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Tout nous autorise à croire que Juba ne fut guère plus avancé dans la Tingitanie que les Romains, après lui, ni que les souverains actuels du Maroc; il devait avoir dans l'Atlas bien des sujets in partibus. Le petit nombre de villes que l'on trouvait dans ces contrées, dit Mannert, étaient toutes situées sur la mer Atlantique. Les Autololes, la peuplade la plus puissante de l'intérieur, devaient être indépendants. Voilà sans doute pourquoi Dioscorides a dit que l'euphorbe se trouvait chez les Antololes, prés de la Mauritanie, c'est-à-dire, près du royaume ou de la province de Mauritanie.

En attendant le prochain numéro de la revue,

J'ai l'honneur, etc.

L. LECLERC,

Médecin-Major au 3 Spahis.

Constantine, le 16 octobre 1862.

LES PHENICIENS EN CORSE. L'expansion des colonics Phéni ciennes sur le littoral méditerranéen, est un des faits ethnographiques les plus intéressants de l'antiquité. Voulez-vous, à ce titre, me permettre de vous entretenir d'un monument qui, bien que découvert en Corse, ne s'en rattache pas moins à un systême historique commun à l'Afrique.

Dans le compte-rendu de sa mission archéologique en Corse, M. Prosper Mérimée a particulièrement parlé, et avec raison, d'un monument fort remarquable, dont il n'a pu déterminer le but et l'origine (1); il s'agit de la prétendue statue d'Apricciani, trouvée entre Cargese et Sagone. Je ne répéterai pomt, apres M. Merimée, la description de ce curieux morceau d'antiquité, mais j'insisterai, avec lui, sur l'arrangement de la chevelure et de la tête, qui offre un « caractère asiatique ou africain, plutôt que romain. » Ce savant a, tout de suite, attribué à la pierre d'Apricciani, une origine antérieure à l'occupation romaine et incline à la regarder, comme la représentation d'une divinité, cu d'un héros Ligure, Libyen, Ibère ou Corse... Cependant, M. Mériméc ajoute prudemment pour prononcer en dernier ressort sur >> son origine, il faut attendre que le hasard fasse découvrir » quelqu'autre monument du même genre..... »

Or, en étudiant la statue d'Apricciani, en restaurant idéalement cette sculpture détériorée par le temps, j'ai été immédiatement

(1) Prosper Mérimée, Notes d'un voyage en Corse: p. 53. pl. V.

frappé, non pas de son analogie, mais de sa complète ideatité avec les sculptures des sarcophages phéniciens que j'ai eu occasion d'étudier en Syrie, notamment dans la nécropole de Sidon (Saida). La pierre trouvée en Corse présente, non au point de vue de la beauté ornementale, mais, comme type et forme, une entière similitude avec la partie supérieure, ou couvercle des sarcophages de la Phénicienne Sidon. C'est bien cette ampleur du col qui m'a paru, en Orient, un des caractères de ce genre de sculptures et qui se retrouve dans les œuvres égyptiennes inspirées par l'art phénicien; la forme en gaine, la grandeur et surtout le peu d'épaisseur (fig. B. 0-20), la courbure inférieure régulièrement arrondie, tous ces caractères, concourent à me faire voir, dans la statue décrite par M. Mérimée, la partie supérieure d'une sépulture phénicienne (1). Peut-être celle d'un des chefs de cette émigration asiatique partie de Phocée (de Lydie) vers le milieu du VI° siècle avant notre ère, et qui, entr'autres colonies, fonda celle de Tharrus, en Sardaigne; ou, ce qui est plus probable, le chef d'une petite migration venue de Sardaigne en Corse.

Les traces nombreuses des religions et des colonies asiatiques signalées en Sardaigne et même dans la partie méridionale de la Corse, ne peuvent que corroborer mon opinion sur l'origine du monument d'Appricciani.

