Images de page
PDF
ePub

ALGER (Icosium).

CHRONIQUE.

On vient de trouver ici, récemment, des

caveaux tumulaires d'un très-grand intérêt.

Première découverte. Lorsqu'on a commencé à creuser des tranchées pour la construction du nouveau lycée, sur l'emplacement du jardin Marengo, on a rencontré, à une très-grande profondeur (8 m. environ) des sépultures romaines qui, malheureusement, ont été détruites, avant que j'en aie eu connaissance. Je n'ai pas appris qu'on y ait rien recueilli. Mais comme ces monuments funéraires appartenaient à la nécropole romaine qui se trouve au-dessous de l'ancien cimetière musulman, on pouvait espérer de nouvelles trouvailles.

·Deuxième découverte. En effet, dans les premiers jours du mois de juillet, on mit à jour un autre tombeau antique où étaient un squelette et divers objets qui ont été remis, le 10 du même mois, à notre musée, par les soins de M. Guiauchain, architecte en chef du département. N'ayant pas été averti à temps, je n'ai pu voir le monument intact ni les objets en place. Je ne parlerai donc avec connaissance de cause que de ces objets euxmêmes, que j'ai actuellement sous les yeux. Pour le reste, je m'appuie sur des renseignements pris auprès des personnes qui ont vu, mais qui, ainsi qu'il arrive en pareil cas, ne s'accordent pas de tous points dans leurs assertions.

La forme cubique de ce tombeau antique le fit prendre d'abord pour une énorme pierre de taille et on allait bâtir dessus, si quelqu'un n'avait eu l'heureuse idée de le sonder avec la pioche. On s'aperçut alors que c'était un blocage creux dont la partie intérieure offrait une fosse voûtée en briques et renfermait un cadavre accompagné de divers ustensiles en terre, en verre, en fer et en cuivre.

[ocr errors]

Le squelette, vigoureusement charpenté, paraît être celui d'un homme de taille moyenne, ayant de 35 à 40 ans, à en juger par le degré d'avancement de la soudure des os du crâne. Il ne lui manque qu'une grosse molaire à la mâchoire inférieure; et il a dû la perdre assez longtemps avant la mort, car l'alvéole qui lui correspond est entièrement oblitérée. Deux dents se sont égarées dans la fouille, mais l'état de leurs alvéoles indique qu'elles ne manquaient pas au moment du décès.

La saillie marquée des arcades zygomatiques, la proéminence de la partie moyenne antérieure des maxillaires, l'allongement remarquable de la tête, d'avant en arrière, semblent indiquer une race africaine, mais non pas du type nègre.

Le défunt avait été placé étendu sur trois dalles espacées, la tête, le siége et les pieds correspondant à chacune d'elles. Comme le tombeau a été détruit presqu'au moment de la découverte, ainsi qu'il a été dit plus haut, on n'a pu recueillir avec certitude les observations si importantes d'orientation, de position exacte dans l'hypogée du squelette et de ses accessoires.

Il faut donc se borner à ajouter à ce qui précède l'énumération des objets suivants qui se trouvaient dans le vide laissé entre les dalles, le sol de l'hypogée et le cadavre.

1 Deux assiettes en verre d'un diamètre d'un peu plus de 0,20 cent. et profondes de 0,04 cent. Un appendice vermiculaire placé aux deux extrémités opposées du bord extérieur facilitait la prise de ces vases. Le point de soufflage est encore visible au fond de ces assiettes, où il forme une légère saillie mamelonnée. L'enfouissement séculaire a donné à ces deux pièces les teintes irisées bien connues des archéologues;

2° Neuf plats en terre rouge d'un diamètre qui varie entre 0,11 et 26 cent.

Le plus grand présente sur le rebord des figures en relief qui ressemblent à des ramuscules terminés par des feuilles ou des baies còniques.

