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le caractère grotesque compromit leur prestige aux yeux des croyants qui les entouraient. Pendant que ces faits se passaient dans l'aghalik d'Ouargla, le succès de nos colonnes dans l'Ouest avail forcé Mohammed-ben-Hamza et ses adhérents à s'éloigner et nos troupes rappelées dans leurs garnisons respectives comptaient s'y reposer pendant la période des chaleurs des fatigues. de la campagne. Mais à peine eurent-elles tourné le dos que Si El-Alâ, à la tête de 2,000 cavaliers, attaqua Frenda, se porta sur le Djebel-Amour et rallia à lui (7 août) les Larbâa envoyés pour le combattre. Cette défection entraîna celle d'un grand nombre d'autres tribus. La conflagration devint générale. Toutes les colonnes durent se remettre aussitôt en mouvement. Le colonel Seroka qui avait été d'abord dirigé sur El-Baâdj avec 4 escadrons et 6 compagnies d'infanterie reçut l'ordre (4 septembre) de marcher vers le Hodna occidental à la nouvelle que l'insurrection avait gagné le cercle de Bousâada.

Ouargla ne tarda pas à être instruit du mouvement rétrograde de la colonne Seroka. Le 10 septembre les Chaâmba, Mekhadma et Beni-Tour, ayant à leur tête les deux imposteurs, marchent sur Berryan et y font une razia. Poursuivis par les habitants, ils perdent quelques hommes dans un petit combat. Cette affaire eut des résultats bien inattendus. Le sultan et le chérif peu familiarisés avec le bruit de la poudre, donnèrent des signes non équivoques de leur lâcheté. Le premier prit la fuite furtivement et ne reparut plus. Quant au second, il fut chassé ignominieusement après avoir reçu un chameau pour toute part de butin que les tribus d'Ouargla étaient parvenues à conserver. Ainsi se termina honteusement le rôle éphémère de ces deux hommes que les nomades avaient tirés un moment de leur obscurité pour en faire les instruments et le prête-nom de leur potitique à l'instar des anciens sultans d'Ouargla, mais qui ne surent pas même être à la hauteur de cette position effacée.

Les Mekhadma, Beni-Tour et Chaâmba rentrèrent à Ouargla, puis se remettant en campagne pour tenter un coup de main sur les tribus de Biskra, ils franchirent l'Oued-Itel. Arrivés à SebaBotmat, ils enlevèrent, le 2 octobre à la pointe du jour, 1,764 chameaux et 750 moutons aux Ouled-Zekri et aux gens de Sidi

Khaled. Cette razia opérée, ils revinrent à Ouargla pour mettre leur butin en sûreté. A peine de retour, ils furent rejoints par les Saïd-Ateba qui, à leur tour, venaient de se rallier à l'insurrection. Il n'était guère possible, du reste, aux Saïd-Ateba de rester dans le devoir après la défection de leurs alliés les Larbâa et d'un autre côté leur fidélité à notre cause a été certainement un obstacle à leur rentrée à Ouargla où les appelait la récolte des dattes. Le premier acte de leur insoumission avait été, avant de quitter le Tell, de tuer leur kaïd El-Hadj-Saïd, étranger à la tribu et de le remplacer par un des leurs, Si Kaddour-ben-Embarek que deux fois déjà nous avions nommé kaïd et deux fois révoqué. Ce dernier soulèvement nous laissait sans alliés à Ouargla où nous ne comptions désormais que des ennemis. Cette situation qui menaçait de se traduire par de nouvelles incursions contre nos tribus soumises était de nature à ébranler la fidélité de celles-ci et nous créer les plus grands embarras. Il était temps de prendre des mesures pour parer à ces éventualités.

Le 29 octobre, le colonel Seroka qui avait quitté le cercle de Bou-Saâda après le combat de Dermel arriva à Mengoub. Il passa les mois de novembre et décembre à couvrir nos tribus soumises et à faire des démonstrations contre les Ouled-Naïl de Djelfa qui ne tardèrent pas à venir implorer l'aman. Pendant ces deux mois, les tribus d'Ouargla avaient suspendu les hostilités, occupées qu'elles étaient à la récolte des dattes. Elles se remirent en campagne dans les derniers jours de l'année et dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, pendant que la colonne Seroka était à Dzioua, elles surprirent les petits villages d'El-Alia el de Taïbin, y enlevèrent quelques chameaux et des grains, ravagèrent les jardins et reprirent ensuite le chemin d'Ouargla où elles avaient été convoquées par Si El-Alà. En attendant ce dernier dont l'arrivée prochaine leur avait êté annoncée, elles repartent quelques jours après, poussent jusqu'à Oum-el-Adam et reviennent à Ouargla où Si El-Alà arrive le 23 janvier avec un goum composé de Chaàmba de Metlili et de quelques cavaliers des Mekhadma et Chaámba-bou-Rouba qui étaient restés avec lui depuis le début de l'insurrection. Le rendez-vous général de toutes les tribus est fixé à Hafert-Chaouch où Si El-Ala est rejoint par Nacer-ben

