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Et, pour le service du culte, un Imam (iman, d'après l'ortho graphe adoptée par notre administration) (1), lequel, lors des cinq prières publiques, qui se font obligatoirement chaque jour, est chargé d'une mission fort délicate; placé dans le mihrab, sorte de guérite ou de niche formant encorbellement dans celui des gros murs de l'édifice qui se trouve dans la direction de la Mecque, et la figure tournée vers la muraille, il dit la prière pour le compte de tous les assistants, lesquels, se confiant et s'abandonnant à lui pour la correction et la bonté de ce devoir, se contentent de le suivre ponctuellement dans toutes les postures qu'il prend et tous les gestes qu'il fait pour se conformer à la lithurgie mahométane. Lorsque la prière est terminée. l'imam se tourne vers l'assistance et lui récite une oraison.

Il y a encore un khetib, chargé de prononcer la khotba le vendredi, et qui monte, pour remplir ce devoir, dans la chaire ou membar;

Un aoun, dont la spécialité est de porter la crosse du khetib; Des moudenin, chargés d'appeler les fidèles à la mosquée, du haut du minaret, lors des prières obligatoires, qui ont lieu publiquement cinq fois par jour; leur chef porte le titre de bache-moudden. Il a dans ses attributions un dernier appel, qui se fait dans l'intérieur de la mosquée, et qui a pour but de prévenir les fidèles présents, que la cérémonie va commencer ; des hezzabin ou lecteurs du coran; leur chef s'appelle bachehezzab; des tolba, chargés de lire, à certaines heures, durant un temps déterminé, des ouvrages autres que le coran, tels que le Boukhari, le Tanbih el-Anam (2), etc.

Il était rare que ce personnel fût au complet, et souvent les emplois se trouvaient cumulés. Quant aux petites mosquées, elles n'étaient pourvues généralement que d'un oukil, qui ajoutait à ses fonctions celles d'imam, de mouedden, de hezzab, de lecteur, et souvent même celles de maître d'école. C'est pour cela que les oukils de ces édifices étaient plus ordinairement désignés sous le titre d'imam.

(1) Cette orthographe est très-vicieuse, car Iman signifie la foi, ce qui est bien différent du fonctionnaire que l'on croit désigner. N. de la R.

(2) Le premier de ces ouvrages est un recueil de traditions religieuses et l'autre se compose d'espèces de litanies. N. de la R.

IV.

J'entends par chapelle le local plus ou moins grand qui renferme la sépulture d'un marabout ou saint personnage. Les Français, prenant le contenant pour le contenu, ont définitivement donné à ces édifices le nom de marabout. Les Indigènes les appellent kobba, coupole, de la forme architecturale qu'ils ont invariablement. Quand, au local contenant la tombe du saint, s'ajoutent une mosquée ou quelques autres dépendances, l'établissement prend quelquefois le nom de zaouia.

Les chapelles ou marabouts, comme nous disons, sont encore plus mesquins que les mosquées. Elles se composent ordinairement d'une petite pièce basse et carrée, surmontée d'un dôme, qui, outre la tombe du marabout, renferme parfois quelques tombeaux. Au milieu, se trouve la sépulture du saint, surmontée d'un tabout ou châsse, ornée de tapis, de drapeaux de diverses couleurs, d'ex-voto, etc. Des tapis sont disposés tout autour de la châsse et les fidèles viennent y prier, faire leurs dévotions et baiser le tabout. La plupart de ces salles sont nues et sans ornements; quelques-unes sont décorées avec plus ou moins de goût et d'éclat; cela dépend de la célébrité du personnage. La chapelle du marabout Sidi Abd er-Rahman, à Bal-el-Oued, est la plus jolie de toutes celles d'Alger. Celle de sidi Abd el-Kader, à Bab-Azoun, vient ensuite.

