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tagne déjà installés, Bekrit, Itzer; en partant de la Haute-Moulouya. Et ces poussées convergentes venues de l'ouest, du nord et de l'est produisent de bons résultats. Le Général Theveney, par une politique habile et des coups de force répétés a, de 1917 à 1920, désagrégé le bloc ennemi et obtenu ce succès considérable à l'été de 1920 qu'est la soumission de presque tous les Zaïan. La création de postes sur l'Oum er Rbia, Zaouïa Ech Cheik, Dechra el Oued, Ouaoumane, Aït Ishaq, Tajmout, Mesghouchène, El Bordj a fourni une nouvelle base de départ pour la progression en pays Ichqern, Ishaq et Yhand. Le Général Poeymirau a de 1920 à 1922 renforcé son organisation Bekrit et Itzer et fait manœuvrer les colonnes venus de la Moulouya.

Les colonnes venus de Meknès et de Ksabi (général Theveney) continuent en 1922-1923 à travailler en haute Moulouya. Le Colonel Freydenberg, puis le Colonel Grasset avec le groupe mobile du Tadla parcourent le pays Ichkern, Yhand, la région d'Ouaouizert. Le Général Daugan, disposant des forces de Marrakech complète cette œuvre de prise de possession et de pacification. Si bien qu'au début de 1924 on peut considérer la question comme à peu près réglée sur ce théâtre d'opérations. Il n'est plus que d'exécuter quelques opérations secondaires.

L'heure est proche, où le Moyen Atlas étant soumis, tout le Maroc dit utile pourra être considéré comme conquis et où notre mission ne sera plus que police et organisation. Alors seulement nous pourrons songer à faire œuvre de pénétration saharienne et à joindre la Mauritanie, le Touat et le Tafilalet par une série de postes et de pistes.

LIVRE III

LES BERBÈRES

CHAPITRE V

RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES BERBÈRES

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I. Les Lois de la Répartition actuelle

des Berbères

I. Considérations générales.- Un fait indiscutable frappe le voyageur qui aborde en Afrique du Nord et parcourt le pays : à mesure qu'il avance de l'est vers l'ouest, de Tunis vers Rabat, il rencontre des populations indigènes de plus en plus guerrières et de moins en moins religieuses (1). S'il n'a pas, au préalable, étudié avec quelque soin les hommes et les choses de l'Afrique Septentrionale, il a peine à s'expliquer ce fait ; et il lui semble qu'il relève et qu'il précise à chaque étape de son voyage une contradiction flagrante. Car la plupart des Français vivent dans cette conviction que la foi religieuse de l'Islam, qui fait mépriser le chrétien, le roumi, a pour corollaire inévitable l'ardeur belliqueuse, la résistance à l'action étrangère. Et il est bien certain que fanatisme coranique et vigueur guerrière sont sentiments inséparables dans une âme vraiment musulmane (2).

Rencontrer à mesure que l'on marche des Syrtes vers la côte Atlantique des populations dont l'austérité musulmane tiédit, alors que s'accroît leur indépendance farouche serait donc une contradiction flagrante et inexplicable, si les tribus étaient arabės. Mais on possède la clé du mystère, dès que l'on se rappelle qu'une grande partie des indigènes nord-africains sont Berbères et que des traits fondamentaux

(1) Il demeure bien entendu que cette loi n'est vraie qu'en tant que loi générale; elle peut subir et elle subit des exceptions locales qui ne l'infirment nullement.

(2) Comparer introduction générale, § VIII et volume II « Les Arabes ».

du tempérament berbère sont une quasi indifférence en matière religieuse et un attachement obstiné au sol natal indépendant.

La contradiction apparente cesse dès lors d'exister si l'élément arabe diminue et si l'élément berbère augmente quand on passe de Tunisie en Algérie et d'Algérie au Maroc. Et c'est ce qui se produit effectivement (1).

Si ces considérations générales sont présentées au début même de ce chapitre, c'est qu'elles ont été le point de départ des recherches de l'auteur, le premier anneau de la chaîne qu'il a forgée et que logiquement donc elles devaient figurer en exorde de son exposé.

Les lois actuelles de la répartition géographique des Berbères seraient incompréhensibles si on ne faisait appel pour les exposer qu'à l'histoire ou qu'à la géographie. Il faut pour les suivre et les expliquer, constamment éclairer l'histoire par la géographie et la géographie par l'histoire (2).

II. Les Berbères n'existent actuellement qu'en Afrique du Nord. L'étude de l'histoire nord-africaine montre que quelle que soit l'origine des populations nord-africaines, on les trouve de toute antiquité établies dans le pays compris entre la Cyrénaïque et son désert à l'est, l'Atlantique à l'ouest, la Méditerranée au nord et les confins sahariens du Niger-Sénégal au sud; que c'est dans les parties facilement habitables, c'est-à-dire septentrionales de ce vaste pays que ces populations ont acquis leurs caractères constitutifs ; et qu'elles y ont formé un peuple, un et défini, si bien adapté à la région, que la région et la race doivent porter le même nom.

Il est possible que d'autres Berbères aient existé dans l'antiquité. Mais ou ils ont disparu et c'est le cas des races qui ont peuplé l'Atlantide; ou ils ont évolué de manière à ne plus ressembler du tout aux Berbères d'aujourd'hui et c'est le cas des descendants des anciens Cananéens qui pourraient encore se trouver en Syrie et en Palestine.

Il est certain que des Berbères sont, en grand nombre, allés en Espagne. Mais presque tous en sont revenus à la fin du Moyen-Age; et ce qui a pu subsister en Ibérie de l'élément ethnique nord-africain,

(1) Sauf dérogation à la loi, notamment dans la province d'Oran.

