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les tapis, les tellis, les flidj (1), tout ce qui valait la peine d'être emporté; puis, après une journée de séjour, la harka reprit la route d'Ouargla, emmenant Bou Choucha et quelques prisonniers.

Les femmes et les enfants des insurgés qui s'étaient sauvés des tentes au moment du pillage, revinrent les premiers; un peu plus tard, quelques hommes les rejoignirent. Rassemblant alors ce qu'ils purent retrouver, quelques guerbas et quelques tentes de peau à peu près hors de service, ils se rapprochèrent de la montagne, et s'installèrent auprès d'Aïn-Adjeghane.

Tous les fuyards rentrèrent pendant les trois ou quatre jours qui suivirent, et, les vivres manquant, les Châamba, les Zoua, les Oulad-Sidi-Cheikh se décidèrent à partir pour In-Salah, pendant que les Touareg qui s'étaient joints à eux retournaient au Ahaggar.

Quelques jours après, les insurgés arrivèrent à Foggarat-el-Arab, oasis sans ksar, mais où se trouvent des plantations importantes appartenant en majeure partie aux Oulad-Boudjouda, des Oulad-el-Mokhetar, qui y ont deux maisons et quelques harratin (2). De Foggarat-elArab, les Zoua et les Oulad-ba-Hammou rentrèrent dans leurs tribus. Il ne resta plus, avec les Châamba dissidents, que quelques Laghouât-el-Ksel et quatre OuladArbi des Oulad-Sidi-Cheikh, en tout une centaine de tentes.

(1) Tellis sacs en laine et poil de chèvre ou de chameau; Flidj: bandes tissées de même dont sont formées les tentes dans le Nord.

(2) Harratin. — Les Harratin, qui forment la majeure partie de la population sédentaire du Touat sont les serfs des tribus arabes ou berbères, sédentaires ou nomades du pays. Berbères d'origine, ils sont fortement métissés de sang nègre. Tous les travaux de l'agriculture leur incombent, et, comme serfs, ils cultivent sans posséder, leurs maîtres leur donnant de quoi vivre.

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Réunion des Medaganat. Razzia sur Ouargla et sur Massacre de Joubert et Dourneau

les Mouadhi. Duperré.

Les Châamba se divisèrent presque immédiatement en trois groupes les Oulad-Zid, Cheikh-ben-bou-Saïd, Abd-El-Kader-bel-Ghaouti, El-Madani, Diab-ben-Lakhedar, et quelques autres, dont les chameaux au pâturage près d'El-Beïodh, n'avaient pas été enlevés, allèrent les chercher et se rendirent de là chez les Ifoghas.

Les Cheheub d'El-Golea, au nombre de sept tentes, se trouvaient dans le même cas leurs troupeaux envoyés vers l'Ouest, quelques jours avant l'arrivée de Saïd ben Driss, étaient intacts. Ils partirent pour Inglier, ksar habité par les Touareg sédentaires, à mi-chemin d'In-Salah à l'Aoulef, emmenant des Laghouat-El-Ksel (1) et quelques Châamba d'Ouargla, notamment les fils de Boudjemaa ben Cheikh, qui avait été fait prisonnier.

L'ancien groupe des Medaganat resta au contraire à Foggarat-El-Arab avec tous ceux des insurgés dont les chameaux avaient été razzés, et qui, n'ayant aucun moyen de transport, ni vivres, ni armes pour la plupart, se trouvèrent ainsi réunis à eux par une commune nécessité (2).

(1) Kaddour ben Sassi, ses trois frères et deux autres tentes. (2) Les Medaganat n'avaient perdu personne à l'affaire d'El-Botha, ni pendant les différents combats de l'insurrection; ils comprenaient encore comme au départ de H.-Bou-Khenissa, en 1867, Salem ben Chraïr, son fils Hamoua et son frère Messaoud; Lakhedar ben Horrouba, El-Mire ben Sendid, Hamouadi ben Ghoïdela, tous des Oulad

Tous les indigènes de ce groupe étaient des Sahariens déterminés, et une vie d'aventures ne pouvait guère les effrayer. Ils étaient d'ailleurs réduits à la plus extrême misère, et les mêmes haines les animaient tous. Ils résolurent donc d'un commun accord, les Châamba aussi bien que les Arabes des Oulad-Sidi-Cheikh, de former une seule bande sous les ordres de Salem ben Chraïr et Ahmed El-Ahouar, les plus influents d'entre eux, pour couper le Sahara; le pillage devait leur fournir les moyens d'existence qui leur manquaient et donner satisfaction à leurs besoins de vengeance.

Salem ben Chraïr leur proposa de prendre le nom de Medaganat, que jusqu'alors lui seul et les siens portaient encore, et tous l'adoptèrent aussitôt, comme caractérisant la guerre qu'ils allaient entreprendre, guerre d'Outlan sans trève ni merci.

La bande des Medaganat se trouva donc ainsi constituée vers le milieu d'avril 1874. Elle comprenait tous

Belgacem d'Ouargla; Boubeker ben Abd-El-Hakem et ses deux fils des Khenabliche d'El-Golea.

Les autres réfugiés de Foggarat El-Arab étaient cinq tentes des Khenabliche, Ahmed ben Miloud, plus connu sous le nom d'Ahmed El-Ahouar, Mabrouk et Belkheir ben Miloud, ses frères : Ali et Mohamed ben Telmoucha.

