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l'occupation romaine des diverses régions sur lesquelles elle s'étendait, des limbes du passé. Et cependant c'est nous qui, aujourd'hui, l'avons en grande partie remplacée, nous sommes où elle fut, mais nous ne pouvons dire encore ce qu'elle fut. Il nous faudrait pour celà au moins la connaissance des localités de premier et de second ordre qui en composaient le réseau principal, il nous faudrait connaitre, en un mot, tous les lieux appelés à jouer un rôle plus ou moins important dans la vie du pays. Nous savons, à peu de choses près, où sont et ce qu'étaient les localités de premier ordre; j'en ai donné dernièrement l'énumération et les synonymies (1).

Mais nous ne saurions en faire autant des localités de second ordre, dont quelques-unes seulement ont échappé à l'oubli. Les documents romains qui eussent pu nous fournir les détails les plus complets sur la constitution matérielle de l'Empire, nous manquent. Les seules descriptions qui aient résisté à l'action du temps, les compositions géographiques de Pomponius Mela, de Pline, de Solin, de Martianus Capella, sont aussi insuffisantes par la forme que par le fonds.

Un concours d'événements extraordinaires nous a heureusement permis de retrouver ce qui semblait éternellement perdu pour l'histoire.

Le Christianisme, en se développant au milieu des peuples soumis à la domination romaine, ne cessa de croître et de s'étendre malgré tous les efforts des Césars, et il vint même un jour s'asseoir triomphant au centre même de leur puissance. Il dut surtout à son unité cette grande force d'expansion et cette unité à l'institution des Conciles (concilia), ces assemblées célèbres appelées à résoudre toutes les questions de dogme et de discipline qui pouvaient agiter l'Église. Depuis leur origine jusqu'à nos jours il s'en est tenu plus de 700, dont 18 appelés Conciles généraux. Bien souvent les conciles ne se composè

(1) Voir dans le volume XXIX de la Revue, page 210.

rent que d'un certain nombre de fonctionnaires ecclésiastiques, évêques surtout, chargés d'examiner quelques questions de détail applicables à des circonscriptions plus ou moins étendues; d'autres fois, ils représentaient des provinces entières et comptaient.leurs membres par centaines. Et comme on recueillait avec soin le nom de tous les membres présents, ainsi que leurs titres, il est facile de voir que les actes des Conciles, récits authentiques de leurs faits et gestes, contiennent dans d'infinis détails, ce que nous a laissé ignorer l'administration romaine, ce que nous cherchons à cette heure, c'est-à-dire l'énumération complète de toutes les localités des différentes provinces soumises au pouvoir de Rome. L'Afrique y tient une place considérable, car dans leur sollicitude les chefs de l'Église y avaient multiplié les évêchés à un tel point que ce n'était plus que de grandes cures. Mais félicitons-nous en; car c'est à cette sollicitude que nous devons de pouvoir à l'heure qu'il est reconstituer l'Afrique romaine dans ce qu'elle a de réellement essentiel.

Malgré l'importance capitale des actes des Conciles, ce n'est que fort tard que l'on commença à les réunir et à les imprimer. Et j'éprouve un certain sentiment d'orgueil en constatant que dans cette occasion l'érudition française joua, comme on va le voir, le rôle le plus brillant. C'est à elle, en effet, qu'est presqu'entièrement dû, comme on va le voir, ce grand travail.

La première collection des Conciles dite Édition royale, parce qu'elle sortit des presses installées dans le palais du Louvre, parut en 1644 et formait 37 volumes in-4°. Vingt-sept ans après, en 1671-1672, les PP. Labbe et Cossart, en donnèrent une réimpression, plus ample et enrichie de notes, en 18 volumes in-folio. Et pendant que s'achevaient ces puissants travaux, Baluze, le savant bibliothécaire de Colbert, en fit une sorte de résumé qu'il publia en 1683, sous le titre de Nouvelle collection des 'Conciles, en un volume in-folio, Paris, 1683. Enfin, en

1715, on vit paraître la grande Collection des Conciles, dont l'assemblée générale du clergé de France avait chargé le Père Hardouin (12 volumes in-folio). Malheureusement, cette collection dite Maxima, qui embrasse les actes des Conciles tenus depuis l'an 34 de notre ère, jusqu'en 1714, n'a pu faire oublier complètement celle des PP. Labbe et Cossart, bien qu'elle désigne vingt conciles que ceux-ci n'avaient pu donner. Je n'ajouterai rien à cette bibliographie des Conciles parce que cela m'entraînerait trop loin, sans nécessité.

