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pulation tient au départ d'un grand nombre d'habitants qui sont alles se fixer pour travailler dans les villes algériennes ou tunisiennes.

La banlieue de Ouargla se compose, avons-nous dit, d'une série de petites oasis déjà dénommées et sur lesquelles il convient de donner les renseignements que nous avons recueillis.

Rouissat Si Mohammed-ben-Saci des Beni-Tour, fraction des Mekhadma, en est le fondateur. Il s'y installa le premier avec trois de ses frères, y båtit et planta des palmiers. Après lui ses descendants suivirent son exeinple et abandonnèrent la vie nomade. Ce village est encore aujourd'hui le grand magasin des Beni-Tour. Aïn-Adjadja fut fondée par Si Salem, marabout, originaire de l'Ouest qui vint s'installer près d'un puits jaillissant creusé autrefois par les Sedrata. Un autre marabout, Si Atta-Allah, originaire des Dreïd tunisiens, fuyant les troubles qui avaient éclaté dans son pays, vint se fixer à côté de Si Salem et ce sont les descendants de ces saints personnages qui forment la population actuelle.

La tradition rapporte que, dans une attaque suivie de pillage, les gens de Aïn-Adjadja perdirent le Livre des puits. Ce livre indiquait si bien l'emplacement des puits dont les révolutions du pays avaient fait disparaître les traces que les habitants n'avaient qu'à le consulter pour retrouver les points où l'eau jaillissaient autrefois sous les Sedrata.

Ils n'avaient qu'à se rendre sur les lieux, les dégager des sables qui les couvraient et la source recommençait à jaillir sans plus de travail.

Aïn-Adjadja est peuplé presque entièrement de marabouts; il tire son nom d'une source artésienne encore très abondante située dans le village même et qui, d'après les récits indigènes, avait autrefois une force ascentionnelle tellement grande qu'elle formait avec fracas un tourbillon semblable à celui que produit une tempête (adjadj). L'oasis compte encore deux autres puits artésiens.

Aïn-Ahmar, que l'on nomme aussi Chott à cause de sa position au milieu du chott de Ouargla, fut fondé par les Beni-Tour.

Ce village ent beaucoup à souffrir des nomades jusqu'à ce qu'il fut protégé par Sidi-Aïça, marabout, originaire de l'Ouest qui vint s'y installer. Ce personnage rétablit l'ordre et s'acquit promptement une grande influence; mais cette influence ne tarda pas à être effacée par celle de Si Belkheïr, autre marabout venant du Gharian de Tripoli. L'autorité de celui-ci excita vite la jalousie des nomades qui résolurent de le chasser. C'est en leur résistant et au moment où l'un d'eux venait de le frapper que Si Belkheir, plantant tout à coup dans le sol la lance dont il était armé, til jaillir subitement la source à laquelle il donna le nom de Aïn-Ahmar. Devant ce miraculeux pouvoir, Si Aïça céda la place et retourna dans l'Ouest. Il laissa à Aïn-Ahmar ses quatre fils et prédit en s'en allant qu'il aurait toujours dans le village quatre descendants måles, ni plus ni moins. Quoiqu'il en soit de ces récits légendaires, la population d'Aïn-Ahmar, très unie cependant avec celle d'Aïn-Adjadja, n'a pas une nature aussi pacifique. Elle a toujours été mêlée aux troubles éclatant dans le pays.

Aïn-Ahmar est une ravissante oasis où la végétation est remarquable en raison de l'humidité du sol, mais par cela même excessivement malsaine en été.

Sidi-Khouiled eut pour fondateur Sidi-Khouiled, marabout, originaire des Dreïd, consin germain de Si Atta-Allah avec lequel il se fixa d'abord à Aïn-Adjadja. A la suite de difficultés entre les habitants de ce village, Sidi-Khouiled mit les dunes entre lui et les gens avec lesquels il ne pouvait s'entendre et fonda le ksar isolé qui porte son nom.

Ba-Mendil est aujourd'hui presque ruiné. Ce village est situé dans l'endroit le plus salubre des environs de Ouargla. L'eau y est excellente et il forme sur une crète isolée une bonne position défensive. Ces conditions réunies avaient décidé les Saïd-Aleba à s'y installer et s'y retrancher dans une bonne enceinte en pierre, mais les Makhadma et Chaámba pillèrent et détruisirent ce petit ksar après s'en être emparés il y a environ un demi siècle.