Les kobba ou chapelles, portent le nom du marabout dont elles renferment les saints restes. Il arrive souvent, dans la conversation, qu'on supprime le mot kobba ou ses analogues, pour désigner l'établissement par le seul nom du saint; c'est ainsi qu'on dit je demeure près de Sidi Ben Ali, c'est-à-dire, près de sa chapelle. Cette ellipse a lieu quelquefois, mais plus rarement, dans les écrits, où, ordinairement on emploie les expressions kobba, coupole, dôme, darih, sépulture, fosse, keber, tombe, tombeau.

Les chapelles avaient des dotations et étaient administrées par des oukils, dont la charge était souvent temporaire et quelquefois héréditaire, ainsi que je l'ai exposé au § 4" de cette introduction.

Ces édifices jouissaient du droit d'asile. Ce droit était ordinairement respecté, mais il devenait quelquefois illusoire, car le pacha, faisant étroitement bloquer la chapelle, mettait le

réfugié dans l'alternative de se constituer prisonnier ou de mourir de faim. On n'opérait, toutefois, avec cette rigueur que lorsqu'il s'agissait d'un malfaiteur dangereux ou, encore mieux, d'un homme redoutable par son influence politique.

Un mot, maintenant, sur les saints personnages qui reposent dans les chapelles et sur les marabouts, en général.

On sait que le marabout est l'homme spécialement voué à l'observation des préceptes du coran. C'est lui qui, aux yeux des Mahometans, conserve intacte la foi musulmane. Il est l'homme que les prières ont le plus rapproché de la divinité, et pour le récompenser de sa piété, Dieu lui permet quelquefois de donner des preuves de sa nature supérieure, en produisant des miracles. Aussi les marabouts jouaient-ils un grand rôle dans la vie privée et politique des Musulmans et principalement chez les Arabes, population, plus primitive et plus impressionnable que les citadins.

Les paroles des marabouts sont des oracles auxquels la superstition ordonne d'obéir, et qui règlent à la fois les questions privées et les questions d'intérêt général. C'est ainsi que les marabouts ont souvent empêché l'effusion du sang, en réconciliant des tribus ennemies; c'est ainsi que leur protection a souvent suffi pour garantir de toute atteinte les voyageurs, soit isolés, soit en caravane. Bien des fois encore, ils ont prêché la guerre contre les infidèles; on voit que leur influence est à la fois religieuse et politique; elle est, d'ailleurs, d'autant mieux assurée, que l'exercice du culte, l'explication des livres saints, la consécration de toutes choses mettent les marabouts en relation continuelle avec les fidèles. En remontant très-haut dans notre histoire, on sait que nos évêques avaient jadis une influence spirituelle et temporelle semblable à celle des marabouts.

Les marabouts constituent la noblesse religieuse, noblesse héréditaire comme les deux autres qui existent chez les Musulmans, la noblesse d'origine, accordée aux descendants de la fille du prophète, et la noblesse militaire. Les familles de marabouts entretiennent et exploitent, au moyen d'une dévotion apparente et rigoureuse, l'influence et le respect que le nom de leur bienbeureux ancêtre leur a légué dans l'esprit des populations. On leur attribue une intercession efficace et puissante auprès du saint, leur parent, qui réagit auprès de Dieu.

On voit que le nombre des marabouts doit être considérable. Aussi, s'en faut-il de beaucoup que tous les membres de cette classe qui décèdent soient admis aux honneurs de la chapelle. Cette marque de considération n'est accordée qu'à ceux qui se sont distingués dans la foule par une piété ardente et des miracles exceptionnels, et notamment aux chefs de famille, à ces hommes favorisés de Dieu, qui ont eu le bonheur de léguer à leurs descendants le titre conquis par eux de saint, de Marabout. En outre, toutes les kobba ne traversent pas les siècles; beaucoup tombent en ruines et disparaissent sans laisser un souvenir : c'est une question de finances; il faut que la génération contemporaine du saint l'ait assez pris en vénération pour sauver sa mémoire de l'oubli en assurant, au moyen de fondations pieuses, la conservation de sa chapelle. Aussi, trouve-t-on dans les actes et documents des mentions de marabouts connus à Alger il y a un siècle ou deux et entièrement oubliés de nos jours. Je dois ajouter qu'à Alger les marabouts pourvus de kobbas et de dotation sont généralement fort anciens, surtout les plus célèbres.

