactes et les plus dignes de foi : il s'expatria volontairement à la suite d'une affaire d'amour et fut jeté dans l'une des contrées du Nouveau-Monde, où il fut retenu par les naturels qni le choisirent pour chef. Il y avait trente ans que l'on n'avait pas entendu parler de lui, lorsque quelques-uns de ses compatriotes abordèrent dans le même pays et furent sauvés par lui. Rentrés dans leur patrie, ils racontèrent ces événements, qui furent consignés dans un livre spécial. Cet ouvrage est maintenant perdu; mais on trouve de nombreux détails sur Biœrn, dans l'Eyrbyggia-Saga, ou histoire des habitants de la péninsule d'Eyri dans le thing (district) de Thorsnes (Islande occidentale). Son père Asbrand était propriétaire du domaine de Kamb, situé dans le même canton. C'est là que Bicern naquit en 957. Il avait environ vingt-cinq ans lorsqu'il s'éprit de Thurid, veuve de Thorbiærn de Froda et sœur utérine du godi (prêtre magistrat) Snorri de Helgafell. Ce dernier, qui désapprouvait cette liaison, emmena sa

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