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Il n'est plus question dans le nouveau poème de ces Phéaciens, dont Homère parlait, comme recevant la visite des Dieux. Ce róle est dévolu dans l'Iliade aux Éthiopiens, hommes pieux offrant des festins aux Immortels (1). Il n'est plus parlé des Géants, des Kyclopes, ni des Lestrygons, auxquels, d'ailleurs, les guerriers rassemblés sous les murs de Troie n'avaient pas affaire; mais, en échange, il y est question de ces peuples nains, les Pygmées, hauts seulement d'une coudée, auxquels les Grues faisaient la guerre (2).

Comme Homère, l'auteur de l'Iliade a quelquefois parlé d'Athéné (Minerve) sous son nom antique de Tρıtoyevɛia (3), qu'il n'explique pas plus que son prédécesseur.

1. §. 247.

« J'endormirais jusqu'aux courants du fleuve Océan, bien qu'il soit l'origine de tous les êtres. »

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Iλ. v. 7. « Tous les fleuves se présentèrent, hormis l'Océan. » 1λ. 9. 195. — « La grande force de l'Océan aux courants profonds, bien que de lui découlent tous les fleuves, toutes les mers, toutes les fontaines et les grandes sources, n'en craint pas moins elle-même la foudre du grand Jupiter. - J'ai traduit ici mot à mot: ueya obevos wxtavolo, mais je dois remarquer que, dans les poètes du temps, cette formule doit se rendre par : « l'Océan à la force puissante. » Nous en verrons par la suite d'autres exemples: Bin Hpaxλɛın (la force d'Hercule) pour le vigoureux Hercule, Meya ovos povos (la grande vigueur d'Orion) pour le vigoureux Orion, etc.

(1) 1. a. 423. Jupiter est allé hier soir, vers l'Océan, chez les vertueux Éthiopiens pour y recevoir des festins. Tous les Dieux s'y sont rendus avec lui; dans douze jours, il reviendra dans l'Olympe. > 12. ¥. 205. « Je retourne vers les courants de l'Océan, dans la terre des Éthiopiens, où l'on offre des hécatombes aux Immortels; car, moi aussi, je veux avoir ma part des viandes consacrées. » (icorr).

(2) Iλ. 7. 3. - Ainsi retentit du haut du ciel la voix des Grues, quand elles fuirent l'hiver et les pluies sans fin, et qu'elles volent à grands cris au-dessus des courants de l'Océan pour porter à la race humaine des Pygmées, le carnage et la mort, et les provoquer, dès l'aube du matin, à un terrible combat. »

(3) 1. d. 515. — « La fille de Jupiter, la très glorieuse Tritogénie. »

Il parle aussi des Amazones comme d'une nation de femmes, enneinies des hommes, qui, campées derrière le Saggarios, fleuve de la Haute-Bithynie, y faisaient la guerre aux Phrygiens et aux Lyciens (1). Nous sommes encore loin du temps, où je ne sais quel collecteur de fables les amènera en Afrique.

La Gorgone figure aussi dans l'Iliade. Il semble que l'auteur y ait vu un long serpent au regard fascinateur (2). Dans le même poème, il est encore parlé d'une plante nommée le lotos; mais ce lotos n'est plus le fruit doux comme le miel d'Homère. Ce n'est plus qu'une herbe croissant sur les bords du Simoïs et servant de fourrage aux chevaux de l'armée grecque (3).

Quant aux Bienheureux, cette épithète n'est donnée dans l'Iliade qu'aux Dieux immortels (4).

12. 6. 39. (1) 1λ. 8.

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« Je suis allé, dans ma jeunesse, aider les Phrygiens quand ils campaient sur les bords du Saggarios pour combattre les Amazones, ennemies des hommes. >>

1λ. . 185. — « Le troisième exploit de Bellerophon fut quand il immola les Amazones, ennemies des hommes. »

(2) 1. 0.349. - «Hector avait les yeux de la Gorgone et de Mars, fléau des humains. » (ropyous qμμat ixwv).

Iλ. λ. 36. Autour de ce bouclier s'enroulait la Gorgone à l'œil farouche, lançant un cruel regard. » (Topy 6200Upwπls). Iλ. s. 741. - « On voit sur ce bouclier la tête gorgonienne d'un monstre cruel, tête horrible, effrayante, prodige de Jupiter qui porte l'Égide. »

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(3) 1. 6. 776. « Les chevaux d'Achille paissent le lotos et l'ache qui croît dans les marais..

Ιλ. P. 351. - «Tout brûlait, les ormes, les saules, les tamaris. Le lotos brùlait aussi, ainsi que le jonc et le souchet, qui poussaient sur les rives charmantes du fleuve (Simoïs). »

1. 347. « Sous Jupiter et Junon pousse une herbe nouvelle, le lotos humide de rosée, le safran et l'hyacinthe délicate qui les soulève mollement. >>

(4) 1.5.141.

« Aux Dieux Bienheureux. »

V

Presqu'à la même époque où paraissait l'Iliade, Hésiode composait en Béotie le poème des Travaux et des Jours. C'est le premier qui ait appliqué à des hommes le nom de Bienheureux jusque-là réservé aux Dieux et que, du reste, le poète accorde encore à ceux-ci (1). Ces Bienheureux, dont l'histoire a été composée d'éléments pris dans Homère et réunis ensemble, sont les héros ou demi-Dieux qui tombèrent sous les murs de Thèbes et de Troie. Jupiter, après leur mort, leur donna une existence nouvelle dans une demeure située aux confins de la terre, loin des Dieux à la fois et des hommes. Ce domaine était sous la domination de Saturne; il portait le nom d'Iles des Bienheureux et était voisin de l'Océan (2).