En dehors des actes des Conciles, il est quelques documents qui apportent leur contingent à nos recherches. Le plus important est l'Histoire de la Persécution des Vandales, écrite par Victor de Vite, un des évêques qui assistèrent au Concile de 484 et qui en fut victime ainsi que bien d'autres. Il nous a donné, à ce sujet, une liste précieuse des sièges épiscopaux de l'ancienne Afrique. Dom Ruinart, de Reims, la publia en 1689, et en fit, grâce à l'ampleur de son inépuisable savoir, une œuvre de premier ordre.

Dom Ruinart n'eut pas d'imitateurs; on eût dit qu'il avait épuisé la matière. Depuis plus de cent ans l'Afrique ancienne paraissait presque oubliée, lorsqu'au commencement de ce siècle, un savant antiquaire italien, Morcelli, en fit l'objet spécial de longues et profondes études. Entraîné par l'intérêt puissant que présentait l'histoire de l'Église d'Afrique, il s'y consacra entièrement et après plusieurs années de recherches publia son Africa Christiana, l'Afrique chrétienne, 3 vol. in-4°, Brescia, 1816-1818, dans lesquels se trouve rapporté, analysé, critiqué, tout ce qu'il a pu trouver de textes et de débris de textes sur tous les faits relatifs aux annales de l'Église dans le Nord de l'Afrique, œuvre considérable, sans prix, comme ont su tant en faire nos infatigables Bénédictins, et qu'on est surpris d'avoir vu échapper à leur attention, eux qui l'eussent si bien parachevée. L'Africa Christiana contient dans ses 400 pages, indépendamment de l'Introduc

tion qui en compte 47, l'énumération, par ordre alphabétique, de tous les sièges épiscopaux de la Tripolitaine, de la Byzacene, de la Proconsulaire ou Afrique proprement dite, de la Numidie, des trois Mauritanies, Sitifenne, Césarienne et Tingitane, avec quelques notes plus ou moins sommaires sur leurs titulaires. C'est un véritable dictionnaire géographique et un peu historique, dont nous n'avons fait qu'extraire celui que nous offrons aujourd'hui au public algérien sous un titre modeste, celui de Lexique; il n'en mérite réellement pas d'autre, puisque son but est de donner seulement une partie des éléments de la géographie ancienne, les synonymies positives reconnues jusqu'à ce jour, les noms de ceux auxquels on les doit, quelques notes sur l'état des monuments antiques encore existants au milieu des ruines. Je me suis d'ailleurs proposé surtout de signaler à l'attention des chercheurs et des explorateurs tout ce qu'il y a à faire dans ce champ si vaste continuellement ouvert à leurs entreprises: les synonymies encore inconnues et à découvrir. Et, afin de leur éviter trop de recherches, j'ai marqué d'un grand point d'interrogation tous les sujets sur lesquels doivent porter plus particulièrement leurs investigations.

Ce lexique, qui embrassera toutes les contrées de l'extrème Nord africain, aura par cela mème pour titre général les mots Africa Antiqua; il sera divisé en deux parties distinctes: l'Algeria Antiqua, l'ancienne Algérie, avec la Mauritanie Tingitane ou le Marok, et la Tunisia Antiqua, l'antique Tunisie avec la Tripolitaine telle que l'entendaient les Anciens, c'est-à-dire limitée aux parties centrales et occidentales de la Tripolitaine actuelle. C'est par l'Algeria Antiqua que nous commencerons cette publication.

Il est bien entendu, qu'en empruntant à Morcelli tout ce qui fait la base de notre travail, nous y avons ajouté tout ce qu'il a cru devoir laisser de côté dans les écrivains anciens, grecs et latins, tous les résultats définiti

vement acquis depuis soixante ans par les sciences géographiques et historiques, en ne sortant pas toutefois des limites que nous nous sommes imposées. Mais, ce qu'il faut que je m'empresse d'ajouter, c'est que sans l'œuvre du savant italien je n'eusse peut-être jamais songé à l'entreprendre, vu l'impossibilité où nous sommes de réunir tous les ouvrages dans lesquels il a puisé les éléments de son livre. Le lecteur trouvera donc tout simple, je l'espère, ce que j'ai fait, en dédiant le lexique à sa mémoire.

Alger, le 5 novembre 1885.

O. MAC CARTHY.

ALGERIA ANTIQUA

Numidie, Maurétanie Sitifienne, Césarienne
et Maurétanie Tingitane

A

Abigas. Rivière de la Numidie, dont Procope fait la description dans le Livre 11e de sa Guerre vandalique, § 19. Elle sortait de l'Aurasius, l'Aourès de nos jours, passait non loin d'une ville déserte appelée Bagaï, audessous de laquelle elle jetait ses eaux fécondantes dans les mille canaux de la plaine. L'emplacement de Bagaï se voit encore au lieu nommé par les Arabes K's'ar-Bar'r'aï ou Château-fort de Bar'raï, lequel est à 12 kilomètres au nord-ouest de Krenchela, près de l'Ouéd Bar'r'aï ou Quéd

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