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tier, soit, le cas échéant, du saint personnage de l'établissement duquel elles formaient une dépendance. Elles étaient pourvues d'une dotation et administrées par un oukil.

VII

J'avais à choisir entre diverses méthodes pour le classement de mes édifices. D'abord, les groupant par catégories, je pouvais les présenter par ordre d'importance; mais un pareil système me conduisait nécessairement à un classement arbitraire, et, surtout pour les petites mosquées qui, il ne faut pas l'oublier, sont au nombre de 109. Je n'aurais pu que dresser, au hasard, une liste confuse dans laquelle, en cas de recherche, on se serait égaré faute de points de repère et d'indications systématiques.

Je pouvais aussi prendre pour guide la situation des édifices. d'après la topographie indigène. Une grande difficulté se présentait. Les Algériens, indifférents aux idées d'ordre qui nous sont habituelles, ne donnaient pas un nom à chacune de leurs rues; ils se contentaient de diviser leur ville en quartiers, et encore ces quartiers n'avaient-ils pas de limites bien précises. Souvent, la proximité d'un monument, d'une fontaine, du rempart, de l'une des portes de la ville, était la seule indication dont on se servit.

Il n'y avait là rien d'assez précis pour servir de base à ma nomenclature.

J'ai cru faire pour le mieux en m'arrêtant au plan suivant. Alger étant bâti sur le versant Est d'une colline assez escarpée, qui au bord de la mer offre un plateau d'une largeur variable, je l'ai divisé en trois zones parallèles au rivage et que j'appelle Bas quartiers, (Outa),quartiers moyens et hauts quartiers (Djebel). Dans ma nomenclature, je commence par la zone inférieure, c'est-à-dire par les bas quartiers, et je marche du Nord au Sud, ce qui m'a amené à adopter trois subdivisions perpendiculaires à la mer et que j'inti tule: Nord, Centre et Sud.

Je sais bien que, malgré mes efforts, cette combinaison offrira encore bien des imperfections. Mais elle rachète en partie ses défauts par l'avantage de grouper ensemble les édifices d'un même quartier. Je la compléterai en donnant à la fin de mon travail deux tables alphabétiques : l'une des noms des édifices, et l'autre des noms assignés par l'administration française aux rues sur lesquelles s'ouvrent leurs portes.

J'ai intercalé dans cette étude, par la raison qu'ils ont un caractère de piété ou d'utilité publique, et surtout parce qu'ils sont pourvus d'une dotation administrée par un oukil, des établissements qui n'appartiennent à aucune des trois catégories dont je me suis spécialement occupé il s'agit d'écoles, de cimetières, de tombes, d'asiles et de latrines publiques.

(A suivre)

DEVOULX, fils.

HISTOIRE

DES DERNIERS BEYS DE CONSTANTINE,

Depuis 1793 jusqu'à la chute d'Hadj Ahmed (1).

AHMED BEY EL-MAMLOUK.

(POUR LA 2 FOIS. 1820)

Lorsque Ahmed el-Mamlouk fut, pour la

seconde fois, campé avec la

nommé bey de Constantine, Ibrahim Bey était colonne sur le territoire des Segnia. C'est là que, par ordre du Pacha, il fut arrêté et conduit à Constantine, pour y attendre dans les prisons de la Casba, le sort que lui réservait son suc

cesseur.

Le lendemain, en effet, le nouveau bey parut aux portes de la ville. On lui dressa une tente d'honneur près de la Mecella (2) qui se trouve non loin du Koudiat-Aty. Les autorités de la ville, le corps des savants, en un mot, l'élite de la population, se porta à sa rencontre pour lui adresser les souhaits de joyeux avénement. En présence de la foule rassemblée, il fut donné lecture du firman par lequel le Pacha l'établissait son représentant dans la province. Le peuple répondit à cette lecture par des hourra de joie, et, au même instant, la voix du canon se fit entendre. C'est au milieu de cette salve d'artillerie et des transports de la foule, qu'Ahmed Bey fit, pour la deuxième fois, son entrée solennelle à Constantine; et, tandis qu'il prenait possession de ce palais où il avait déjà résidé, les portes de la prison de la Casba s'ouvraient devant le chaouche, et la tête de l'ex-bey roulait sur la dalle froide.

Ce fut le signal des représailles. Tous ceux qui, deux ans

(1) Voir les n° 14, 15, 16, 20, 21, 24, 26 et 33 de la Revue africaine. (2) Lieu de prières, en dehors d'une Ville, ete.

auparavant, avaient applaudi à sa destitution, furent plus ou moins atteints dans leurs biens ou leurs personnes. Si Barbar Ali, kaïd el aouassi, et son beau-frère, Ahmed ben Noua, avec tous leurs serviteurs étaient jetés dans une prison, d'où ils ne devaient sortir plus tard que pour être exilés à Médéa. Mahmoud ben Tchakeur était destitué et remplacé par Amin Khandja. En même temps, une réforme complète s'opérait dans la composition du makhzen.

Ahmed ben el-Hamlaoui était nommé agha-ed-deïra ;
Si Abd Allah ben Zekri, bache-seyar;

Ali ben el-Hadj Rabah, serradj;

El-Hadj Abd er-Rahman ben Naamoun, bache-kateb;

Moustafa ben Zekri, kaïd ferka;

Moustafa el-Abiad, kaïd-dar;

Ibrahim el-Gritli, kaïd-el-aouassi ;
El-Heyouani, kaïd des Tlaghma;

Ferhat ben Sahanoun, kaïd ez-zmala.