On a déjà signalé dans la Revue Africaine ce genre d'ornements, à propos d'un vase analogue, trouvé dans un tombeau romain de Sétif, par M. Ghisolfi.

Tous ces vases sont remarquables par la finesse de la pâte, ainsi que par cette élégance de formes que les anciens recherchaient même dans les objets les plus humbles et dont nous ne sommes que trop dédaigneux.

3 Quatre petites lampes (lucerna). Deux offrent des bustes dont la bouche démesurée et grande ouverte rappelle le personna du masque acoustique des auteurs romains. L'estampille du fabricant, imprimée au-dessous, paraît être L. ANIHILE, lecture que nous sommes loin de garantir, à cause du mauvais état des lettres. Au-dessous de ces caractères est une marque qui consiste en un ovale profondément imprimé en creux.

Une autre de ces lampes a pour sujet deux cornes d'abondance; on ne peut distinguer ce qu'il y avait sur la quatrième.

4° Quatre clous en fer carrés, à tête large et irrégulière mesurant de sept à neuf centimètres de longueur. Faute d'avoir vu la sépulture dans son état primitif, il est difficile de déterminer quel rôle ces clous ont pu y jouer, s'ils appartenaient à un coffre par exemple.

5° Un bouton en cuivre, qui se trouvait avec ces objets divers, a été égaré.

Cette découverte, rapprochée d'une autre qui avait été faite peu de temps auparavant, confirme ce fait avancé jadis, dans une brochure sur Icosium, que le cimetière de cette cité antique est situé immédiatement au-dessous de celui des musulmans d'Alger. Car on n'a pas oublié que le jardin Marengo, où s'élève le nouveau Lycée, appartient à la partie méridionale de l'ancien cimetière Bab-el-Oued.

Il résulte de ce rapprochement que la limite septentrionale d'Icosium était la même que celle d'Alger en 1830.

Une caisse avec dessus en verre, recevra le squelette qui vient d'être décrit avec tous les objets qui ont été trouvés autour de lui.

Troisième découverte. Elle est de même nature que les deux autres et a eu lieu vendredi 25 juillet. Si je n'ai pu observer en place les objets qu'on y a rencontrés, il m'a été permis du moins d'observer la sépulture elle-même, alors qu'elle n'avait pas subi d'autre détérioration que le trou qu'on a dù faire pour y pénétrer. Au reste, M. Guiauchain, convaincu comme moi, de quelle importance il est d'étudier en place ces sortes de monuments avec leurs accessoires, a donné des ordres précis pour que, dorénavant, on avertisse aussitôt qu'une découverte sera faite et que rien ne soit déplacé avant mon arrivée.

En attendant, voici quelques détails sur celui qu'on vient de rencontrer.

En arrivant à huit mètres de profondeur à travers un sol tout de remblais, dans une des tranchées que l'on creuse pour les fondations du nouveau lycée, on a atteint un massif de maçonuerie assez considérable; c'était une bypogée ou chambre sépulcrale.

Il constituait un caveau long de 3 mètres, large de 1 mèt. 20 c. et haut de 1 m. 40 c. Il avait pour plafond sept dalles juxtaposées longues de 1 m. 80 c., larges de 0,50 c., épaisses de 0,30 et assez semblables à celles qu'on exploite à Draria. Sur ces dalles, on avait maçonné une calotte en blocage de 0,40 c. à son maximum d'épaisseur; de sorte que ce caveau, vu de côté, et alors qu'il n'était pas encore enfoui, représentait un cube coiffé d'une calotte sphérique.

Les parois étaient en blocage et recouverts intérieurement d'un enduit hydraulique bien conservé et tel qu'on l'observe dans les citernes antiques. Sur trois de ses côtés, le haut de la paroi était en retraite de 0,30 c., ce qui faisait trois espèces de tablettes séparées du plafond par un intervalle de 0,30 c. La plupart des objets trouvés avec le défunt étaient dispersés ça et là. Ces tablettes remplaçaient donc les colombaires ou niches qu'on rencontre ordinairement dans les hypogées et dont on peut se faire une idée par celles que l'on voit journellement dans les chambres des maisons mauresques.

