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2o Histoire générale du Nord-Africain. C'est le résumé historique indispensable, base solide sur laquelle s'appuyer pour continuer sa course. N'étant établi que pour permettre cette recherche ultérieure annoncée, ce résumé s'efforce beaucoup moins de narrer des faits que de noter des idées et de classer des observations.

30 Les Berbères; 40 Les Arabes; 50 Les Israélites; 6o Les Européens. Ces quatre parties du travail étudient chaque grand groupement ethnique en lui-même.

70 Les races face à face. - Voici pour toute l'Afrique du Nord Algérie, Tunisie, Maroc, Sahara, le tableau de la vie sociale que l'examen détaillé de chaque race permet de dessiner.

De ces sept livres nous tirerons les conclusions qui constituent, selon nous, le programme d'action à développer :

80 La politique de la France en Afrique du Nord.

Aussi simplement que soit réalisé le plan que nous venons d'exposer, l'ouvrage que nous avons entrepris d'écrire présente un caractère nettement encyclopédique. Et c'est peut-être regrettable, mais c'est une nécessité à laquelle force est de se soumettre. Son ampleur même permet d'espérer que si faibles soient nos moyens et si insuffisante notre érudition il pourra rendre quelques services. Et de cette espérance dérivent deux procédés de composition, l'un qui nous est cher, l'autre nouveau dans l'ensemble de notre œuvre écrite.

Le procédé qui nous est cher est la multiplicité des longues citations. Nous avons dit dans notre « Introduction générale aux études napoléoniennes» et dans la préface de « Tadla, pays Zaian, MoyenAtlas» les mérites que nous attribuions à ce procédé. Il est particulièrement de mise dans un vaste ouvrage qui s'efforce de condenser les idées et les théories d'une foule d'auteurs et qui, pour mieux faire ressortir les vues personnelles, croit devoir indiquer avec netteté celles d'autrui. Notre but serait atteint si ayant désiré faire réfléchir notre génération, nous indiquions à ceux que le sujet retiendra les sources où puiser, et devant les difficultés souvent éprouvées à les atteindre, parvenions par les larges emprunts faits aux œuvres antérieures, à donner de celles qu'on ne pourrait consulter une suffisante notion.

On trouvera à plusieurs reprises dans les diverses parties de l'ouvrage d'assez abondantes indications sur ces sources multiples. La bibliographie de Playfair demeure un guide très utile. Mais depuis sa composition, et dans ces tout derniers temps, que d'œuvres intéressantes, le

beau livre d'Insabato, les théories originales d'André Servier, que d'artıcles de valeur dans le Bulletin du Comité de l'Afrique française, dans la Revue du monde musulman, dans les Archives marocaines, dans le Journal asiatique, dans la grande presse de France et de l'Etranger. Pour saisir en sa mouvante complexité la vie nord-africaine l'effort ne doit pas d'ailleurs être d'érudition pure. Souvent nous reviennent en mémoire une description d'un roman de Loti, une impression d'art qu'a rendue Saladin ou Migeon, une conversation avec M. Massignon, quelques lignes d'une lettre de M. Ladreit de Lacharrière. Nous avons voulu suivre en partie les itinéraires de Foucauld et de Segonzac, reconstituer, ordres originaux en mains, les principaux combats qui ont assuré l'Algérie à la France; et au Maroc nous avons été acteur du drame.

Nous ne redoutons donc pas d'encourir le reproche de compilation. Ce travail est de tous ceux que nous avons publiés, celui pour l'élaboration duquel les recherches personnelles ont dû être le plus poussées; études locales, mois de vie dans le bled, missions équipées, nous ne les comptons plus. Chaque jour, pendant des années, une observation de détail est venue se placer dans le cadre d'ensemble.

