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Du plus illustre et digne maitre
Que la France ait jamais fait naitre
Mais le plus regrété de tous

Pour son esprit prudent et doux,

Pour sa naissance et son lignage,

Pour sa valeur, pour son courage,

Pour ses vertus, pour ses bontez,
Bref, pour ses générositez,

Las! ce fut Monsieur de la Châtre (1),

Qui, de cette gloire idolatre

Qu'on aquiert au métier de Mars
Ne craignoit, ni boulet, ni dards.

Ce brave prince, à teste blonde,
Vaillant sur la terre et sur l'onde,
Scavoir Monseigneur de Beaufort
Digne d'un favorable sort

Se fortifie et s'autorize
Dans la ville qu'il a conquise;
Et, pour remuër le terrain,
On dit que nôtre Souverain,
Sans épargner or, ni monoye
A ce généreux duc envoye
Outre, encor, plusieurs mariniers
Quinze ou seize cent pionniers (2)
Qui, par des pics pointus et croches
Y creuseront terres et roches,
Pour mêtre la place en êtat

De ne craindre aucun atentat.

(A suivre.)

H.-D. DE GRAMMONT.

(1) Louis de la Chatre, comte de Nancay.

(2) Ils furent victimes du naufrage du vaisseau le Tigre, et firent cruellement défaut à l'attaque, qui en avait grand besoin.

Pour tous les articles non signés :

Le Président,

H.-D. DE GRAMMONT.

Alger. Typ. A. JOURDAN.

LES MEDAGANAT

(Suite. Voir les Nos 175, 176, 178 et 179)

VII

1879

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Départ pour l'oued Guir. Razzia sur Ouargla,
Guerrara, Metlili, et mort de Mouley Belkheir. —
Fuite d'une partie des Medaganat.
les Trafi. Départ pour l'oued Drâa.

Razzia sur

Les Medaganat s'installèrent d'abord à leur retour, vers la fin de janvier 1879, près de H.-Djedida. Mais bientôt le bruit se répandit que les Touareg se préparaient à venir les attaquer à leur tour et le Gourara ne leur parut pas une retraite assez sûre. Les Oulad-Sid-el-Arbi partirent les premiers avec tous leurs gens pour aller à l'oued Guir rejoindre Si Kaddour ben Hamza, qui avait déjà fait dire à tout le groupe des Medaganat de venir s'installer près de lui.

L'un de ceux-ci, Ahmed ben Miloud, était allé à l'oued Guir pendant l'automne. Il avait été fort bien reçu par le marabout, qui n'a jamais laissé échapper une occasion de réunir autour de lui tous les coupeurs de route du Sahara, et, sur ses conseils, tous ses compagnons, sauf cinq, se décidèrent à partir définitivement au comRevue africaine, 30° annie. N° 180 (NOVEMBRE 1886).

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mencement de mars. Seuls, Mouley Belkheir et Bou Beher ben Abd El-Hakem, récemment revenus de Ouargla, restèrent chez les Khenafsa, et Ahmed ben Aïssa avec un ou deux autres, allèrent s'installer à Tabelkoza.

D'H.-Djedida, les Medaganat s'arrêtèrent d'abord à Hassi-bou-Ali, où ils passèrent quelques semaines. Ils continuèrent ensuite leur mouvement en se rapprochant de l'oued Zousfana, puis le traversèrent un peu au-dessus de son confluent avec l'oued Guir, sur la rive droite duquel ils vinrent enfin camper, à deux kilomètres d'Igli, à côté de Sidi-Kaddour.

Depuis quelques années déjà les Oulad-Sidi-CheikhCheraga s'étaient fixés chez les Doui-Menia. Taleb ben Ghazi, l'un des chefs les plus influents de cette puissante tribu, n'avait pas été fàché de les attirer près de lui, autant pour mettre fin aux brigandages perpétuels de cette horde, que pour s'assurer par son concours la suprématie sur les fractions des Doui-Menia, hostiles à son influence. Il avait donné à Si Kaddour ben Hamza, autour duquel s'était groupées toutes les forces du parti, d'importantes terres de labour, près d'Igli, où luimème résidait presque toujours, et mettant ainsi à profit l'ascendant du marabout sur les Laghouat du Nord et les Châamba de l'Est.

Si Kaddour était d'ailleurs le chef tout-puissant d'une bande de deux cents Zoua et de trois à quatre cents réfugiés de toute l'Algérie, les uns serviteurs religieux de sa famille ou insurgés non soumis, les autres, en plus grand nombre, condamnés par contumace, ou en rupture de ban. Bien que les Doui-Menia comptassent quatre mille fusils et huit cents chevaux, ce n'était pas un appoint à dédaigner: tous, en effet, jouissaient d'une réputation méritée de bravoure et d'audace.

