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est applicable à tous les degrés de connaissances musicales, comme à tous les genres de musique.

Nous savons déjà que les premières lois étaient des chansons; or, si le chant exista au même moment que la parole, il nous faudra bien reconnaître que les premières règles musicales ne furent que l'expression d'une habitude déjà prise.

A mesure que les premiers sons avaient été appréciés, on dût les classer dans un système renfermé d'abord dans un seul tétracorde; mais, chaque nouvelle extension du système des sons pour le classement de différents tétracordes, suscita des oppositions.

C'était une nouvelle habitude à prendre, un nouveau travail pour l'éducation de l'oreille; c'était presque une révolution, et les sages cherchaient à l'éviter.

Terpandre fut banni de la république parce qu'il avait ajouté une corde à la lyre.

Timothée de Milet fut sifflé lorsqu'il parut pour la première fois en public avec sa cithare garnie de onze cordes; quelque temps après on le considérait comme le premier musicien de son époque.

Sur quoi repose la querelle des Pythagoriciens et des Arystoxéniens, sinon sur cette loi de l'habitude d'entendre? Arystoxène s'en remettait à l'oreille du soin d'accepter ou de rejeter les combinaisons mélodiques. Pythagore, lui, voulait assujettir ce jugement à des lois précises, et, sous le prétexte de conserver le beau, il posait à l'art musical ses colonnes d'Hercule, et lui disait: Tu n'iras pas plus loin ?

Est-ce à ces entraves mêmes qu'on doit le progrès accompli par suite de la scission opérée entre la musique théorique et pratique ?

Je le croirais d'autant plus volontiers, qu'à dater de ce moment, la musique semble ne plus accepter d'autres règles que celles bâsées sur les sentiments qu'elle éveillait. Dès lors, soumise aux caprices de l'oreille, et en raison de l'habitude acquise, elle accepta ce qu'elle avait rejeté la veille.

C'est ainsi que chacun des faits extraordinaires de l'histoire de la musique chez les Anciens, s'expliquera par une extension de la somme des connaissances acquises, et à l'inverse."

Ce Timothée, dont je parlais tout-à-l'heure, qui augmentait le nombre des cordes de la cithare et introduisait la Glose dans le

chant, aurait-il produit avec ses onze cordes des effets semblables à ceux que produisit Amphion avec sa lyre garnie de quatre cordes seulement? Eût-il comme lui charmé les travailleurs qui relevaient les murailles de Thèbes?

On ne l'eût peut-être pas sifflé, comme cela lui arriva à Athènes, mais, en raison de l'extension qu'il donnait au système musical, par l'emploi de la guitare à onze cordes et par la Glose ajoutée au chant, les travailleurs de Thèbes, ne pouvant ni comprendre sa manière de chanter, ni apprécier cette étendue de sons toute nouvelle et complètement en dehors de « leur éducation première, acquise par la seule habitude de l'oreille, ou ne l'eussent pas écouté ou bien l'eussent pris pour un fou.

Prenons un autre exemple à une époque déjà plus rapprochée de nous. Examinons les progrès accomplis par notre système harmonique depuis le treizième siècle jusqu'à nos jours, et cherchons à nous rendre compte de l'effet que produirait sur nous une des chansons organisées par Jean de Murris, l'inventeur des blanches et des noires (x siècle).

Renversons les termes de la question et supposons Jean de Murris assistant à une représentation d'un opéra ou à l'exécution d'une symphonie de Beethoven.

Considérée à toutes les époques, cette question se résoudra de même.

Orphée, Terpandre, Amphion possédaient les connaissances musicales de leur temps; outre qu'ils étaient au premier rang parmi les chanteurs, ils contribuaient encore au progrès, en augmentant graduellement la somme de ces connaissances. De cette extension viennent les effets merveilleux attribués par les Grecs à leur musique. Ces effets, j'en ai constaté l'existence chez les Arabes, à qui ils ont transmis leur système musical. Il n'est donc pas étonnant de les voir se reproduire encore à présent chez un peuple resté stationnaire depuis plusieurs siècles, et dont le système musical, je ne saurais trop le répéter, est évidemment le même que celui dont on se servait en Europe avant la découverte de Gui d'Arezzo.

Ai-je besoin, pour faire la part de l'exagération poétique, de rappeler les légendes qui, de notre temps, ont couru sur Paganini?

Quant à l'acceptation du nouveau en musique, on pourrait citer es plus célèbres de nos compositeurs, Rossini, Meyerbeer, Beetho

ven, Mendelsohn, et tant d'autres, qui, chacun dans son genre, mais toujours en raison du développement qu'ils donnaient à la formule harmonique, ont eu à subir ou subissent encore le sort de Timothée.

(La suite au prochain numéro)

SALVADOR DANIEL.

NOTES HISTORIQUES SUR LES NEZLIQUA (1). CERCLE DE DRA'EL-MIZAN.

