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<< Ces Maures passent leur vie, été comme hiver, dans d'étroits » gourbis, d'où ne les chassent ni l'accumulation des neiges, nj » les ardeurs du soleil, ni les autres inconvénients naturels du » lieu. Ils couchent sur le sol, s'estimant heureux s'ils peuvent » y étendre une peau. Ils n'ont pas l'habitude de changer de » vêtements suivant les saisons; un grossier surtout, une tunique » à longs poils, forment leur garderobe à perpétuité. Ils ne » consomment ni pain ni vin, ni aucun des aliments de l'homme. » A l'exemple des autres animaux, ils se nourrissent de blé, de » petit épeautre, d'orge non cuit, non réduit en farine ou en » polenta, mais tels que la nature les produit. »

En somme, le pays est si pauvre et les habitants si rudes, que Pharas, dans une lettre à Gélimer, peut hasarder cette comparaison: at quis non malit inter Romanos egestatem cum servitute pati quam Pappuae et l'auris vel imperare.

Après bien des souffrances et des humiliations, Gélimer finit par comprendre qu'en effet, il vaut mieux vivre pauvre et en servitude chez les Romains, que de commander au Mont Pappua et aux Maures qui l'habitent, et il se décide à se remettre entre les mains de l'envoyé de Bélisaire.

Maintenant que les textes ont passé sous les yeux du lecteur, nous avons des bases solides pour établir un commentaire.

On a vu que la retraite de Gélimer était dans la partie extrême de la Numidie, par rapport à ses ennemis, qui venaient de l'Est. C'était donc auprès de la frontière occidentale. Or, comment appliquer cette désignation si positive au Mont Edough, qui est à plus de quarante lieues de cette même frontière?

Si l'on prenait, même, dans un sens rigoureux le nom de Maures que Procope donne aux indigènes chez lesquels Gélimer s'est refugié, ceux-ci auraient appartenu à la Mauritanie, non à la Numidie; et il faudrait, dès-lors, chercher leur pays au-delà de l'Ampsaga (oued el-Kebir), mais tout près de ce fleuve limite.

D'un autre côté, si l'on réfléchit que l'Edough est aux portes d'Hippone, cette ancienne ville royale (Regius), demeurée une cité importante, on comprendra difficilement que des indigènes aient pu persister à l'état de véritables sauvages, à deux pas d'un aussi grand centre d'influence romaine.

L'argument que M. Dolly emprunte à la halte de Bélisaire à Hippone, pour en conclure que le Mont Pappua devait être tout près de là, n'a pas la valeur qu'il lui attribue; et Procope donne à cette halte son véritable sens, lorsqu'il dit que le général ne voulut pas engager ses troupes en hiver, dans un pays de montagnes, ni laisser loin derrière lui Carthage, où planait encore quelque incertitude sur les affaires de la conquête. Car, si le Pappua eût été le Mont Edough, le général Byzantin pouvait très bien pousser sa pointe, ayant si peu de distance à parcourir; mais dans, l'hypo

thèse que j'adopte, on conçoit très-bien qu'il n'ait pas voulu se lancer vers la frontière occidentale, qui était encore fort éloignée d'Hippone.

Mais, M. Dolly qui, à propos de cette discussion, donne d'intéressants détails archéologiques inédits sur l'Edough, dit avoir trouvé dans cette montagne un mľ’ag Djelimini, nom qui semble s'appliquer au confluent de deux rivières: est-ce une raison d'en conclure que là, devait être la retraite de Gélimer ? Ces sortes d'analogies de sons dans les mots ne signifient quelque chose, que s'il y a un commencement de preuve d'autre part. Si done les habitants de l'endroit déclarent ne pas connaître le sens de cette désignation hydrographique, genre d'ignorance dont les indigènes donnent d'ailleurs tant de preuves, j'aime mieux répéter, après eux, je ne sais pas, que d'accepter ce génitif latin arrivan à la suite d'un mot arabe, en pays berber.

