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pourquoi m'as tu appelé ? Il vous traite même très-rudement pour peu que l'hésitation continue.

Il y a encore un autre système: on enferme une araignée et un cloporte dans une bofte et on les questionne. L'araignée se charge des réponses!

Enfin, il est un système de Fal beaucoup plus simple que tout le reste. Si l'on désire une prompte solution sur un sujet quelconque qui préoccupe vivement, on sort de chez soi, on prête l'oreille avec soin aux paroles qui peuvent échapper aux passants dans la rue. Les premières que vous entendez sont la réponse à ce qui vous occupe. Si ce n'est pas certain, au moins ce n'est pas com pliqué.

On conçoit, après avoir la ce qui précède, que nous nous bornions à l'office de rapporteur et que nous ne nous hasardions nullement à garantir les faits; tout ce que nous garantissons, c'est que ceux de qui nous les tenons y croient fermement. Et pourquoi pas, au fait. Il n'y a qu'une chose réellement difficile à croire: c'est la vérité.

A. BERBRUGGER. (1)

(1) Publié le 6 mai dernier dans l'Akhbar, avec les initiales de l'auteur L. A. B. (Louis-Adrien Berbrugger)

VOITURE L'AFRICAIN.

Eu parcourant la Biographie universelle à la recherche des hommes d'Afrique, je tombai sur ce passage d'un article relatif au beľ esprit Voiture, un des ornements de l'hôtel de Rambouillet, dans le 17 siècle.

« Les lettres dans lesquelles Voiture décrit son séjour en Espa<< gne et son excursion en Afrique sont assurément des meilleures « qu'il ait écrites. Elles offrent des détails pleins d'intérêt et sont d'un style naturel. »

Cela étant signé d'un nom respectable, je crus avoir mis la main sur une nouvelle source d'informations pour cette époque aussi pauvre au point de vue historique que sous le rapport social, la période qui correspond à la domination turque dans l'Afrique septentrionale.

Armé de la plus récente édition des œuvres de Voiture, celle d'Ubicini (Paris, 1855), je me mets à la recherche des lettres de Fannée 1633, époque où notre auteur vint visiter l'Afrique. Hélas! voici tout ce que j'y pus découvrir :

Dans l'épître 53 (tome 1, p. 161), adressée à Mi Paulet, cette autre illustration de l'hôtel Rambouillet, que la fierté de ses sentiments et la couleur de ses cheveux avaient fait appeler la Lionne, il écrit de Ceuta, à la date du 7 août 1633 :

« Au cas que j'obtienne un passeport que j'espère, à Tétouan, et a que les Alarbes (Arabes) qui couvrent cette campagne ne rom«pent pas mon dessein, j'aurai le plaisir de voir dans quelques jours une ville toute peuplée de turbans, un peuple qui ne jure « que par Allah, et des Africaines qui n'ont rien de barbare que le nom, » etc., etc.

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Au bas on lit: VOITURE L'AFRICAIN.

Il parait que le passeport attendu ne vint pas ou que les Alarbes ne laissèrent pas la route libre; car le 16 août nous retrouvons Voiture à Séville, d'où il avait déjà écrit le 1o du même mois. En quinze jours, il avait fait la route de cette ville à Ceuta et retour. Son odyssée africaine fut donc encore plus courte que celle de Henri Murger. Elle fut surtout plus stérile, ainsi qu'on va en juger.

Dans les deux seules lettres qu'il date de Ceuta, il n'est pas ques

tion de l'Afrique; pas un mot même de Ceuta, où il dut cependant passer quelques jours. Voiture ne semble avoir traversé

le détroit de Gibraltar que pour avoir le droit d'écrire à

Mile Paulet, après force galanteries:

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Vous devez être bien aise de voir, des poulets (billets doux)

« de Barbarie... >>

Dans une lettre adressée du même lieu et à la même date, il

annonce à Mlle Paulet l'envoi de plusieurs lions en cire rouge;

et là-dessus redoublement de fadaises et d'équivoques sur le sobriquet de lionne qu'on donnait à son aimable correspondante.

Il' signe cette fois Léonard (de leon, lion!), gouverneur des lions du roi de Maroc.

Après cette fructueuse excursion sur les côtes de l'antique Mauritanie Tingitane, Voiture va s'embarquer à Lisbonne, au mois de décembre 1633, au risque de tomber entre les mains des corsaires barbaresques qui infestaient alors tous ces parages. Comme le navire où il effectua son passage était chargé de sucre, il ne manque pas cette occasion de faire de l'esprit à la mode du temps:

« Si je vais à bon port, écrit-il à Me Paulet

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j'arriverai >> corfit; et si, d'aventure, je fais naufrage avec cela, ce me » sera au moins une consolation de ce que je mourrai en »'eau douce. >>

On dira peut-être que ce badinage de mauvais goût est excusable, puisqu'il était destiné à ne point dépasser les bornes de l'intimité. Ce n'est point du tout le cas; une lettre de Voiture était un événement littéraire, presqu'autant qu'une épitre de Balzac, le grand épistolier de France. On la lisait publiquement et on la commentait à l'hôtel de Rambouillet; elle circulait dans tous les salons de l'époque. L'auteur le savait bien; et ses moindres billets étaient, in petto, destinés à la postérité; aussi, il faisait de son mieux.