Il est probable, que le sarcophage aura été brisé par la cupidité de quelques-uns de ces barbares de toutes races qui ont successivement touché le sol de la Corse: sans doute, elle fut exhumée ou tout au moins déplacée par les Sarrazins, qui, si longtemps, ravagèrent cette ile, et ainsi s'expliquait le nom « d'Idolo dei mori» qui lui est donné par les paysans. Jusqu'à présent, on n'a fait aucunes fouilles dans les environs de Cargèse et de Sagone; peut-être, lorsque les travaux agricoles seront activés, les

(1) Un des motifs de doute qui pouvaient rester sur la nationalité de » ces monuments est ainsi levé, et quand on songe que les sarcophages, » à gaîne et à tête sculptée, n'ont été trouvés jusqu'ici qu'en trois endroits, » à Sidon, à Byblos, à Aradus, (peut-être à Sour?) n'est-ce pas la preuve que ce sont là des monuments d'un art vraiment phonicien?.. »

M. Ernest Renan, 3° rapport sur sa mission archéologique en Phénicie. L'absence d'inscription est encore un des caractères propres aux monuments phéniciens, et, jusqu'à présent, le tombeau du roi Esmounazar, de Sidon, a été une exception.

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PARTIE SUPÉRIEURE D'UN SARCOPHAGE PHÉNICIEN connue sous le nom de Statue d'Apricciani (Corse)

Hanlour 17a 80. – Largeur 0760! – Epaisseur 0.10.

REVUE AFRICAINE NO XXXV

maquis défrichés, découvrira-t-on une nécropole analogue à celle de Tharrus, ou tout au moins quelques monuments précisant d'une façon plus positive, les anciennes migrations orientales en Corse. En attendant, il m'a paru intéressant de vous signaler l'antiquité d'Appriciani, que l'étude des monuments phéniciens me permet de regarder, en toute certitude, comme un témoignage de la présence de ces hardis navigateurs dans l'ile de Corse. On avait souvent découvert en Sardaigne, aux Baléares, en Algérie (1), des spécimens curieux de l'art phénicien; mais jamais, à ma connaissance du moins, des sarcophages rappelant, d'une façon aussi complète, les usages et la tradition artistique de la métropole.

Je serais heureux si ces détails peuvent vous intéresser, car je ne doute pas qu'une exploration plus complète des nombreuses échelles établies par les Phéniciens sur la côte d'Afrique, n'amène un jour la découverte de monuments analogues à celui dont je viens d'avoir l'honneur de vous entretenir.

Veuillez agréer, etc.

Baron H. AuCAPITAINE,

Sous-lieutenant au 36".

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L'ÉPIGRAPHE DE CORSEULT. L'inscription latine conservée dans l'église du bourg de Corseult, l'ancienne Curiosolitum (Côtes-duNord), qui nous est signalée par notre ami, M. le docteur Leclerc, dans le dernier numéro de la Revue Africaine (2), a déjà été l'objet de très-nombreuses observations.

M. Léon Renier lui a consacré deux intéressantes notices, dans ses Mélanges d'épigraphie (3): il résulte de ces mémoires que les interprétations données par les épigraphistes étaient peu exactes (4).

(1) A Cherchel surtout, la IOL des phéniciens (voir l'intéressante et érudite dissertation de M François Lenormand, sur un scarabée phénicien trouvé à Cherchel. Bulletin archéol. de l'Atheneum français, T. II., page 47.

(2) Revue Africaine, t. 6o, p. 396, d'après la France Monumentale, p. 155, et rectification d'une traduction de M. de Fréminville.

(3) Mélanges d'épigraphie, chap. x, p. 255, et Revue Archéologique, 1849, p. 316. - Même recueil, 1852, p. 102.

(4) Mém. Académ., Inscriptions, t. 1., p. 294.-- Muratori, p. 1278, n° 11.- Delahoussaye: Mém. Acad. Celtique, t. 1, p. 246.-- Orelli: Ree.

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