Mais cette manière de concevoir et de composer notre œuvre nous a imposé l'obligation, à laquelle nous nous étions jusqu'ici soustrait, des renvois sans nombre. Le texte ne peut se charger de toutes les indications. Au bas des pages nous accumulons les références, nous donnons les citations, nous discutons les opinions. Cela simplifiera beaucoup les recherches de ceux qui creusent à fond les problèmes. Cela alourdira singulièrement le livre pour ceux qui se contentent de vulgarisations. Aussi, en publiant ce premier tome, entrevoyons-nous l'obligation possible de condenser ultérieurement notre œuvre en un petit livre, de ceux qu'on emporte en wagon ou sur les paquebots.

Dans l'introduction générale qu'il nous a paru indispensable de placer en tête de ce premier tome, dans le résumé général que nous avons esquissé de l'histoire de la Berbérie, et dans l'étude, insuffisante certes, mais consciencieuse que nous avons consacrée à la race autochtone, puissions-nous n'avoir omis aucun des problèmes devenus classiques et n'avoir laissé dans l'ombre aucun des aspects sous lesquels se présentent aujourd'hui les questions nord-africaines.

En feuilletant ce volume, on trouvera traités avec quelque ampleur et d'après les auteurs les plus estimés de nombreux points qui sont les uns définitivement hors de discussion, les autres encore controversés. Citons parmi ces sujets, qui ont été particulièrement approfondis, l'énigme des origines berbères, l'influence de Carthage sur la Berbérie, l'organi

sation militaire et administrative, la valeur économique de l'Afrique romaine, les mœurs des Touareg.

Souvent aux conclusions de ces auteurs, avons-nous pu apporter la contribution de nos recherches patientes. C'est grâce à ces recherches que nous avons pu préciser la répartition géographique des Berbères, les caractères de la race berbère, les modes de vie des Zaian et des populations du Moyen-Atlas marocain, les transformations dont la grande Kabylie est le théâtre.

Quant aux idées personnelles que nous avons cru pouvoir émettre, aux thèses originales que nos études nous ont conduit à développer, bornons-nous dans cette préface à souligner les principales: loi de la progression numérique des capitales de l'antiquité; essai de dénombrement des Romains de Berberie; essence et valeur de l'esprit d'indépendance de la race autochtone; classification des phases militaires de la conquête de l'Algérie par la France; mode d'action de la France au Maroc; rôle des femmes dans la diffusion ou la non diffusion du christianisme en Berbérie; origine des Mozabites; origine des confédérations du Tadla; évolution des Ait Roboa; manière dont se pose présentement la question Berbère.

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Un travail de cette nature ne peut être conduit à son terme que si l'effort persévérant qu'il exige est compris et encouragé. Je remercie tous les amis français et indigènes qui m'ont fourni de précieux renseignements. Et l'hommage respectueux de ma gratitude va à ceux qui m'ont puissamment aidé : le Résident général de France au Maroc, le Maréchal Lyautey, qui m'a vivement poussé à écrire « Tadla-Pays Zaian Moyen-Atlas » livre qui est en quelque sorte un avant-propos de celui-ci; M. Steeg, Gouverneur général de l'Algérie et M. Lucien Saint, Résident général en Tunisie qui ont bien voulu retenir la première édition du « Problème Nord-Africain ».

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Je n'aurai garde d'oublier la Société de Géographie d'Alger qui a publié dans ses bulletins quelques chapitres de mon œuvre, ni les bibliothèques, les administrations, etc., qui en France et en Afrique du Nord, accueillent si aimablement ce volume.

Ces encouragements me sont une récompense bien douce et me créent une obligation à laquelle je m'efforcerai de satisfaire, celle d'être digne d'eux.

LIVRE PREMIER

Introduction générale aux études Nord-Africaines

I. — Il faut aimer l'Afrique du Nord

Alger, mai 1914.

On a dit : « Il faut aimer l'Afrique du Nord ».

Ce conseil ne peut s'adresser qu'aux Français qui n'ont jamais foulé le sol africain. Car celui qui aborde sur la terre fortunée en subit instantanément le charme. Numidie, Maurétanie, Ifrikia, Maghreb, toutes les parties de ce continent, à toutes les époques, ont exercé sur les hommes qui l'ont habité la même influence puissante et certaine.