La tête du squelette était du côté de l'est, sa forme, les dimensions et l'état des sutures indiquent un adulte, probablement une femme. Les dents, dont ils ne manquent que quelques-unes sur les côtés, sont assez belles. La forme de la boîte osseuse, appréciée d'après le système de Gall, donnerait une bonne idée de l'in-telligence du sujet.

Pour compléter cette notice, je vais y joindre l'énumération des objets recueillis dans l'hypogée.

1. Squelette d'un adulte, sauf la tête dont il a été question toutà-l'heure, les os étaient fort mal conservés.

2o. Grand plat en poterie rouge, large de 0, 60 c., haut de 0,08 c. 3o. Plat en poterie rouge, posé sur un cercle adhérent qui lui sert de pied, large de 0,31 c. et haut de 0,08 c. On lit intérieurement, au centre: C. IVL... (?). Le rebord est orné extérieurement de quatre têtes, de deux guirlandes et de deux génies ailés qui paraissent tenir une torche renversée. 、

4o, 5o, 6o. Trois assiettes en poterie jaune. Diamètre, 0,17 c.

7, 8°. Deux assiettes de même páte, à pied. Diamètre, 0,14 c.

9, 10, 11. Trois vases très-minces, à deux anses, ou diota (à deux oreilles), en poterie rouge d'une très-jolie forme, avec ornements en 'relief sur la panse. Ce sont des espèces de ramuscules recourbés, terminés par une feuille ou une baie unique accompagnée de trois globules.

12, 13°. Deux petites lampes en poterie jaune, lucernæ. Sur l'une d'elles on voit une panthère sous un arbre. A la base, légende illisible en creux au-dessus de laquelle on voit un X en relief.

14. Belle lampe en poterie jaune, à deux becs. Au-dessus de l'anneau, appendice triangulaire en forme de dent d'ancre dont la partie antérieure est remplie par une espèce de tête de méduse, vue de face. A la base, ont lit: CONT. RES. Diamètre, 0,25 c. d'avant en arrière, et 0,11 c. sur le petit côté. Hauteur, au plan supérieur de la lampe proprement dite, 0,05 c., et 0,15 c., en comptant de la base de ladite lampe au sommet de l'appendice.

447, 148, 449. Trois unguentaria, vulgairement appelés lacrymatoires, en verre, dont un cassé. Hauteur, 0,16 c. Diamètre, 0,04 c. à la base.

450. Peigne (pecten) en ivoire dont les dents sont presqu'entièrement détruites. Sa forme est celle des peignes encore usités parmi les indigènes. Longueur, 0,11 c.; largeur, 0,05 c.

451. Couteau en fer, long de 0,38 c., dont 0,12 c. de soie. La lame est large de 0,06 c. en haut et se termine en pointe. La soie se recourbe en hant du coté du tranchant.

452. Fragment supérieur d'un couteau semblable au précédent. 453. Troisième couteau, également en fer, long de 0,34 c., dont 0,12 c. de soie. Lame large de 0,04 c. en haut et terminée en pointe.

454. Quatrième couteau de très-petite dimension: long de 0,07 c. Il lui reste un peu plus d'un centimètre de soie. La lame est large de 1 c. 112 en haut et se termine en pointe.

455. Couteau-serpette long de 0,12 c. Il reste 0,02 c. de soie. 456. Clous et divers fragments en fer.

N. B.

Les numéros qui figurent en tête de chacun des articles précédents sont ceux du catalogue du Musée.

STORA.

On nous écrit de Stora, 17 mai 1862:

« J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint le fac-simile d'une inscription romaine que j'ai copiée sur un fragment de table de

« PrécédentContinuer »