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sous deux aspects différents. La Terre s'unit plus tard au premier né et au dernier né de ces enfants.

De l'aîné, oùpavos, le Ciel, elle eut des fils et des filles. Le premier de tous fut l'Océan ('xɛavos). On remarque parmi les autres, Xpovor (le Temps, Saturne), Japet, les Cyclopes, Briarée aux cinquante mains et ses deux frères, les Érynnies, les Géants, etc. Ce fut de cette branche des Dieux que naquirent les divinités de l'Olympe sur lesquels l'auteur reviendra plus tard.

De la Terre et de son fils novτo naquirent Nérée, le vieillard de la mer, Thaumas (le Prodige), puis Phoreys et Céto (popxus, le phoque, Knto, la baleine). Ces deux derniers donnèrent naissance à divers monstres qui, dans l'origine, devaient être tous serpentiformes (1) et dont quelques-uns le sont restés, savoir: les Grées, les Gorgones, Échidna, moitié femme et moitié vipère, et aussi le << serpent qui, dans les grottes de la Terre, espaces immenses, garde des pommes entièrement d'or. » On voit que le poète fait ici une distinction entre les pommes d'or, fruits au pays des Hespérides et les pommes d'or, pépites dans les profondeurs de la Terre. L'auteur donne sur ces divinités étranges un certain nombre de renseignements; nous ne les relèverons ici que pour ceux de ces ètres qu'on a fait plus tard figurer en Libye.

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« Les Gorgones, dit-il, demeurent au delà du bruyant Océan, à l'extrémité de tout, près de la Nuit, là où se » trouvent les Hespérides à la voix sonore. Ce sont » Sthéno, Euryale et Méduse que le malheur a frappée. » Cette dernière, en effet, était mortelle, au lieu que les » deux autres n'avaient à craindre ni la mort, ni la » vieillesse. Le Dieu à la chevelure bleu de mer s'unit à

(1) Dans le poème, l'anthropomorphisme domine dans la nature de ces monstres: Phorcys est courageux, Céto et les Grées ont de belles joues et ces dernières des cheveux blancs, Péphrédo a un beau voile, Ényo un voile d'or; mais ces déguisements modernes ne suffisent pas à cacher que, dans leur état primitif, ces êtres étaient zoomorphes (Théog., vers 270).

» l'une d'elles dans la molle prairie et sur les fleurs du printemps. Puis, lorsque Persée lui eut tranché la tête, il naquit de son tronc le grand Chrysaor et le cheval » Pégase. Celui-ci reçut son nom de ce fait qu'il naquit » aux environs des sources de l'Océan (1). »

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De Chrysaor, qui paraît avoir été conçu par les premiers Grecs sous la forme d'un chien ailé (2), puis sous celle de l'aigle de Jupiter, une nymphe de l'Océan eut un fils qui fut le fameux Géryon aux trois têtes. Celui-ci » fut dépouillé de ses armes par le vigoureux Hercule, » auprès de ses boeufs aux jarrets fléchissants, dans » Érythie entourée par les flots, le jour où ce héros emmena ces boeufs aux larges fronts vers la Sainte Tirynthe, en traversant un bras de l'Océan, après avoir mis à mort le chien Orthros et le bouvier Eurytion dans leur étable obscure, au delà du bruyant › Océan (3). »

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Échidna eut de l'Ouragan (Tv) différents êtres monstrueux, tels que le chien Orthros qui fut donné à Géryon (4), Cerbère, le chien des enfers, l'hydre de Lerne, la Chimère et le Sphinx. Elle eut aussi de son fils Orthros le lion de Némée.

Après en avoir fini avec cette postérité étrange de la Terre et de Pontos, le poète passe à celle que l'Océan, leur fils aîné, eut de sa sœur Téthys. Cette postérité est formée par les fleuves au nombre de vingt-cinq; l'auteur nous donne leurs noms, et il résulte de ce renseignement éminemment géographique, qu'à l'époque de la Théogonie, les Grecs ne connaissaient, en dehors de la Grèce et de l'Asie-Mineure, que le Nil, l'Ister, le Phase et l'Éridan, grand cours d'eau qui paraît avoir été un affluent de l'Ister. Il n'y est question d'aucun fleuve

(1) Thẻog., 274.

(2) Théog., 283.
(3) Théog., 287 et 882.

(4) Thẻog., 309.

libyen, pas même de cet imaginaire fleuve Triton dont les géographes parleront tant par la suite.

Après nous avoir détaillé la généalogie des astres, des vents et de certains Dieux célestes et infernaux, représentants des grandes forces de la nature, le poète nous montre Saturne et Rhéa donnant naissance à Jupiter et à Junon, ainsi qu'aux autres Dieux de l'Olympe puis Japet ayant pour fils Atlas, Ménotios, Prométhée et Épiméthée (1); après quoi il nous donne l'histoire de cette race royale des Dieux.

