Images de page
PDF
ePub

teté est en grande vénération parmi eux. Les Rifains lui attribuent beaucoup de vertus, entre autres celle de guérir la stérilité des femmes qui le touchent de la main. On dit que les Espagnols leur ont offert plusieurs canons neufs au lieu et place de ce trophée, mais qu'ils refusent toujours de renoncer à l'ancien.

"Quand je vous ai parlé de l'agent britannique, je ne vous ai pas manifesté le sentiment intime de quelques personnes impartiales. Elles croient que si cet agent s'est entremis dans la question du jour, c'était moins pour rendre service aux Espagnols, que dans l'idée de dominer toujours la situation des affaires dans le pays, en y prenant, dans cette circonstance, une part avouée, ostensible, comme entremetteur officieux aux yeux de ces derniers, et, aux yeux des Marocains, comme protecteur de leurs intérêts.

«C'est, au reste, le rôle de l'Angleterre au Maroc,où son influence prime et où ses conseils ont toujours prévalu, comme à l'époque de nos affaires d'Isly et de Mogador en 1844. Il n'est pas à croire que sa politique ait changé, quelles que soient d'ailleurs ses dispositions plus ou moins favorables dans l'action exercée sur ce pays par une puissance étrangère. Mais en ce qui touche la reddition des prisonniers, elle n'y peut rien par voie de conciliation, aussi bien que l'empereur arabe.

«Nos rapports avec les Marocains aux frontières de l'Algérie sont satisfaisants. Tout est parfaitement calme de ce côté. Une ou deux leçons qu'ont reçues les Marocains, il y a quelques années, leur ont démontré jusqu'à l'évidence qu'ils étaient les pots de terre; aussi je ne pense pas, à moins de suggestions étrangères, qu'à l'avenir ils veuillent troubler la paix. D'après certaines données, on penche à croire que s'il y a parfois maraude, c'est plutôt sur le territoire marocain qu'elle se fait, et par des individus isolés. »

Paris vient de recevoir la visite de plusieurs grands personnages orientaux et africains. Nous avons remarqué surtout, dans les salons de la capitale, le jeune prince royal d'Aoude, Mirza Mohammed Ali, portant sa couronne d'or relevée de plumes noires, et le neveu de Théodore, roi d'Abyssinie, qui prend le titre de prince

du Tengu, et qui se faisait remarquer non moins par sa figure parfaitement noire et expressive, que par ses dents longues et menaçantes. On nous annonce enfin la prochaine arrivée à Paris du prince Almadi, neveu du sultan du Bournou, l'un des principaux états de l'Afrique centrale.

CHRONIQUE AMÉRICAINE.

1er mai 1859.

Les nouvelles d'Haïti sont excellentes. La tranquillité la plus parfaite règne dans la république reconstituée. Le président Geffrard est très-sympathique aux indigènes et aux étrangers. Il s'efforce avec une énergie aussi rare qu'intelligente de réparer les désordres causés dans l'administration sous le gouvernement déchu de l'empereur Soulouque. Le commerce extérieur reprend avec plus d'activité que jamais à Port-au-Prince.

La guerre a été déclarée entre le Danemark et la Dominique. Un navire à vapeur de guerre danois s'est rendu à Santo-Domingo et a sommé le président d'accorder l'indemnité de 150,000 dollars demandée pour la saisie de deux navires danois dont s'est emparé le président Baer, pendant la dernière révolution dominicaine. Cette proposition a été refusée, et immédiatement les Dominicains ont commencé l'armement de leurs batteries pour se mettre à même de repousser l'ennemi. On donnerait à entendre que les Dominicains auraient expédié des lettres de marque aux États-Unis pour l'armement de corsaires '.

L'affaire de Cuba, bien qu'ajournée, ne laisse pas de préoccuper les esprits; on commence même à redouter la prochaine session du congrès de Washington. Pour faire face aux éventualités, l'Espa

'Morning Herald du 25 avril 1859.

gne entretient à Cuba 25,000 hommes de toutes armes, ce qui forme à peu près le double de la milice régulière des États-Unis. Aussi n'y aurait-il aucun danger pour la cour de Madrid, si elle n'avait à redouter dans cette île, une révolte intestine. Le parti annexioniste tend à s'accroître de jour en jour. Il fait espérer aux Cubains, sous le gouvernement de l'Union américaine, des droits et des libertés qu'ils n'ont point sous celui de l'Espagne, comme, par exemple, l'admission aux emplois coloniaux dont sont exclus les natifs, et qui plus est, l'éligibilité au congrès de Washington, et même dans un avenir peut-être assez prochain, à la présidence de la grande république.

Le parlement canadien a adopté définitivement le nouveau tarif douanier qui lui était présenté par l'administration coloniale. Les droits spécifiques sont remplacés par des droits proportionnels. On pense que cette mesure donnera une impulsion considérable aux importations par le fleuve Saint-Laurent, et au commerce canadien en général.