Negouça. D'après la tradition locale transcrite plus haut,

la diminuée

nous avons vu l'origine de Mengouça nom que lui donna le marabout Si Sala-ben-Mouça, d'où est venu, par corruption, le nom actuel de Negouça. Cependant Negouça n'avait qu'une population tout à fait inoffensive composée de gens de kasseria, c'est-à dire sédentaire constamment pressurée par les nomades. Ils firent appel à un homme énergique des Saïd-Ateba, nommé Ahmed-ben-Babia, réclamèrent la protection de son bras et se le donnèrent pour cheïkh. Grâce à lui, grâce à ses successeurs, qui tous furent pris dans sa famille, la population de Negouça s'accrut de tous les gens qui redoutaient les nomades et qui trouvaient dans cette ville un lieu d'asile efficacement protégé par les Beni-Rabia.

El-Golea. Point extrême dans le Sud; est un ksar construit sur un rocher isolé au milieu des plaines sahariennes, à une hauteur d'une soixantaine de mètres. Sa population est peu considérable aujourd'hui, mais, d'après la légende, là fut autrefois un centre important où gouvernait un prince marocain, maître de toute cette région. La malédiction d'un marabout fit tarir les sources et amena la ruine de la ville. Nous reverrons plus loin, dans la partie historique, des détails sur toutes ces localités, de même qu'il sera question des tribus nomades et des circoustances qui ont amené leur installation dans le pays.

L.-Charles FÉRAUD.

(A suivre.)

ESSAI

D'ÉTUDES LINGUISTIQUES & ETHNOLOGIQUES

SUR LES

ORIGINES BERBÈRES

(Suite. Voir les nos 175 et 176.)

CHAPITRE IV

Peuplement Nord (suite). - Kimri gheraba, Scytho saxons,
Chelouba, Selloua, Slaves scytho lettiques.

<<< Les langues usent peu à peu leurs aspérités (1), » et de même que le K de l'ancien saxon gothique est devenu le CH allemand ou mème l'H simple dans d'autres dialectes (2), de même aussi les Kel-Loua (les peuples gaël) sont devenus les Chel-Loua et les Ahl-Loua ou Halloua, selon les prononciations particulières des races hyperboréennes saxonnes ou scythiques dont ces mots marquent l'introduction en Afrique.

(1) Renan, Histoire des langues sémitiques.

(2) Les anciens Norvégiens prononçaient H comme un K; quelquefois encore, au commencement des mots, H correspond au ga sanscrit. En celtique, le mot « bouclier » se dit cail, avec un C aspiré, se rapprochant du CH allemand, soit chail. (Chailoua, ceux du bouclier ? )

Revue africaine, 30° année. No 178 (JUILLET 1886).

18

Les quelques affinités grammaticales que l'on peut relever entre le berbère et les différentes langues anglo-saxonnes, comme aussi l'étroite parenté des Runes skandinaves avec les Tifinar, et, surtout les similitudes si fréquentes des radicaux primitifs, montrent suffisamment que les idiomes africains, comme ceux du Nord, ont eu, à une certaine époque, des procédés communs pour l'expression des idées. Les lois phonétiques, l'obscurcissement des voyelles, les gradations et les variations des consonnes dans les divers dialectes méditerranéens ou sahariens se retrouvent en principe dans les langues skandinaves ou anglo-saxonnes. Nous avons déjà cité, au début de ce travail, l'impression produite sur les Européens par l'audition de ces dentales sifflantes et harmoniques emprisonnant des sons-voyelles que modifient à chaque instant des accents toniques, prosodiques ou musicaux comme dans les langues du Nord de l'Europe. Et, chose remarquable, dans l'Aorès, où les différents dialectes chaouïa vivent côte à côte, quelquefois dans le même village, ce sont toujours les gens qui prétendent avoir l'origine la plus septentrionale qui parlent le dialecte le plus adouci (1): la tamzira; cette langue est souvent celle de ces tribus de blonds aux yeux bleus, dont la peau fine, parfois couverte de taches de rousseur a, chez les femmes et les enfants surtout, cette carnation rosée spéciale aux races septentrionales.

Dans les légendes de la montagne comme dans les coutumes locales, les ressemblances et les analogies se continuent. Dans leurs belles études sur le Droit civil ou criminel des Kbaïl du Djurdjura, MM. Hanoteau et Letourneux citent, presque à chaque page, en regard des canoun berbères, les vieilles coutumes saxonnes et

(1) Voir dans la Revue africaine, les articles déjà cités de M. le professeur Masqueray qui a fait une étude particulière de ces dialectes chaouïa de l'Aurès.

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