Ne nous représentons pas l'Afrique du Nord comme une vaste région uniformément chaude ou douce, comme un immense jardin des Hespérides, comme un infini bosquet de fécrie. C'est un ensemble fait de parties disparates, aux climats divers, aux végétations variées où l'altitude, la pluie, les vents, les effluves marins, créent mille cantons ; des sommets neigeux dépassent quatre mille mètres, de larges étendues sont soumises à des froids rigoureux. Mais sur ces vallons et ces plateaux, ces rivages et ces montagnes, ces forêts de liège et ces dunes de sable, ces orangeries d'or et ces déserts de jujubiers, sur cette mer bleue, sur ces lits d'oueds asséchés, sur les touffes d'alfa et de diss, sur les pins d'Alep, sur les champs d'orge, sur les roches nues, sur les oliviers, sur les vignes, sur les douars, sur les villes blanches, sur les minarets une même lumière éblouissante tombe et magnifie les choses, les faisant chatoyer et resplendir si intensément que quiconque découvre pour la première fois cette splendeur, s'arrête ébloui et récite les strophes de quelque hymne au soleil.

L'ensorcellement d'Afrique est d'abord une folie de lumière.

Elle est si pure, si harmonieuse, si constante, elle pénètre si profondément dans la chair et double si vite l'acuité des sens, la lumière d'Afrique... Et des yeux trouve un chemin sûr vers le cœur.

On aime donc l'Afrique, on l'aime pleinement, on y ressent si bien la joie de vivre. On aime l'existence davantage quand elle s'écoule en un tel pays. Existence qui, d'ailleurs, est souvent désordonnée. Car la nature africaine est pleine de contrastes. Des passions ardentes, une agitation frénétique, le tumulte des foules qui grondent, l'oubli à l'ombre d'un vieux mur, l'amen murmuré à une fatalité qui courbe l'être, un détachement presque complet de la vie. Des bestialités ataviques qui surgissent du profond des âges et de l'âme, des idées très modernes qui parfois déconcertent; une totale absence de scrupules et toutes les superstitions; une foi religieuse qui fait les martyrs, un scepticisme inattendu ; le grouillement des villes et des souks, l'immobilité des plaines vides; la licence des rues, les pudeurs coraniques, les ripailles et la sobriété...

Ces contrastes on ne les saisit pas au premier regard; et quand on en a pris conscience, on les oublie. Car, malgré qu'ils soient vifs, ils s'unissent en une synthèse, on pourrait même écrire en une harmonie, mais le terme est un peu exagéré. Du moins, peut-on affirmer que ce qui est paraît naturellement devoir être ; l'Afrique du Nord tire son caractère original de cette bigarrure ordonnée. C'est un tapis multicolore qu'on a plaisir à regarder et à toucher, un tapis qu'on aurait dessiné à Khénifra, teint au Mzab et étoffé à Kairouan. Les arabesques y sont autant de petites figures géométriques et les tons s'y multiplient, mais loin de se heurter, lignes et nuances se fondent en un tout aussi agréable que riche.

A ce climat, à cette vie, le Français s'adapte facilement, et non seulement celui du midi que son tempérament méditerranéen prédispose à s'installer et à faire souche en Afrique du Nord ; mais celui du centre, du nord, l'Alsacien qui n'a pas voulu en 1871 devenir Allemand. Quant à l'Italien, qui fuit sa presqu'île surpeuplée, l'Espagnol qui abandonne une province pauvre, ils travaillent sur un continent à peine différent de celui qu'ils ont quitté. Car l'Algérie, et c'est une idée qu'il faut toujours avoir présente à l'esprit, la Tunisie et le Maroc sont déjà des terres d'Afrique, mais ce sont encore des terres sud-européennes.

Ces colonies ne sont pas vraiment des colonies. C'est une France -autre certes que la métropole mais c'est une France encore et si rapprochée quand on songe aux autres possessions, à Madagascar, à l'Indo-Chine. Si rapprochée, car il n'y a que huit cents kilomètres de

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