Chohra accouru du fond du Nefzaoua avec une vingtaine de cavaliers. Les Mekhadma, Beni-Tour et Chaâmba sont fidèles à l'appel; mais les Saïd-Ateba qui savaient notre colonne à peu de distance refusent d'y répondre, se réfugient à Negouça et envoient un émissaire au colonel Seroka arrivé à ce moment à El-Hadjira. Dès le 7 janvier, en effet, le colonel Seroka, campé à Dzioua, avait été informé des desseins et de la marche de Si El-Alå sur Ouargla. Prenant ses dispostions, il levait le camp le 12 et était arrivé le 15 à El-Hadjira où Si Ali-Bey était depuis quelques temps en observation avec son goum. Ce goum joint à ceux amenés par la colonne fut immédiatement utilisé pour des reconnaissances. Plusieurs convois de grain et de poudre destinés aux rebelles avaient déjà été capturés de cette manière, lorsque le 28 janvier arriva l'émissaire des Saïd-Ateba avec des renseignements exacts sur les projets de Si El-Alå.

L.-Charles FÉRAUD.

(A suivre.)

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Ce qui semble certain, c'est que ce ne fut pas le scutum qui fit donner aux Scythes leur dénomination; nous venons de dire l'origine de cet ethnique, et d'autre part, les Scythes désignaient le bouclier soit par le mot çaïl avec un c aspiré se rapprochant du ch allemand ou du c dur des Celtes, et se prononçant, selon les tribus: chail ou kail; certains même employaient une forme dérivée (la 5o), chilt, devenu en anglo-saxon schild.

Le mot chail, chil paraît être le primitif (inusité aujourd'hui) de chellouh, tente, c'est-à-dire abri, couverture, protection (chose défensive). Il est passé à l'hébreu lors de l'invasion des Scytes en Palestine (1), sous la forme « cheliat, » et les Berbères l'ont aussi retenu sous cette même forme. C'était, en effet, dans l'antiquité, et c'est encore aujourd'hui, le nom du point de l'Algérie le plus élevé au-dessus du niveau de la mer, le djebel Cheliat, point culminant du massif de l'Aoures. Ce fut d'abord un nom commun et très usuel sans nul doute, car Procope, dans son récit de la guerre des Vandales, cite cette montagne en traduisant en grec son appellation locale: «mons aspis öpos àíñiz, le mont du bouclier. »

(1) RENAN, Histoire des langues scientifiques, p. 204.

-Cette dénomination se retrouve également dans le Djur djura sous une forme qui se rapproche davantage du vocable anglo-saxon: le col et la fraction que les Arabes nomment chellata est dit par les Berbères Ichelladhen, Tizi-N-Ichelladhen. A ce radical se rattachent aussi les Ichellihen (Oulad-Cheleh), près Batna, les chellala, les chellog de Frenda, les chellouk berbères du Nil blanc, etc. Dans d'autres tribus scythes, le mot caïl signifiait bien encore une arme, mais une arme offensive, la lance, l'arme par excellence, l'arme des nobles, interdite aux vassaux, comme cela se pratique encore, au dire de Barth, dans certaines tribus touareg, où les imrad (serfs) peuvent avoir toute espèce d'armes, excepté la lance et l'épée, réservées aux seules classes nobles, qui leur abandonnent le fusil, l'arme traîtresse analogue aux flèches, avec lesquelles, à distance, le poltron a raison de l'homme de cœur.

Plusieurs autres détails historiques ou linguistiques confirment cette noblesse de la lance, arme qui, dans le dialecte berbère des îles Canaries, se dit encore tamachek, tamacheg, c'est-à-dire celle de l'Amachek, de l'homme libre.

Les rapprochements géographiques étymologiques et ethnologiques peuvent être multipliés à l'infini quand on compare les Berbères aux races skythiques et gothiques qui peuplèrent l'Europe centrale et occidentale. Nous en citerons encore quelques-uns.

Les défilés du Taba et du Bounta, qui fermaient l'antique Dacie, ont leurs noms reproduits en Berbérie comme appellations de plusieurs montagnes ou défilés. Le djebel Bounta, près la Medjana, est devenu célèbre, en 1871, à la suite d'un beau succès remporté par le général Saussier sur le chef de l'insurrection Bou Mezrag ElMokrani (1).

(1) Bou Mezrag signifie « l'homme à la lance. » C'est un nom propre assez usuel en Algérie.

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