C'est dans ce récit surtout que se révèle la lutte de ces deux tendances dont j'ai parlé plus haut; mais on y voit qu'en somme, des deux systèmes qui avaient cours de son temps sur l'histoire des Dieux, celui que l'auteur comprend le mieux est celui qui ramène les divinités de l'Olympe à une nature presque entièrement humaine. A part certains détails, au moyen desquels il essaie, sans y réussir, de rendre à ces Dieux une physionomie plus majestueuse, le poète raconte les événements de l'Olympe, comme si les Dieux, ses habitants, n'étaient qu'une peuplade sauvage un peu plus puissante que les autres. Il suffirait d'enlever aux tribus et aux personnages en jeu les noms retentissants de Dieux, d'Hommes, de Ciel, de Temps, etc., pour que cette histoire pût s'appliquer sans difficulté à n'importe quelle population de la première antiquité.

D'après le récit du poète, les Dieux n'étaient qu'une peuplade puissante tenant en servage la misérable nation des Hommes habitant des cantons inférieurs environnant l'Olympe. Ces derniers en étaient encore à ce point de sauvagerie qu'ils ne connaissaient pas encore l'usage du feu. Les Dieux, au contraire (auxquels leur nom, eo, assigne une origine aryenne, et qui ont dû apporter de leur berceau le culte d'Agni), se servaient de cet élément et en conservaient le dépôt dans le foyer

(1) Thẻog., 509.

sacré de leur tribu. Ils se gardaient, d'ailleurs, avec soin d'en révéler le secret aux hommes, de peur de procurer à des vassaux un moyen de se civiliser et de leur résister. Ce n'est pas qu'eux-mêmes vécussent dans un état social bien avancé comme il arrive chez tous les barbares où la force corporelle est le fondement de la puissance, les chefs devenus vieux étaient renversés par leurs fils impatients de commander à leur tour. Lə grand-père du chef actuel des Dieux, oúpavor craignant ce sort, avait emprisonné ses fils (1), mais leur mère raz avait donné la liberté à l'un d'eux, Xpovoσ, qui mutila son père, l'exila du pays et s'empara du pouvoir. A son tour X avait enfermé ses enfants (2). L'un d'eux, ZE, échappé au sort commun, s'aida de ses frères, de ses oncles et de ses cousins, las de la domination de Xpovo, le renversa, le chassa dans l'Ouest, et devint à sa place le Roi des Dieux et des Hommes.

Non loin de l'Olympe, à Othrye, vivait une autre tribu apparentée aux Dieux, nommée lés Titans, qui leur enviait leur demeure. Elle essaya de les en chasser; mais aidé des fils d'Ouranos, ses oncles, zs, le nouveau Roi, repoussa l'attaque des Titans, les fit prisonniers et les jeta dans les cachots de la tribu (Taptapa) sous la garde des trois fils d'Ouranos (le Foudre, l'Éclair et le Tonnerre).

Mais bientôt, comme c'est l'usage, les vainqueurs se divisèrent; les fils de Japet devinrent mécontents de Dzeus. Tout d'abord ils montrèrent leur hostilité par une de ces grossières plaisanteries si chères aux esprits sans culture. Leur tour étant venu de fournir la part de vivres imposée aux membres de la tribu au profit de leur Roi, Atlas et ses frères tuèrent un bœuf avec les cérémonies voulues, le dépécèrent et en firent deux parts. Dans la plus forte, ils placèrent, artistement dissimulés, les ossements, les graisses, les entrailles, tous

(1) Théog., 156.

(2) Thẻog., 459.

- La fable dit qu'il les engloutit.

les mauvais morceaux de la bête. Dans l'autre tas, bien moins volumineux, ils cachèrent les viandes les plus succulentes et les plus délicates. Cela fait, ils appelèrent le Chef et lui offrirent le choix. L'avide Dzeus choisit la plus grosse part; mais quand il l'eut découverte, un fou rire éclata dans le cercle des Dieux convoqués pour jouir de sa déconvenue.

Mais cette petite vengeance ne donnait pas le pouvoir aux fils de Japet. Désespérant de trouver un appui chez les Dieux pour renverser leur ennemi, ils complotèrent d'employer à détruire son pouvoir la race misérable et méprisée des hommes, ces esclaves de leur race... Pour les attirer à leur parti, et leur donner des moyens de puissance, ils résolurent tout d'abord de leur faire connaitre le feu, cet élément que les Dieux leur cachaient avec tant de soin. Prométhée déroba donc un charbon incandescent au foyer sacré de la tribu (1) et le porta secrètement à ses nouveaux alliés.

C'était de la part des Japétides une vraie trahison envers leur famille et leur tribu. Les Dieux se jetèrent sur les coupables. Dzeus terrassa Ménotios et le tua. Atlas fut vendu dans l'Ouest pour être employé au transport des plus lourds fardeaux. Prométhée fut lié à quelque tronc d'arbre pour y périr de faim et servir de pâture aux oiseaux de proie. Épiméthée, moins dangereux, reçut un pardon qui n'était qu'apparent; car, on lui imposa un mariage avec une femme curieuse et indiscrète.

J'ai ramené ici à des proportions humaines les faits racontés par le poète; mais, dans le texte, ces faits sont tout autres; à partir de ce moment en effet, l'auteur a cessé d'oublier qu'il s'agissait dans son récit d'êtres immortels, dominateurs du ciel et de la terre, et la peine subie par chacun des fils de Japet a pris un caractère d'éternité en rapport avec la majesté de ces Dieux.

(1) I le cacha dans une baguette creuse (v xoldas vaponxe), Théog., 537.

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