Si l'accueil fait aux Oulad-Sidi-Cheikh par leurs hôtes avait cu ainsi pour cause l'intérêt politique que présentait une alliance avec eux, l'influence religieuse de cette famille n'y était pas non plus étrangère. Quoiqu'appar

tenant presque tous à l'ordre de Sidi Abd El-Kader ElDjilali ou à celui de Si Ahmed ben Moussa de Kerzaz, les Doui-Menia ne contestent pas la baraka attribuée aux Oulad-Sidi-Cheikh par leur clientèle, et autant pour s'assurer par leur intermédiaire la bénédiction céleste sous forme de pluies et d'abondantes récoltes, que par respect pour leur illustre origine, ils les avaient reçus avec empressement et les comblaient chaque année d'offrandes de toute sorte.

Néanmoins Si Kaddour se sentait tenu en tutelle et son caractère indépendant ne pouvait se plier à cette sujétion. Il ne perdait donc aucune occasion de grossir le nombre de ses partisans pour rendre sa situation plus solide, et c'est dans ce but qu'il avait appelé les Medaganat.

Leur arrivée passa à peu près inaperçue. Elle fut néanmoins d'autant plus opportune que Si Kaddour commençait à organiser une grande harka contre Ouargla. Il avait déjà l'intention de faire razzer nos tribus depuis l'année précédente et, à plusieurs reprises, le bruit du départ de l'expédition avait été répandu à ElGoléa et à Metlili.

Elle se mit en marche vers la fin de juin, sous les ordres de Sidi Cheikh ben Abderrahman. Son effectif comprenait environ 350 mehara, dont 200 des contingents de Si Kaddour, Zoua, Oulad-Sidi-Cheikh, Laghouat, ElKsel, Oulad-Aïssa, Oulad-Sidi-Lezghem, et réfugiés d'origines diverses. Les autres étaient des Doui-Menia, Beraber, Oulad-Mouleit, Oulad-Ba-Hammou, Ghenamna, Khenafsa, et enfin les Medaganat, au nombre de trente, y compris Mouley Belkheir et ceux de ses compagnons qui étaient restés au Gourara.

Outre les mehara, le rezzou emmena un chameau de bât pour deux combattants pour porter les vivres et l'eau; mais point de chevaux, la saison ne permettant plus de s'en servir.

D'Igli, où s'était effectuée la concentration, la harka se

dirigea d'abord au Sud par la vallée de l'Oued-Messaoura, autant en raison de l'abondance des points d'eau sur cette iigne que pour se faire donner l'hospitalité par les ksour. Elle s'arrêta successivement à BeniAbbes, Sid-El-Madani et Kerzaz, puis, tournant à l'Est, traversa l'Erg qui sépare ces oasis du Gourara et atteignit enfin El-Hadj-Guelman, en passant par Ksar-OuladGhedir, Hassi-Djedea et Hahea.

A El-Hadj-Guelman, quelques Khenafsa et des Châamba du Gourara, ainsi que quelques Mouadhi des Cheheub, vinrent rejoindre le rezzou pendant le séjour qu'il y fit.

Au bout de deux jours l'expédition se remit en marche; elle remonta d'abord l'oued Mguiden par El-Hazema, Jekna et H.-El-Ahmar, avant de s'engager dans la Hamada d'El-Goléa qu'elle traversa par El-Meksa en se dirigeant sur H.-El-Malah.

Après un nouveau séjour sur ce point, elle suivit l'oued Mya et arriva enfin à H.-El-Hadjer, à 70 kilomètres d'Ouargla, le 27 juillet.

Les Mouadhi avaient eu connaissance de son passage et auraient pu prévenir Ouargla; mais, pour un motif facile à comprendre, ils s'abstinrent d'en rien faire. L'agha Abd El-Kader ben Amar fut néanmoins prévenu en temps opportun.

Le makhzen d'Ouargla fournit toute l'année des postes de surveillance placés sur les routes du Sud. L'un d'eux se trouvait à Hassi-El-Hadjer depuis le commencement de juillet. Les deux mehara qui la formaient venaient de rentrer le jour de l'arrivée de la harka, pour se faire relever, mais leurs remplaçants, en passant à Gour-Bou-Chareb, le 30 au matin, aperçurent l'ennemi dans le Sebbakh de Zemoul-Djouad, peu après son départ pour H.-Bou-Khenissa. H.-El-Hadjer est un puits assez profond et quoi qu'il soit abondant il n'avait pas fallu moins de trois jours pour abreuver les 500 chameaux du rezzou, bien que l'opération se fut continuéc même de nuit.

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