V

Je crois devoir établir une distinction entre les zaouïa des villes et celles des campagnes. Je commence par celles-ci :

Si, autour de la chapelle, de la tombe d'un saint plus ou moins célebre, se réunit un douar (fraction de tribu) composé des descendants du marabout, cette aggrégation est qualifiée de zaouïa. Pour la distinguer des autres, on fait suivre le mot zaouia du nom du saint précédé de l'épithète Sidi (monseigneur); une partie des terres voisines provenant en général de donations pieuses sert à nourrir les hommes de la zaouïa, ainsi que les offrandes et les provisions de toutes sortes qu'apportent les dévots. Certaines zaouïa perçoivent même une dime sur leurs voisins, mais ce tribut n'a jamais eu de caractère obligatoire devant la justice.

L'homme le plus influent de la famille de Marabouts a le commandement de la zaouïa. L'un des premiers devoirs de sa position est de pratiquer largement l'hospitalité envers tous les voyageurs et tous les étrangers musulmans. Les criminels même doivent trouver un abri chez lui.

La zaouïa est en outre un établissement d'enseignement. Les marabouts, qui ne se livrent ordinairement à aucun travail manuel,

s'y vouent à l'instruction et hébergent les étudiants qui viennent suivre leurs leçons.

Ces congrégations religieuses sont si nombreuses dans quelques tribus qu'elles y forment des ferka ou divisions particulières.

VI

Une zaouïa d'Alger est un bâtiment plus ou moins grand, renfermant un nombre quelconque de cellules destinées au logement soit de vagabonds, soit d'étudiants ou savants, étrangers à la localité ou trop indigents pour se loger à leurs frais. A ce bâtiment, sont annexées des latrines et des fontaines.

Quelquefois, des professeurs sont attachés à la zaouïa pour faire des cours supérieurs. Dans ce cas, cet établissement serait plutôt une medersa (école supérieure, collége, académie) qu'une zaouïa (refuge pour les savants indigents ou pour les pauvres). Mais j'ai constaté qu'à Alger les mots zaouia et medersa sont indistinctement employés l'un pour l'autre et qu'on confond deux choses entre lesquelles il semble cependant devoir exister une différence dans certains cas.

Souvent, enfin, le nom de zaouïa est donné à un établissement qui n'est ni un collége ni un asile: il s'applique simplement à une chapelle de marabout, surtout lorsqu'à cette chapelle sont annexés une mosquée, des latrines publiques, un cimetière ou quelque autre dépendance.

Les zaouïa étaient de pauvres locaux, bas, exigus, à proportions irrégulières et mesquines. Elles n'avaient aucune prétention à l'élé gance ni au confort et jamais la moindre ornementation ne cherchait à disputer la place à l'éternel et éblouissant crépi blanchi à la chaux pure de tout autre mélange colorant. Les salles et cellules destinées aux mendiants et aux étudiants ou savants ne leur offraient que quatre murs nus et humides, et un sol fort mal carrelé. De pareils édifices étaient bien dignes d'un peuple devenu étranger à tout mouvement intellectuel et artistique. Les cellules, surtout, plus particulièrement réservées aux savants, n'étaient, en général, que des niches obscures et malsaines, ordinairement au rez-dechaussée. La zaouïa du cadi Maleki, sise rue Bab-el-Oued, offrait uu curieux spécimen de la piètre hospitalité que la fière capitale des pirates ottomans octroyait aux amants de la science.

Les zaouïa portaient le nom soit de leur fondateur, soit du quar

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