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fita de l'ascendant que le gouvernement turco-égyptien avait pris, pour se rendre à Damas afin de conduire à Baghdad le khalife El-Hakem, oncle d'El-Mostâcem. Il donna alors le commandement des Arabes de la Syrie à Eiça, fils de Mohenna, fils de Manê, et lui assigna plusieurs fiefs sous la condition qu'il veillerait à la sûreté des voyageurs. Sur la demande d'Eiça, il emprisonna le cousin de celui-ci, Zamel, fils d'Ali, fils de Rebiâ, de la famille d'Ali. Pendant tout le temps de son administration, Eiça sut maintenir la tranquillité dans le pays où il commandait et réprimer l'esprit de brigandage qui animait les Arabes. 11 tenait ainsi à leur égard une conduite tout opposée au système d'indulgence qu'avait suivi son père. En l'an 679 (1280-1), Soncor-el-Achkar se réfugia auprès de lui, et ce fut alors qu'ils écrivirent à Abagha [khan des Moguls de la Perse], pour le pousser à la conquête de la Syrie. Eiça mourut en 684 (1 285-6), et son fils Mohenna le remplaça par l'ordre d'El-Mansour-Calaoun [le septième des sultans Mamlouks]. Plus tard, quand [El-Mélek] el-Achref, fils de Calaoun, se rendit à Emesse en Syrie, Mohenna, fils d'Eiça, vint le trouver avec plusieurs membres de sa famille. El-Achref l'ayant aussitôt fait arrêter, ainsi que son fils Mouça et ses frères, Mohammed et Fadl, les envoya tous en Egypte. Ils y restèrent prisonniers jusqu'à l'an 694 (1294-5), quand El-Adel-Ketbogha monta sur le trône et leur rendit la liberté. Mohenna s'en retourna alors au poste qu'il avait déjà occupé. Pendant le règne d'El-Mélek-en-Nacer, il se montra, alternativement, l'ami des Tatars de l'Irac et du gouvernement égyptien: il n'assista même pas à aucun des combats que les Mamlouks livrèrent à Ghazan [le sultan tatar]. En l'an 740 (1340-4), Cara-Soncor, accompagné d'Acouech-el-Afrem et leurs partisans, se réfugia chez Mohenna, après s'être mis en révolte, et il passa ensuite à la cour du souverain tatar, Khorbenda. Depuis lors, Mohenna resta au milieu de ses nomades sans oser paraître devant le sultan égyptien dont il redoutait la colère. En l'an 712, son frère Fadl alla présenter ses devoirs au sultan, et en récompense de cette démarche, il obtint sa nomination au commandement des Arabes. Dès-lors, Mohenna se vit repoussé

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par toutes les tribus, et en l'an 746, il alla trouver Khorbenda, roi des Tatars. Ce monarque lui fit un accueil très-gracieux et le gratifia d'un fief situé dans l'Irac. Cette même année, Khorbenda mourut, et Mohenna, ayant rejoint ses tribus, chargea ses fils Ahmed et Mouça, de se rendre, avec leur oncle MohammedIbn-Eiça, à la cour d'El-Mélek-en-Nacer et de présenter à ce sultan l'humble soumission de leur père. En-Naçer les reçut trèsbien et leur assigna un logement dans le château appelé El-Casrel-Ablac. Les ayant alors comblés de faveurs, il leur accorda la grâce de leur père auquel il rendit le commandement des Arabes et le fief dont il avait joui. Cette même année, je veux dire l'an 717, Eiça, fils de Mohenna, accompagné de son frère Mohammed et de plusieurs autres membres de la famille Fadl, firent le pèlerinage de la Mecque, emmenant avec eux douze mille chameaux chargés. Mohenna retomba bientôt dans son habitude de courtiser les Tatars et de faire des incursions sur les terres de la Syrie. Le sultan, voyant que ces désordres ne s'arrêtaient pas, en fut tellement courroucé, qu'en l'an 720, lors de son retour du pèlerinage, il ordonna à ses lieutenants en Syrie, d'expulser de ce pays tous les membres de la famille Fadl et de les y remplacer par leurs collatéraux de la famille Ali. De cette. manière, Mohammed-Ibn-Abi-Bekr reçut le commandement des Arabes et obtint, pour lui et les siens, tous les fiefs que le gouvernement égyptien avait concédés à Mohenna et à ses fils. Mohenna resta en disgrâce jusqu'à l'an 731 (1330-1), époque à laquelle il se rendit auprès du sultan, avec la suite d'El-Afdel, fils d'El-Mouwéïd et seigneur de Hamah. Ce fut par l'intercession de ce protecteur, qu'il obtint son pardon et rentra en possession de ses fiefs et de son commandement.