L'humeur belliqueuse d'Ahmed lui fit entreprendre de nombreuses expéditions, où l'équité fut loin d'être toujours l'unique règle de sa conduite. Les Nememcha, les tribus du Sud et les fiers montagnards de l'Aurès (1) furent les premiers qu'atteigni

(1) An nombre des principaux chefs de l'Aurès était le cheikh ElHamaoui ben Belkassem. Il était originaire de la puissante tribu des Hanencha. Ayant perdu son père de bonne heure, il fut élevé dans la maison de son oncle El-Hadj Mbarek ben Ahmed ben Ali, dont la famille était une des plus anciennes, des plus riches et des plus vénérées du pays.

Dès sa plus tendre enfance, il s'adonna à tous les exercices qui peuvent former l'esprit et le corps; aussi brillait-il entre tous dans la tribu et par son habileté à dompter un cheval, et par son courage à affronter les périls de la guerre. Nnl mieux que lui ne savait plus fièrement se draper dans les plis d'un riche burnous, et la somptuosité de son costume s'harmonisait parfaitement avec la noblesse de ses traits et de sa démarche. Devenu homme, il reçut de son oncle le commandement des tribus d'El-Ayaïcha et des Beni Mezlin. Là encore, il sut se distinguer par l'équité de ses jugements et la droiture de ses conseils, au point que les vieillards eux-mêmes venaient prendre des leçons de sagesse auprès de lui. Sa réputation grandissait avec l'âge et son nom était répété danstoute la contrée.

Lorsque Ahmed entreprit de réduire les Hanencha, ceux-ci, commandés alors par le cheikh En-Rezki, s'enfuirent à son approche et passèrent sur le territoire tunisien. Le Bey, sentant qu'il ne pourrait les atteindre au-delà des frontières, imagina d'employer avec eux la trahison. Il en

rent ses armes victorieuses. De là, il se porta successivement contre les habitants de Righa, les arabes du sahel du Babor, les Oulad Tebban, les Oulad Si Ahmed, qui occupent Et-Tabaka (au-dessus de Righa); et, tandis que ses entreprises étaient couronnées d'un plein succès, le caïd des Abd en-Nour, sidi

voya un messager à El-Hadj Mbarek, chargé de lui porter, en son nom, l'aman pour lui, sa famille et tous ses serviteurs. Le cheikh, confiant dans la parole du Bey, rentra sur ses terres, à la tête de sa tribu, et vint dresser ses tentes non loin du camp. Les relations les plus amicales ne tardèrent pas à s'établir de part et d'autre les repas étaient pris en commun, on passait les soirées ensemble; bref, on vivait comme frères et la paix semblait cimentée à tout jamais.

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Sur ces entrefaites, le Bey manifesta L'intention de retourner dans sa capitale. La veille du jour fixé pour le départ, il recommanda aux Hanencha de venir avec leurs enfants passer la soirée dans son camp, pour y recevoir ses derniers adieux et s'entendre tous ensemble sur les dispositions à prendre pour l'avenir. Ils se rendirent tous, en effet, cet appel; mais, quelle ne fut pas leur déception, lorsqu'au milieu de la soirée, ils se virent, eux et leurs enfants, garrottés et faits prisonniers par les soldats du traître. Toute résistance était impossible. Il fallut, en silence, subir l'outrage. Le chef de tribu, Boudhiaf, et ses fils, furent égorgés sur l'heure. Quant à El-Hadj Mbarek, si El-Bokhari et le cheïkh El-Hasnaoui, ils furent conduits enchaînés à Constantine, où les deux premiers eurent la tête tranchée; leur corps resta suspendu aux remparts de la ville. C'étaient deux hommes de bien, dont la mort restera comme une tache ineffaçable au front du bey Ahmed. Les pauvres et les orphelins les pleurèrent; car avec eux ils perdaient leurs meilleurs protecteurs.

Le cheikh El-Hasnaoui, pour qui, sans doute, la hache du bourreau était aussi aiguisée, fut assez heureux pour tromper la vigilance de ses gardiens et s'échapper de sa prison. Il prit sa course à travers les montagnes, où ne purent l'atteindre les cavaliers lancés à sa poursuite. Obligé de se cacher le jour et de voyager la nuit, il erra ainsi quelque temps dans le pays, demandant l'hospitalité aux uns, aux autres un refuge, mais repoussant toujours les diverses propositions de rentrée en grâce qui lui furent faites au nom du Bey. Il avait pour lui l'expérience du passé et il ne faillit pas à sa résolution.

Enfin, fatigué de cette vie aventureuse, il se retira à Kef et y vécut tranquille jusqu'au jour où le commandant Yusuf, alors à Bône, ayant entendu parler de lui, l'engagea à entrer au service de la France. 11 l'attira auprès de lui et eut plus d'une fois à se louer de ses conseils et de ses services. Plus tard, il rentra chez les Hanencha, où il voulut se faire un parti; mais, après quelques succès, vaincu par son compétiteur, le cheikh Er-Rezki, il s'enfuit, pour la seconde fois, dans le Levant. Depuis, il s'est entièrement rallié à la France, et aujourd'hui il emploie son influence à maintenir dans le devoir la puissante tribu des Oulad Yahya ben Taleb, dont il a été nommé kaïd (1857).

Revue Afr., 6o année, no 35.

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