Après avoir accompli la tâche très-courte de rendre compte du voyage de Voiture en Barbarie, n'abandonnons pas notre africain sans un mot de biographie, car, si peu qu'il soit resté dans ce pays et si peu qu'il en ait parlé, il appartient à la galerie des Européens qui l'ont visité, et cela suffit pour lui donner droit à la mention de rigueur.

Vincent Voiture est né à Amiens en 1598, d'un riche marchand de vins qui suivait la cour. Il appartint à la maison

de Gaston d'Orléans, qui, entre autres msions délicates, lui confia celle d'aller négocier en Espagne pour obtenir du duc d'Olivarès des secours contre le roi de France, frère dudit Gaston. C'était une belle et bonne trahison qui pouvait conduire son homme droit au gibet; mais dans ces temps de troubles, on ne s'arrêtait pas à de pareils scrupules: Voiture s'en tira en homme d'esprit cette fois et passa heureusement entre les corsaires barbaresques et la potence nationale.

Il parlait si bien la langue castillane qu'une pièce de poésie qu'il composa dans cet idiome put être attribuée à Lope de Vega par les Espagnols eux-mêmes. Avec cette connaissance et son séjour de quinze mois à Madrid ou en Andalousie, il pou vait faire mieux sur ces contrées que ce que l'on rencontre dans ses lettres.

Mais il était trop préoccupé de plaire aux précieuses de l'hôtel de Rambouillet, et sa recherche continuelle du bel esprit étouffa le bon esprit qu'il aurait fallu pour raconter et décrire simplement les choses intéressantes qui lui passaient sous les yeux.

Heureusement pour sa mémoire, Voiture fut un homme de bien et d'honneur, un excellent ami. Au point de vue littéraire, il contribua même à polir notre idiome alors assez barbare et à préparer cette belle langue française du dix-septième siècle. Ce sont là des titres réels et qui font pardonner les fautes de goût qui se remarquent dans ses œuvres épistolaires non moins que dans ses poésies.

Le mercredi, 27 mai 1648, Voiture mourut à Paris, rue SaintThomas-du-Louvre, d'une fièvre qui lui prit pour s'être purgé ayant la goutte. Il fut enterré à Saint-Eustache.

Lorsque Voiture faisait à Ceuta sa courte et stérile excursion, le père Dan, supérieur des Mathurins de Fontainebleau, se mettait en route pour venir ici travailler à la rédemption des captifs. Le hasard se plaisait ainsi à placer en regard, sur le même terrain, le religieux dévoué, le futur historien de la Barbarie et le bel esprit frivole qui ne fit qu'apparaître ici et partit sans avoir rien vu ou du moins rien retenu.

A. BERBRUGGER.

HAROUT ET MAROUT.

La Bibliothèque d'Alger a reçu récemment de M. de Toustain Dumanoir, outre quelques médaillons et monnaies, une amulette tumulaire assez curieuse pour que nous en parlions ici avec détail.

Cette amulette, gravée en relief sur une planchette d'environ neuf centimètres sur sept, a été trouvée, en 1832, dans une des tombes de l'ancien cimetière musulman, à l'époque où ce lieu de` sépulture devenait le Jardin Marengo et à l'endroit qui est en train de devenir le Lycée impérial.

Le heurz dont nous allons entretenir le lecteur, contient au centre un fragment, de verset du Coran, encadré dans un filet formé par la prolongation de quelques-unes des lettres appartenant aux noms propres gravés aux angles du cadre.

Voici ce qu'on y lit, d'après la traduction de M. Bresnier :

Au milieu du cadre : :- « Et lorsque vous luâtes un homme et que vous disputâtes à son sujet... Mais Dieu manifestera ce que vous cachiez. » (Coran, ch ap 2o, v. 67).

A la bordure et aux angles du cadre :

Gabriel, Michel, Asrafil, AZRAÏL;

MAROUT, HAROUT;

YADJOUDJ, MADJOUDJ.

Parmi les personnages cités ici, Gabriel, le messager de Dieu auprès de Mahomet, lors de la révélation du Coran; l'archange Michel; Asrafil, un des Séraphins Azrail, l'ange exterminateur bien connu, ainsi que Gog et Magog, personnification orientale des peuples du Nord, ne pouvaient causer aucun embarras.

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Mais Harout et Marout, qu'étaient-ils ? les indigènes que nous avions sous la main ne les connaissaient pas et la Bibliothèque orientale de d'Herbelot était muette sur leur compte. Par bonheur, le Coran, cette mine de renseignements inépuisable, vint à notre secours et nous fournit, dans son chapitre 2, le verset que. voici :

96.....« Ils enseignent aux hommes la magie et la science qui avait été donnée aux deux anges de Babylone, Harout et Marout. Ceux-ci n'instruisaient personne dans leur art sans dire: Nous sommes la tentation; prends garde de devenir infidèle! Les hom

Revue Afr., 6° aunée, no 34.

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