Un grand émir égyptien qui vit Mohenna lors de cette visite, (ou qui en avait entendu parler), m'a raconté que cet Arabe refusa tous les cadeaux du sultan, et qu'il avait amené avec lui plusieurs chamelles pour se nourrir de leur lait. Il s'abstint même de rendre visite aux grands officiers de l'empire, ou de faire la moindre sollicitation auprès d'eux.

Mohenna alla ensuite retrouver ses tribus, et mourut en l'an

734. Son fils Modaffer-ed-Dîn-Mouça, lui succéda et mourut en 742 (1341-2), quelque temps après la mort d'El-Mélek-enNacer. Il eut pour successeur son frère Soleiman. Celui-ci mourut en 743, et son cousin paternel, Chérif-ed-Dîn-Eiça, fils de Fadl, fils d'Eiça, lui succéda. Chéref-ed-Din mourut à El-Kirietein 1, en l'an 744, et fut enterré auprès du tombeau de KhaledIbn-el-Ouélîd. Son frère Seif, fils de Fadl, le remplaça dans le commandement des Arabes nomades. En l'an 746 (1345–6), le sultan d'Égypte, El-Kamel, fils d'En-Nacer, remplaça Seif par Ahmed, fils de Mohammed, fils d'Eiça. Seif réunit alors du monde [afin d'attaquer son successeur], mais ses troupes furent mises en déroute par Féïad, fils de Mohenna. Le commandement passa ensuite à Ahmed, fils de Mohenna, que le sultan Hacen-enNacer nomma à cette dignité afin de mettre un terme à ces dissensions. Ceci se passa à l'époque où ce prince était encore sous la tutelle de Beibogharous 2, et pendant le premier de ses deux règnes. Ahmed, fils de Mohenna, mourut en 749 et eut pour successeur son frère Feïad. Celui-ci mourut en 762 (4360-4). Le sultan Hacen-en-Nacer, qui régnait alors pour la seconde fois, nomma Kheiar, un autre fils de Mohenna, à la place vacante. Kheiar se révolta en 765 et resta deux années dans le Désert sans vouloir reconnaître l'autorité du sultan; puis il se fit réintégrer dans son commandement par l'intercession du vice-roi de Hamah. En l'an 770, il se révolta de nouveau; et, d'après l'ordre du sultan El-Achref, il fut remplacé par son cousin paternel Zamel, fils de Mouça, fils d'Eiça. L'émir déposé se rendit alors aux environs d'Alep, et ayant réuni autour de lui les Beni-Kilab et d'autres tribus, il se mit à ravager ce pays. Le gouverneur d'Alep, Cochtémir-el-Mansouri, marcha à sa rencontre, et s'étant avancé jusqu'à l'endroit où Kheiar avait dressé son camp, il enleva les troupeaux des Arabes et se porta vers leurs tentes.

1 El-Kirietein, station sur la route qui mène de la Mecque à Deraïa, est située à 94 lieues de la première de ces villes. Khaled-Ibn-el-Quélîd fut enterré près d'Emesse.

2 Voy. Deguignes, Histoire des Huns, t. v, p. 223.

Ceux-ci, voulant l'arrêter, se battirent en désespérés et finirent par culbuter ses troupes. Dans cette affaire, Cochtémir et son fils perdirent la vie; le premier ayant reçu la mort de la main de Nâir [fils de Kheiar]. Kheiar, s'étant ainsi mis en révolte ouverte, passa dans le Désert, et El-Achref confia le commandement des tribus arabes à Moaïkel, fils de Fadl-Ibn-Eiça et cousin paternel du chef insurgé. En 771 (1369-70) Moaïkel envoya son chambellan auprès du sultan pour solliciter la grâce de Kheiar. Le sultan consentit à oublier ce qui s'était passé, et en l'an 775, quand Kheiar se présenta à la cour, il lui pardonna tout et le réintégra dans le commandement. Kheiar mourut en 777 et eut pour successeur son frère Cara. Celui-ci mourut en 781 (1379). Sa place fut remplie par deux chefs à pouvoirs égaux : Moaïkel, fils de Fadl, fils d'Eiça, et Zamel, fils de Mouça, fils d'Eiça, fils de Mohenna; mais l'année même de leur nomination, ils furent remplacés par Nâir, fils de Kheiar, fils de Mohenna.