La tribu des Nezlioua se compose de six kharouba; elle emprunte son nom à l'idée d'agglomération de ces mêmes fractions (2). Celles-ci, d'origine différente, sont:

4° Les Oulad Aïssa, venus du Sahara, il y a un siècle et demi;

2° El-K'irouan, originaires des Beni Fraoncen;

3° Les Oulad Salem,

4° Les Oulad Rached,

Venus du Ouennour'a, il y a un peu plus d'un siècle ;

5° Les Oulad Ech-Cha'b, émigrés des Oulad Abd Allah, Bezazoua, du Sahara;

6 Cha'bt Ikhlef, marabouts des Beni Kh'alfoun, considérés d'abord comme faisant partie d'une zaouïa.

Sous les turcs, les Nezlioua dûrent, par suite de la proximité du bordj Bou R'ni (3), faire une soumission qui, toutefois, ne fut que nominale.

Dans les différentes phases qui caractérisèrent l'occupation de la vallée de Bou R'ni, on ne saurait assigner leur rôle avec certitude; on les retrouve plus tard, après les échecs subis par

(1) Les Nezlioua habitent la rive droite de la vallée du haut Isser, dans un pays naturellement mamelonné, dont le point culminant est le mont Tazrout. Leur territoire est arrosé par l'Acif Aguergour. On trouve dans leur pays, à Omm el Kef, des ruines où l'on remarque beaucoup de pierres de taille éparses. La principale industrie des Nezlioua est le labourage; ils ont quelques oliviers et des figuiers. Ils élèvent des troupeaux considérables et quelques chevaux. Leur population est en partie kabile et en partie arabe. Selon M. Carette, à qui nous empruntons ces détails (Études sur la Kabilie, 2, 237), ils étaient regardés, sous les turcs, comme spahis ou hommes d'armes de l'aga, qui les avait placés sous les ordres du caïd de Bou R'ni. Ils reconnaissent pour suzerains ecclésiastiques les marabouts de Tazrout, qui sont la famille des Oulad Sidi Mansour, et leur payaient jadis la zekkat ou dime religieuse. Le pouvoir civil était exercé concurremment par deux cheikhs, qui se partageaient l'autorité et administraient de concert. Note de la R,

(2) De Nezlou, ils ont campé, ils se sont établis.

(3) Bâti sur la rivière de ce nom par le bey Mohammed, dit el-bey Debbah (l'égorgeur) vers 1158, 1745-6,

les nouveaux venus, rangés au nombre de leurs ennemis et en proie à une grande agitation.

Les colonnes turques, amenées plusieurs fois sur leur territoire, à la suite d'actes hostiles et de nombreux méfaits, leur infligèrent de cruels châtiments. On cite, entr'autres, l'expédition du bey Safta, du Sabaou (vers 1221-1806-7); ce chef, pour tirer vengeance de brigandages commis au col des Beni Aicha, fit exécuter une trentaine de personnes à Dra' er-rih (la crête du vent).

L'arrivée de Yahya Ar'a, à la tête d'une puissante armée, et la reconstruction du bordj Bou R'ni, mirent fin à l'effervescence générale; toute la contrée fut définitivement pacifiée et l'autorité turque rétablie plus fermement qu'elle ne l'avait jamais été.

Les Nezliona, alors, devinrent tribu makhzen, et formèrent une zmala destinée à prêter son concours aux cent hommes qui tenaient garnison dans le nouveau fort. Sous Salah, dernier caïd de Bou R'ni (1244-1828-9), le chef de cette zmala était Bel K'assem ben Djema, des Nezlioua.

Les turcs ouvrirent aussi, dans leur territoire, une route qui reliait le bordj au chemin d'Alger à Constantine, par le pont de Ben Hini. Cette voie, appelée trik el-soll'ania (chemin impérial), passait par Djama' et-Tachentirt et Et-Toumiat, ou les Jumelles, nom d'une fontaine.

Vers 1239 de l'hégire (1823-4), cette tribu fut comprise dans la confédération des Flissa (1), et placée sous le commandement d'El-Hadj Mohammed ben Za'moum. Chaque village eut un cheïkh. L'administration intérieure, appelée à régir ces fractions, composée d'éléments hétérogènes, ne dut fonctionner qu'après de longs et laborieux efforts; elle fut empruntée à celle en vigueur dans le pays, c'est-à-dire les djemaâ', sauf recours, pour les affaires graves, à l'intervention des marabouts. En cas de guerre, l'autorité était remise à un ou plusieurs individus de la tribu ou K'ebila (confédération).

Après notre occupation d'Alger et la retraite des turcs de Bou

(1) Le cachet de cette confédération est ainsi conçu :

اصلح الله رأي جماعة بليسة وطهرهم من الامور الخسيسة ١٢٣٩

Traduction: Puisse Dieu concilier les esprits (des membres) de la djemaâ' des Flissa et les purifier de toute affaire avilissante. 12391823-4.

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