On aura remarqué, que M. Dolly admet le nom de Medenos pour la bourgade où Gélimer s'est réfugié, et dont Procope déclare qu'elle n'a pas de nom. Au fond, les deux opinions ne se contredisent qu'en apparence, car Medenos rappelle le Medina (ville) des arabes, que les kabiles ont berbérisé sous la forme de Tamedint. Or, une cité qui s'appellerait ville tout court, pourrait bien être considérée comme n'ayant pas de nom (1).

En somme, le but que j'exposais, au commencement de cet article se trouve atteint, puisque voici la lutte engagée sur la question de synonymie du Mont Pappua. J'espère que de nouveaux athlètes se mêleront au combat, et que la lumière se fera enfin pleinement sur ce point de géographie comparée. C'est cet espoir, je le répète, bien plus que le désir de défendre mon opinion, contre les attaques courtoises de M. Dolly qui m'a mis la plume à la main.

A. BERBRUGGER.

Pour tous les articles non signés
Le Président,

A. BERBRUGGER

(1) Beaucoup de noms arabes, ou ayant la forme arabe, figurent dans la nomenclature géographique de ce pays, même avant l'invasion arabe; ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans des détails sur cette particularité, d'ailleurs assez connue de tous ceux qui s'occupent d'histoire africaine.

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Nous venons de voir que, sous Auguste, les appels de tous les tribunaux des provinces étaient portés au préfet de Rome. Quand, par la suite, on créa plusieurs préfets du prétoire, aptes à recevoir ces appels, le préfet de Rome ne conserva que ceux des sentences portées par les préteurs de la ville. L'empereur d'Orient donna au préfet de Constantinople une autorité proportionnellement plus grande que celle dont jouissait le préfet de Rome, en statuant que, des sentences des gouverneurs d'un certain nombre de provinces de cet empire, on pût en appeler à ce magistrat.

D'après un édit de l'empereur Valens, l'appel des provinces qu'on nommait suburbaines ou suburbicaires était porté au préfet de Rome; celui des autres provinces allait à la préfecture du prétoire dont chacune de ces provinces dépendait. Lorsque Valentinien III eut partagé avec Giseric (Genséric), premier roi des VanRevue Afric. 7° année, n° 37-38.

dales, les provinces d'Afrique, il ordonna que, de celles qu'il s'était réservées, savoir : la Numidie et les deux Mauritanies (Sitifienne et Césarienne), les appels fussent portés au préfet de Rome :

<< Recepit scil. Augustus, dit Morcelli d'après Prosper et Cas» siodore, præter Tingitanam, quæ jam Hispaniensis provincia erat, » Cæsariensem etiam et Sitifensem Mauritaniam, ac Numidiæ item » partem reliqua tyranno cessere..... »

Si la juridiction du préfet dn prétoire était souveraine et sans appel (1), celle des préfets de Rome et de Constantinople n'était pas moins étendue. Ces derniers étaient, en affaires criminelles, les juges des sénateurs, en s'adjoignant cinq anciens fonctionnaires, dont les noms étaient tirés au sort. Ils connaissaient des plaintes des esclaves contre leurs maîtres, de celles des mineurs contre leurs tuteurs. En un mot, ces hauts magistrats, qui rendaient la justice, punissaient les citoyens sans appel et réunissaient en leurs personnes la plupart des attributions de la préture et de l'édilité (2), avaient aussi le pouvoir de condamner à la déportation, droit dont les préfets du prétoire et un vicaire (celui-ci par exception spéciale) jouissaient seuls avec eux. Moins liés par la loi ou le jus que les préteurs, avec lesquels ils partageaient la juridiction, et plus longtemps en place, ils jouissaient de plus d'autorité que ceux-ci. Au Sénat et dans l'enceinte de Rome ou de Constantinople, ils prenaient rang avant le préfet du prétoire, — << car, dit le Code théodosien, Præfectura autem urbis cunctis quæ intra urbem sunt, antecellat potestatibus; mais, partout ailleurs, ils lui cédaient le pas.