(2) C'est une nécessité dont on se convainc aisément à mesure que l'on avance dans l'étude démographique. Et c'est pourquoi ce chapitre est présenté immédiatement après l'étude historique de la Berbérie, et avant toute monographie des populations berbères.

s'est fondu dans la race espagnole, d'ailleurs assez rapprochée de la race berbère (1).

Nous ne croyons pas qu'il faille s'arrêter à examiner l'hypothèse d'après laquelle (2) les Berbères seraient originaires de l'Inde et se rattacheraient encore à leur berceau par une chaîne continue de tribus de même origine : ni les îlots signalés comme Berbères en Nubie, ni ceux qui subsisteraient sur la côte des Somalis, ni ceux d'Arabie ne présentent aujourd'hui les caractères ethniques qui donnent à la race berbère de l'Afrique du Nord sa personnalité.

Nous sommes donc en droit de conclure que dans l'antiquité il a pu exister des Berbères ailleurs qu'en Afrique du Nord et que très certainement des groupes berbères importants ont, au Moyen-Age, quitté leur foyer nord-africain. Mais on peut affirmer que la race berbère n'existe à l'heure actuelle qu'en Afrique du Nord, sa vraie, son unique patrie, le pays où elle s'est constituée comme en un moule et a acquis son individualité.

III. lois?.

La répartition géographique des Berbères obéit-elle à des — On peut répondre oui et nous en établissons cinq.

Première loi : « Toutes les régions montagneuses de l'Afrique du Nord sont berbères». Quand l'invasion hilalienne s'est propagée, les Berbères ont du céder du terrain et ils se sont retirés dans les massifs montagneux. A celà trois raisons : il est plus facile de se défendre dans les zones tourmentées que sont les montagnes ; les Berbères avaient déjà utilisé ces réduits contre les envahisseurs des anciens âges et notamment contre les Arabes du septième siècle; les Arabes, peuple nomade et pasteur, recherchent les plaines et les hauts-plateaux et ne devaient pas poursuivre les Berbères dans ces bastions élevés.

Effectivement les Arabes n'ont jamais cherché à inquiéter sérieusement les Berbères montagnards. Quelques fractions arabes se sont bien avancées d'est en ouest par la région difficile de Collo-Djidjelli, mais elles n'y ont guère fait tâche d'huile et d'ailleurs ces régions, bien qu'assez chaotiques, ne sont pas parmi les plus inaccessibles. De même on trouve quelques îlots arabes en Grande Kabylie, mais ils n'ont qu'une importance secondaire.

Certaines régions montagneuses, ou très élevées, ou très difficiles ont une importance exceptionnelle dans l'histoire berbère. Ce sont :

(1) Sans cependant que les traits communs soient très accusés,

(2) Voir ci-dessus, ch. I p. 104.

1o Le Djebel Nfous. Très certainement si la race berbère est autochtone, le Djebel Nfous est un de ses berceaux. Il a pu être source commune des Zenata, des Leouata, des Azuagues. Que de migrations sont parties de ce massif! Il n'a jamais été entamé et aujourd'hui encore est un centre berbère très particulier, très particulariste.

2o L'Aurès, qui n'est à vrai dire que le prolongement ouest du Djebel Nfous, qui joue un rôle essentiel dès les origines, patrie de Ksila et de la Kahina, source de multiples flots déversés en tous sens, kasbah inviolée des indépendants, aujourd'hui encore sommet culminant du Moghreb oriental, farouche, inquiétant et sans routes.

3o Le Riff, identique à lui-même depuis les origines historiques et qui demeure la seule zone d'indépendance nord-africaine au vingtième siècle; le Riff peuplé et laborieux, le Riff inaccessible.

4o Le Grand Atlas Marocain, domaine des Chleuh, des Masmouda patrie de grands hommes de la Berbérie, d'Ibn Tounmert, berceau de dynasties; dont les cantons inconnus se rétrécissent de jour en jour, mais qui sera resté l'un des derniers foyers de l'indépendance berbère.

Deuxième loi : « Il existe dans les plaines de nombreux îlots berbères. >> Toutes la Berbérie appartenait au septième siècle aux Berbères. Tous n'ont pas été uniformément rejetés par les Arabes dans les régions montagneuses. Et nombre de ceux qui avaient cherché refuge dans les zones tourmentées ont eu tendance à se répandre à nouveau, peu à peu, sur les hauts-plateaux, dans les plaines et les vallées. La race berbère est prolifique. Elle a donc besoin de place au soleil. Le long développement historique qui a rendu le pouvoir aux dynasties locales et l'a maintenu pendant cinq siècles entre leurs mains permettait aux autochtones ces reprises partielles sur les envahisseurs.

Il ne faut donc pas a priori dire toutes les plaines et tous les hauts plateaux sont arabes. L'erreur serait certaine.

:

Troisième loi « Cette répartition est surtout la conséquence des luttes séculaires.» Cette loi n'a besoin d'être ni démontrée ni expliquée, les cent pages qui précèdent l'ont établie et commentée.

Quatrième loi «L'évolution historique a créé un tel mélange des races qu'il faut étudier avec soin une région avant de la déclarer arabe ou berbère. » Treize siècles de contact ont créé entre race arabe et race berbère des mélanges, des pénétrations qui, à la longue, ont une efficacité certaine. Des tribus arabes se sont berbérisées, des tribus berbères se sont arabisées. Ou tout en gardant leur caractère ori

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