Le Méchascébé nous fournit de curieux détails sur les prairies tremblantes de la Louisiane. D'après les théories scientifiques, la prairie tremblante qui occupe une si grande étendue dans la Louisiane, aurait une origine identique à celle des jets d'eau artésiens. La terre fait, dans le premier cas, ce que l'eau fait dans le second. Les parcelles terreuses qui forment la prairie tremblante montent à la surface des étangs ou des lacs par l'action de la dynamique géologique. Cette prairie couverte d'une végétation perfide est extrêmement dangereuse. Il existe, à environ 20 milles au-dessous de la Nouvelle-Orléans, une prairie tremblante aussi vaste que l'état du Délaware. Cette prairie a reçu le nom de Louisiane Malaye, rappelant ainsi la race qui l'habite. Ce sont des coulies malays échappés jadis de la Jamaïque ou des Indes occidentales, qui, pour trouver la paix, se sont réfugiés dans ces dangereux marais. Ils en habitent les intersections solides, dans des sortes de tentes en feuilles de latanier et construites en forme d'éventail. Un audacieux voyageur a rencontré, dans cette région, un tertre indien

II.

1859.

7

couvert de chênes verts et dominant, comme une île, la plaine fangeuse. Il a découvert sous un de ces chênes déraciné par le vent, un atelier de poterie indienne, vestige d'un autre âge.

Le Pays de Montréal nous fait connaitre les progrès des travaux du pont tubulaire de Victoria. Ces travaux ont été poussés pendant l'hiver dernier avec la plus grande énergie. Le tube central a été posé en très-peu de temps. La Compagnie du Grand-Tronc a fait travailler jour et nuit afin qu'il puisse être terminé avant la débâcle. On espère que le pont Victoria pourra être terminé avant l'automne prochain. L'inauguration de ce magnifique travail, l'un des plus gigantesques qu'ait pu réaliser le génie de l'homme, donnera lieu à des fêtes splendides dont on fait déjà les préparatifs. C. L.

CHRONIQUE ARTISTIQUE.

Salon de 1859.

Les arts méritent une place particulière dans notre Recueil. Nous la leur assurerons à l'avenir. L'ouverture récente du Salon de 1859 nous fournira tout naturellement aujourd'hui le sujet de notre première CHRONIQUE ARTISTIQUE.

La dernière guerre d'Orient, à laquelle sont désormais attachés tant de souvenirs et d'événements historiques, a fourni au Salon une série assez considérable de peintures qui, sans manquer sous plusieurs rapports d'un certain mérite, ne sortent pas pour la plupart du cercle si difficile à franchir de la médiocrité.

Cette appréciation est peut-être un peu trop générale. Plusieurs toiles ont droit à une citation hors ligne dans l'énumération de ce vaste tohou-bohou de productions artistiques exposées au Palais de l'Industrie. La Prise de la gorge de Malakoff, par M. Adolphe

Yvon, doit notamment être comprise parmi les exceptions. Cette grande toile est remarquable par la sûreté du dessin, l'expression des figures, le groupement heureux des personnages et par la vérité du coloris. C'est sans contredit un des plus beaux tableaux du Salon.

Parmi les autres peintures de notre ressort, remarquables à divers titres, nous citerons de M. Ad. Beaucé, le Combat de Kanghil (29 septembre 1855), où se distingua la cavalerie française; de M. Alfred Rigo, le Général Canrobert visitant une tranchée attaquée la nuit par les Russes; de M. Michel Lapaty, le Portrait d'Omer-Pacha; de M. Jules Laure, les portraits du Prince Alexandre Handjéri, ancien hospodar de Moldavie, et de la Princesse Catherine Handjéri-Vlangali; de M. Eugène Giraud, des Femmes d'Alger dans l'intérieur d'une cour, tableau gracieux, mais dans lequel on a à reprocher une certaine roideur dans le maintien des personnages; de M. Félix Ziem, deux très-jolies Vues de Constantinople; etc., etc.

Le Salon de cette année, s'il devait être considéré comme le résumé des meilleurs produits des artistes contemporains, signalerait sans contredit une décadence regrettable dans l'art français. Mais heureusement nous pouvons constater le fait que les maîtres ont pour la plupart négligé cette année d'envoyer leurs œuvres à cet immense concours, qui ne comprend pas moins de 3,045 toiles et de 470 statues. Ce sera donc plutôt par allusion au Salon de 1859 qu'à l'art contemporain, en général, que nous ferons écho à cette sévère, mais malheureusement trop juste exclamation du tribunal du public : « Hélas! »

Nous avons également à mentionner ici la belle et intéressante exposition des OEuvres de feu Ary Scheffer, qui renferme un assez grand nombre de sujets rentrant dans le cadre de nos études. On y remarque parmi ceux-ci, plusieurs tableaux ayant trait à l'histoire de la Grèce: Ulysse reconnu par sa nourrice, le Jeune Grec défendant son père, une scène de Femmes souliotes; une importante série de sujets religieux, parmi lesquels on admire tout d'abord la magnifique peinture de la Tentation du Christ, une des

« PrécédentContinuer »