Quant à cet Océan, l'auteur lui donne un courant tout en lui appliquant un détail qui se rapproche plutôt de la haute mer de la deuxième Odyssée (3).

(1) Hésiode.

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(Les Travaux et les Jours). Αθανατων μακαρων. (2) Hésiode: Les Travaux et les Jours. Ce fut la race divine de ces héros qu'à la première génération on appela demi-Dieux sur la terre nourricière. Ils trouvèrent le trépas dans la guerre cruelle et le combat acharné; les uns tombèrent près de Thèbes aux SeptPortes..., les autres quand la beauté d'Hélène à la belle chevelure les conduisit vers Troie. Le trépas de la mort les couvrit, mais Jupiter leur donna une existence et une demeure aux confins de la terre, à l'écart des hommes et loin des Immortels. Maintenant, ayant l'esprit tranquille, ces heureux héros habitent les Iles des Bienheureux près de l'Océan aux gouffres profonds (a). La terre féconde leur fournit un fruit doux comme le miel et qui fleurit trois fois par an. »

(2) Εν Μακάρων Νήσοισι παρ 'Ωκεανον βαθυδίνην,

(3) Hésiode: Les Travaux et les Jours. abandonne le courant sacré de l'Océan. »>

Déjà l'étoile Arcture

VI

Vers la fin de la période qui nous occupe, au moment presque où les Grecs allaient faire passer en Libye une première colonie Théréenne,. parut un dernier poème dont l'auteur est resté inconnu. L'antiquité toute entière croyait qu'il était d'Hésiode; la critique moderne a prouvé qu'au contraire, il était bien postérieur à ce poète.

L'auteur de la Théogonie s'est avisé d'un travail qui indique généralement une période de décadence. Il a imaginé d'établir une histoire généalogique de toutes les divinités que la Grèce adorait de son temps. Dans ce cadre nécessairement arbitraire, l'auteur fit entrer du mieux qu'il put une quantité de notions d'origines tout à fait disparates, souvent contradictoires, et d'époques absolument différentes. On y rencontre des détails provenant d'un ancien culte naturaliste, antérieur probablement à l'arrivée des Jaoùnes dans l'Hellade, mêlés aux débris de certains souvenirs historiques datant de la période passée en Bactriane, ou des diverses époques de l'émigration aryenne. On sent que le vieil auteur a été souvent fort embarrassé pour concilier toutes ces données; mais où il a complètement échoué, c'est quand il a voulu ménager à la fois les deux tendances de l'esprit grec concernant la nature des Dieux.

Les Hellènes, en effet, furent toujours en grand désaccord à ce sujet; les uns ne voyaient guère dans les Dieux que des hommes d'une puissance supérieure, les autres, au contraire, y reconnaissaient les Immortels, souverains des forces de la nature. Tantôt le poète penche d'un côté, tantôt il incline de l'autre; le plus souvent, il se maintient dans un milieu indécis, qui blesse l'esprit de nos jours, mais qui jadis paraissait moins étrange.

Bien qu'il ne faille accorder aucune confiance sérieuse aux arrangements du poète de la Théogonie et aux filia

tions qu'il lui a plu d'attribuer aux divers Dieux de la Grèce, et qui ne sont pas toujours d'accord avec celles de l'Odyssée et de l'Iliade, son ouvrage n'en est pas moins fort important à consulter; car, c'est lui qui a surtout fourni aux exégètes des temps suivants les éléments dont ils se sont servis pour échaffauder leurs différents systèmes. Il est nécessaire, en effet, pour suivre avec fruit l'histoire des mythes libyens, de bien déterminer les termes et le vrai sens des vers de cette œuvre, afin de bien les distinguer des termes et du sens qu'on a prétendu plus tard leur attribuer.

Au commencement, dit le poète, exista tout d'abord » le Chaos, principe féminin, qui fut le plus ancien de » tous les êtres; puis la Terre, puis les Abîmes (Taptapa), » et, enfin, l'Amour (Eps). Tous ces principes étaient indépendants les uns des autres.

De Chaos, dit-il ensuite, naquirent l'Érèbe et la Nuit, et de ce couple vint une nombreuse série de divinités qui, à les bien examiner, ne sont que les représentations divinisées des divers états de l'âme et du corps humain (1). Un seul groupe se détache assez singulièrement de cet ensemble d'entités philosophiques : je veux parler des Hespérides auxquelles au delà du bruyant » Océan, on a confié les belles pommes d'or et les arbres » qui produisent ces fruits. »

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Après avoir dénommé les descendants de Chaos, l'auteur passe à ceux de la Terre. Celle-ci eut d'abord, sans le concours d'aucun principe mâle, le Ciel, les Montagnes, puis Πέλαγος et ποντος, qui représentent tous deux la mer

(1) Ce sont le Destin, la Parque, la Mort, le Sommeil, la troupe des Songes, Momus, la Peine, les Hesperides, les Destinées et les Parques, Némésis, la Fraude, le Commerce amoureux, la Vieillesse, - puis la Dispute, mère à son tour de la Vengeance et de la Faim, des Douleurs, des Batailles et de plusieurs autres entités du même genre parmi lesquelles figure Anon, la déesse de l'Oubli. (Théogonie, vers 219).

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