Une tente des Oulad-bou-Saïd Mohamed ben Abd El-Hakem, frère de Boubeker.

Deux tentes des Oulad-Zid: Cheikh ben Saad et Hamouadi ben Diab.

Deux tentes des Oulad-Belgacem: Belgacem et Maåmar ben Kaddour ben Mekouchen.

Un troudi, Cheiba ben Mohamed ben Abdallah.

Enfin, une trentaine de tentes de Trafi, Laghouat-El-Ksel, Zoua des Oulad Sidi-Cheikh, faisant partie avant de s'être joints à Bou Choucha du nombreux groupe de nomades de toute provenance qui forme l'entourage de Sidi-Kaddour, et est désigné dans le Sahara sous le nom de Arab-Sidi-Kaddour. C'étaient les Oulad-Chaham, Abd-El-Kader et Ed-Dine ben Maamar avec leur père Maamar ben Chaaban, Djillali ben Bou-Sif, Djillali ben Bou-Chenafa, Rabah ben Bou-Deïr, Abd-El-Kader ben Naceur et son frère; Sliman ben Abid Ez Zaouïa, etc.

ceux des compagnons de Bou Choucha que la razzia d'El-Botha avait laissés sans ressources, cinquante tentes environ, et resta, à peu de chose près, composée des mèmes éléments qu'à Foggarat-El-Arab jusqu'à la fin. Elle reçut quelques nouvelles recrues; quelques-uns de ses premiers membres, les Arabes des Oulad-Sidi-Cheikh surtout, la quittèrent les années suivantes, mais le plus grand nombre restèrent fidèles à leur premier serment.

Les Medaganat reçurent des Oulad-Boudjouda et des Harratin de Foggarat-El-Arab, les dattes nécessaires pour assurer leur subsistance pendant les premiers jours; puis, après avoir construit des gourbis pour leurs familles, avec des branches de tamaris, dont les nombreuses touffes poussent dans le rhâba (1), autour de l'oasis, ils se rendirent dans les ksour voisins pour y demander des secours.

Les Arabes des Oulad-Sidi-Cheikh se rendirent à la Zaouia-Kahela et à Sahela, où habitent les Zoua-Sid-ElHadj-Mohamed, serviteurs religieux de leurs maîtres communs; les Châamba allèrent, les uns à Iguesten et H.-El-Hadjer, les autres à Ksar-El-Kebir, chez les Ouladba-Hammou et les Oulad-El-Mokhetar. Tous leur donnèrent une large hospitalité, et ils revinrent avec des dattes, des grains, des cotonnades, quelques mehara et des chèvres achetés à crédit. A Ksar-El-Kebir, El-Hadj Abd El-Kader ben Badjouda leur avait fait cadeau personnellement de dix charges de dattes, deux charges de blé et une charge de beurre, et les Oulad-El-Mokhetar de douze charges de dattes.

Partout ils avaient trouvé un accueil empressé. On savait ce dont ils étaient capables et on avait intérêt à les ménager; d'ailleurs le Tidikelt a toujours été le refuge

(1) Rhâba: forêt. On appelle ainsi à In-Salah les pâturages qui avoisinent les oasis dans un bas-fond sablonneux où la végétation est particulièrement vigoureuse.

des coupeurs de route de toute la partie du Sahara qui l'avoisine.

Sans attendre le retour de tous leurs compagnons, les premiers Medaganat qui réussirent à se procurer des mehara partirent au nombre de quatre seulement (1).

D'Iguesten, où ils s'étaient trouvés réunis, ils allèrent à Fogagrat-Ez-Zaoua, puis par l'Oued-Massin à H.-Messeguem. De là tournant au Nord-Est, ils gagnèrent El-Beiodh et le gassi de Mokhenza, qui les amena sur la ligne des puits de l'Igharghar.

Les tribus d'Ouargla craignaient quelques coups de main, et avaient porté leurs campements au nord de l'oasis. Seuls, les Chaâmba, toujours dispersés, soit isolement, soit par groupes de deux ou trois tentes au plus, avaient conservé leurs pâturages habituels.

En arrivant à H.-El-Metteki, à une forte journée de mehari du gassi de Mokhenza, le rezzou tomba sur les troupeaux d'El-Hadj El-Mire, des Deboud, avec lequel Mohamed ben Abd-el-Hakem, le chef de l'expédition, avait des liens de parenté. Mais il n'y avait pas d'autres bêtes en vue et le berger, parti à la recherche d'un animal perdu, ne pouvait donner l'éveil. Les Medaganat se décidèrent donc à profiter quand même de l'occasion. Ils rassemblèrent rapidement les 30 chameaux qui composaient le troupeau, et appartenaient, soit à El-Hadj ElMire, soit à ses frères, puis s'enfuirent vers le Sud-Ouest au lieu de suivre la mème route qu'à l'aller, préférant celle du Maâder. Gagnant donc H.-Bel-Hiran, ils allèrent à H.-Ghourd-Oulad-Yaïche et, de là, traversant l'extrémité de l'Erg qui s'arrète aux abords de l'oued Mya, s'engagèrent dans le Maâder, d'où, par H.-Aouleggui et l'oued Massin, ils arrivèrent sans encombre à In-Salah.

El-Hadj El-Mire n'apprit qu'au bout de deux jours le

(1) Mohamed ben Abd-El-Hakem, un neveu d'Ahmed El-Ahouar, un des fils de Mohamed ben El-Hadj et Mohamed ben Saïd Ali, des Zaoua.

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