(1) Præfecti prætorio, dit un commentateur, qui legum condendarum potestatem habebant, dummodo generalibus legibus non contrariæ es> sent, nec ab eorum sententiis appellare licebat. »

(2) Préteur, Prætor, titre d'un des magistrats civils de Rome, qui, par ordre de dignité, venait après les Consuls. Le premier préteur avait été créé l'an de Rome 388, pour rendre la justice dans la ville, sous prétexte que la guerre obligeait constamment les consuls à s'absenter de Rome, mais en réalité pour dédommager les familles patriciennes, qui seules, dans l'origine, avaient le droit d'arriver à la préture, de la concession qu'on leur avait arrachée en les forçant à consentir au partage du consulat entre les deux ordres. Le préteur portait la toga prætexta (la prétexte), avait la sella curulis (chaise curule) et six licteurs. Dans l'origine, il n'y eut qu'un préteur; mais le nombre de ces magistrats fut porté successivement à quatre par Sylla, à huit par Jules César, et à seize par Auguste.

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Le préfet de Rome, chargé de la haute police, c'est-à-dire de tout ce qui intéressait la sûreté, la tranquillité et la subsistance de la ville, avait une garde urbaine pour le maintien de l'ordre et pour l'exécution de ses commandements. Quant aux autres fonctionnaires, employés et agents, qui, selon l'expression du temps, étaient placés sub dispositione viri illustris præfecti urbis Romæ, nous nous bornerons à dire que cette armée de subalternes, dénombrement à fatiguer Homère, s'occupait, par délégation du magistrat suprême, les uns de la police des marchés, de celle des spectacles, des jardins publics; les autres, de la surveillance de tous les arts et métiers, des thermes ou bains, des aqueducs, fontaines et réservoirs d'eau publics, des égoûts et des bords du Tibre, dont le port avait un chef décoré du titre de comte (comes); ceux-ci, de la garde des statues, des monuments publics; ceux-là, de l'inspection des écoles, des travaux publics, de celle des approvisionnements de bouche (céréales, vins, etc.), des greniers d'abondance, etc., etc., etc. (V. Bocking, L. I, chapitre III bis, pages 174 et suiv.) (1). Nous

(1) Nous mentionnerons cependant, à titre de particularités curieuses : 1. Præfectus fabrum, le préfet ou l'intendant des ouvriers, dont la Notice, d'ailleurs, ne parle pas. Dans l'armée, c'était un officier qui dirigeait et commandait les armuriers, les charpentiers, les mécaniciens qui construisaient les machines de guerre. Dans la société civile, on donnait le même nom au chef d'un atelier ou d'une corporation de forgerons, de charpentiers, ou d'artisans dont les métiers se rapprochaient de ceux que nous venons de citer, et auxquels convenait également le terme général de fabri; - 2. Præfectus Vigilum, le commandant des Veilleurs ou de la garde urbaine, qui était chargée, comme nos officiers de police, sergents de ville, etc., de préserver les citoyens des attaques nocturnes, du vol avec effraction, de l'incendie, etc.; 3. Tribunus Voluptatum. Procurator Voluptatum, intendant des fêtes publiques; - 4. Prætores theatribus et circensibus ludis celebrandis deputati, même sens que le précédent, ou à peu près; - 5. quant au Comes Cloacarum, comte des égoûts, cette charge paraît avoir eu de l'importance. De même qu'il y avait une taxe (Columnarium) levée sur les propriétaires ou occupants, pour le nombre des colonnes contenues dans les maisons ou autres édifices leur appartenant, il y en avait une (cloacarium), impôt des égoûts, établi pour les frais de nettoyage, d'entretien et de réparation des égoûts publics (cloaca). Le nom de Cloaca Maxima, égoût principal, fut donné au grand égoût de Rome, construit par Tarquin l'Ancien, pour dessécher les eaux stagnantes du Velabrum et des basses terres entre le mont Palatin et la colline du Capitole, et ménager ainsi une area (place) pour un champ de courses ou circus maximus, et pour le forum. Une partie considérable de ce grand ouvrage subsiste encore après plus de deux mille ans. Au rapport de Denis d'Halicarnasse (III, 67), on dépensa, pour faire des réparations à ce monument, près de cinq millions de notre monnaie.

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