Le véritable nom de Nâir était Mohammed; il exerce encore aujourd'hui le suprême commandement chez les Al-Fadl et chez toutes les tribus taïennes de la Syrie.

Le sultan El-Mélek-ed-Daher-Bercouc avait pour habitude, chaque fois que Nair le mécontentait, de lui susciter un rival dans la personne de Mohammed, fils de Cara et cousin de Nâir. L'insubordination et la désobéissance de Nâir se prolongèrent encore, et le sultan, ayant reconnu que Mohammed, fils de Cara, connivait à cet état de choses, lui retira sa faveur et le remplaça dans le commandement des Arabes par Mouça, fils d'Assaf, fils de Mohenna. Nair, ayant été rejeté dans le Désert, sans avoir les moyens de nourrir ses partisans, vit leur nombre diminuer en même temps que ses propres ressources. Tel est encore l'état où il se trouve aujourd'hui.

Revenons maintenant aux autres tribus de cette catégorie.

Toute la tribu d'Amer-Ibn-Sâsâ demeurait dans le Nedjd; celle de Kilab occupait El-Hamaserïa et Er-Rébeda, localités des environs de Médine; la tribu de Kâb-Ibn-Rebiâ se tenait entre le Tihama de Médine et la Syrie; celle de Hilal-Ibn-Amer, ha

▲ Tihama est un nom générique employé pour désigner les régions

bitait la plaine qui sépare Taïf du mónt Ghazouan', et, la tribu de Nomaïr-Ibn-Amer demeurait avec celle de Hilal. On compte dans la même catégorie la tribu de Djochem qui habitait le Nedjd.

Lors de la promulgation de l'Islamisme, toutes ces tribus passèrent en Mésopotamie : les Nomaïr prirent possession de Harran et de la contrée voisine; les Hilal se fixèrent en Syrie et continuèrent à y demeurer jusqu'au moment où ils émigrèrent dans le Maghreb 2; événement dont nous aurons bientôt l'occasion de parler. Toutefois, une fraction de la tribu de Hilal resta dans la montagne où se trouve le château de Sarkhad 3 et qui porte encore le nom de Montagne des Beni-Hilal. Elle s'y adonna principalement à la culture de la terre. La tribu de Kilab-Ibn-Rebiâ s'empara du territoire et de la ville d'Alep, comme nous venons de le dire. Quatre branches de la tribu de Kâb-Ibn-Rebiâ entrèrent en Syrie, savoir: Ocaïl, Cochaïr, el-Harîch et Djâda. Trois d'entre elles s'éteignirent dans les temps islamiques; IbnHazm, en parlant de celle d'Ocaïl, la quatrième, dit qu'elle égalait en nombre toutes les tribus moderites prises ensemble. Les BeniMocalled, une famille de cette tribu, prirent possession de Mosul, ville où la famille de Hamdan et celle de Taghleb avaient déjà régné. Elle demeura maîtresse de Mosul et de ses environs, ainsi que d'Alep, jusqu'à l'époque où elle perdit sa puissance et reprit la vie nomade. Alors elle s'empara de plusieurs territoires situés de tous côtés, se faisant l'héritière des Arabes bédouins, les anciens propriétaires. C'est de la tribu d'Ocaïl que la famille d'El-Montafic tire son origine. Amer, le père d'El-Montafic, était

situées entre la Mer-Rouge et la chaîne de montagnes et hauts plateaux qui s'étendent depuis le Yémen jusqu'à Yenbô.

La ville de Taïf est située à trois journées est de la Mecque. La petite plaine sablonneuse dans laquelle elle s'éleve est entourée par une chaîne de collines nommée Ghazouan.

2 L'auteur aurait dû écrire jusqu'au moment où ils commencèrent l'émigration qui les conduisit dans le Maghreb.

3 Sarkhad, ville du Hauran, territoire de la province de Damas, est située à dix journées de Baghdad (Aboulfeda.)

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