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INTRODUCTION

La Kalaa des Beni-Hammad, qui a joué le rôle de capitale de l'Afrique du Nord pendant tout le onzième siècle de notre ère, est située à 31 kilomètres au Sud de la station du chemin de fer de Bordj-bou-Arreridj (département de Constantine), sur le versant Sud du Djebel Maadid, à la limite Nord des immenses plaines de la Hodna. Elle a été fondée en 1007 par Hammad, de la grande tribu berbère des Sanhadja, qui en fit à cette époque la capitale du Mogreb central, c'est-à-dire de la partie Nord des départements actuels de Constantine, Alger et Oran. Les possessions hammadites, dans le département d'Oran, ne dépassaient guère Tiaret.

El-Mansour, l'un des successeurs de Hammad, abandonna la Kalaa en 1090, pour échapper aux déprédations continuelles des Arabes de la Hodna, et transporta le siège de son gouvernement à Bougie. Les palais de la Kalaa cessèrent donc d'être entretenus, ou tout au moins d'être remaniés à partir de cette date, et comme en 1148 le dernier sultan hammadite, Yahia, en enleva

systématiquement tous les matériaux de valeur pour les utiliser à Bougie, que, d'autre part, la ville fut entièrement détruite en 1052 par les Almohades, on peut admettre, je crois, sans grande crainte de se tromper, que les vestiges actuels des édifices officiels de la Kalaa constituent des documents archéologiques authentiques de la deuxième moitié du onzième siècle de notre

ère.

Féraud, dans son histoire des villes de la province de Constantine' (1870-71), signala à l'attention du monde savant l'intérêt que présentaient, au point de vue historique, les ruines de la Kalaa des Beni-Hammad; mais ce fut Blanchet qui eut le premier l'idée de faire des fouilles sur l'emplacement de la célèbre cité berbère. Les travaux durèrent une huitaine de jours seulement; ils firent l'objet d'une intéressante communication à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le 20 août 18972. M. Robert, administrateur de la commune des Maadid, a publié depuis une bonne étude sur le même sujet. Les choses en restèrent là jusqu'en 1908, époque à laquelle, sur les conseils de M. Saladin, l'architecte orientaliste bien connu, je me décidai à reprendre les travaux du regretté Blanchet et à déblayer les trois édifices principaux de la ville: la tour du Fanal ou du Ménar, le palais des Émirs, et la Mosquée.

J'employais à cet effet quatre-vingts ouvriers arabes, pendant une partie des mois d'avril, mai, août et septembre, soit trois mois et demi environ. M. Georges Marçais, ancien élève de l'école des Beaux-Arts de Paris, professeur à la Medersa de Constantine, voulut bien m'accompagner et me prêter un concours aussi utile que désintéressé; tous les dessins d'après nature

1. Recueil de la Société archéologique de Constantine, t. XV.

2. Le compte rendu des fouilles de M. Blanchet vient de paraître: Description des monuments de la Kalaa des Beni-Hammad, par BLANCHET, avec notes de M. Saladin, 1908 (extrait des Nouvelles Archives des Missions Scientifiques, t. XVII).

et plusieurs plans sont de lui. M. Grousset, soldat de l'armée coloniale, fut plus spécialement chargé de la surveillance des chantiers et de l'établissement des plans. Je lui confiai même la direction absolue des travaux en août et septembre. M. Robert, administrateur de la commune des Maadid a eu l'obligeance de s'occuper du recrutement des travailleurs et du ravitaillement en vivres et en outils. Il a poussé l'abnégation jusqu'à oublier qu'il était lui-même archéologue et l'un des premiers pionniers de notre champ de fouilles. Qu'il reçoive ici tous mes remerciements!

Il résulte de mes travaux, ainsi que l'a déclaré M. Dieulafoy, le 30 juillet courant, à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, que les trompes à demi-voûtes d'arètes, les stalactites, les poteries à reflets métalliques, les parements de faïence bleue et blanche avec croix et étoiles à huit pointes, les stucs sculptés et peints, se trouvaient déjà dans les palais de la Kalaa, trois siècles avant qu'ils n'aient apparu dans ceux de l'Alhambra, dont ils sont pour ainsi dire les prototypes.

Il ne reste malheureusement de ces édifices que des fondations qu'il faut parfois chercher assez profondément sous terre, mais celles-ci m'ont permis néanmoins d'établir un plan à peu près suffisant du seul palais musulman du moyen âge dont il subsiste encore des traces complètes.

J'ai pensé qu'il y avait intérêt à faire suivre le récit de mes fouilles à la Kalaa, première capitale hammadite, par l'étude de Bougie, devenue capitale à son tour après l'abandon de la Kalaa, de 1090 à 1152.

Les ruines de cette seconde capitale sont rares, mais elles ont leur importance. M. Choisenet, l'aimable et érudit sous-préfet de Bougie, a bien voulu me servir de cicerone pendant toutes les recherches archéologiques que j'ai entreprises dans cette ville. Mes études sur Bougie ont été beaucoup moins complètes qu'à la

Kalaa, mais je ne crois pas qu'il soit possible dans les circonstances actuelles, de faire des recherches plus fructueuses: tous les palais hammadites, en effet, ont été rasés par les Espagnols, au seizième siècle, et ont été remplacés par des casernements militaires encore occupés de nos jours.

En terminant cet exposé sommaire de mes travaux, je tiens à remercier bien hautement M. Jonnart, gouverneur général de l'Algérie, de l'appui bienveillant et incessant qu'il a bien voulu me prêter pendant tout mon séjour en Algérie.

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