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» Toule âme goûte la Mort. Mais vous recevrez votre salaire au » jour de la résurrection. Celui qui aura évité le feu, et qui › entrera dans le Paradis, celui-là sera bien heureux ; car la vie d'ici-bas n'est que déception! >>

(Sour. III, v. 182.)

D ―

Il est le Dieu vivant ! Il n'y a pas d'autre Dieu que lui : In» voquez-le donc, en lui offrant un culte pur. Gloire à Dieu, Mattre » de l'Univers !» (Sour. XL, vers. 67)

(La suite au prochain numéro)

Ch. BROSSELARD.

DE BOGHAR A TLEMCEN,

EN SUIVANT LA LIGNE DES POSTES.

(Septembre 1861)

Quand on quitte Boghar pour se rendre à Téniet el-Had, on entre presque immédiatement dans cette magnifique forêt de pins entremêlés de chênes, qui couvre la majeure partie du pays montagneux occupé par les Oulad Antar. Le détour sur l'Est, qu'on fait pour contourner la crête rocheuse au pied de laquelle s'assied Boghar, est aujourd'hui rendu accessible aux charrettes, par une route qui n'a qu'un tort, celui de ne se prolonger qu'à quinze ou seize kilomè-tres de sa tête de ligne.

A partir de ce point, la route se transforme en un sentier, qui, par une pente assez rapide, vous conduit au Gueblia, sorte de col, d'où la vue s'étend sur un triple horizon: au Nord, des montagnes boisées; à l'Est, les fertiles vallées qu'arrose le Chélif; au Sud, les plaines arides et sans fin de Tagguin. C'est un coup-d'œil qu'il faut saisir au passage, car il ne dure que quelques secondes. On rentre aussitôt sous bois; mais, à cinq ou six kilomètres plus loin, les massifs de chênes s'éclaircissent, le pays se dénude, et quand on arrive à la kherba des Oulad Helal, on n'a plus devant soi et à ses pieds qu'une terre nue et sans ombrages.

Les ruines considérables qui gisent en ce lieu ont déjà été décrites par M. le lieutenant B......, et par M. Mac-Carthy, dans le n° 11 de la Revue africaine (tome II, page 412). Je n'en dirai que peu de mots.

Elles couvrent un plateau s'inclinant vers le midi, dominant d'autres plateaux, dont la série se perd dans les steppes lointaines, et dominé lui-même par un mur de roche à pic. Une fontaine jaillit du milieu presque des ruines. Tout autour et dans un rayon assez étendu, s'alignent d'antiques et solides fondations de murs, s'entassent des blocs de pierres de taille, des tronçons de colonne, un piédestal assez bien conservé, un reste de forte muraille en béton, partie debout, partie détachée de l'édifice dont elle devait autrefois former un des côtés. De toutes ces pierres amoncelées à fleur de sol, pas une ne porte d'inscription. Des fouilles pourront seules, sans doute, révéler, un jour, le nom et l'histoire de cette localité. En attendant ces recherches ultérieures, bornons-nous à répéter,

après M. Mac Carthy, que ce devait être là un de ces postes desti nés, avec celui de Tiniradi 'Berrouaguïa) et Saneg (Usinaza),'à protéger la ligne stratégique qui enfermait le cours du Chélif.

De là, la chaîne se continue à travers le pays des Derrak et des Oulad Siouf, en longeant les pentes méridionales du Djebel Achaouen, et conduit à l'oued Rou-Zar'ou, où se remarque une fontaine dont la bâtisse a un cachet tout-à-fait romain. Quelques médailles ont été trouvées en ce lieu par le caïd de l'endroit. Il y a d'ici à Boghar environ six kilomètres.

A 8 kilomètres plus loin, dans la direction du nord-est, se trouve Taza, forteresse bâtie par l'émir Abd el-Kader, et détruite de fond en comble par les troupes françaises, sous les ordres du général Baraguay d'Hilliers.

L'aspect des lieux est des plus désolés. Une ceinture de collines, aux pentes abruptes du côté du nord, aux croupes arrondies dans toutes les autres directions, enserre la fertile vallée qui dominait la forteresse. Celle ci est construite sur une étroite plate-forme, adossée à mi-côte du flanc méridional du Djebel-Achaouen. Inattaquable sur ses derrières, elle rayonne dans tous les autres sens. On dirait une vedette toujours prête à hisser à temps le signal d'alarme, de quelque côté que se présente l'ennemi. La position, comme poste militaire, ne pouvait être mieux choisie. Et pourtant, son existence n'a été que d'un jour. Des pans de murailles et des pierres qui, sur le chantier, semblent encore attendre la main qui devait les façonner et les mettre en place, voilà tout ce qui reste de cette création de l'Emir, œuvre détruite avant même d'être achevée.

La forteresse a la forme d'un losange de 60 mètres de long sur 25 mètres de large. Parallèlement au mur extérieur, à une distance de 4 mètres, se développe un mur intérieur formant, avec le premier, une espèce de couloir, le long duquel règnent d'étroites chambres ou casemates. A l'intérieur, sont deux cours séparées, dans le sens de leur largeur, par un corps de bâtiment qui servait de résidence à Abd el-Kader et à ses principaux chefs. On voit encore les restes d'une chaire ou tribune en pierre, sur laquelle s'asseyait l'Émir aux jours où il rendait la justice. Les parois des murs de l'habitation particulière sont revêtues d'une couche de plâtre, ce qui prouve qu'il régnait là un certain luxe.

Au bas de la plate-forme et à l'ouest, est un moulin mû par les eaux qui s'échappent d'une déchirure pratiquée à une cinquantaine de mètres en amont, dans la montagne. Ce moulin fut aussi l'œuvre

du tils de Mahi ed-Din; mais le sort des armes ne lui permit pas de P'utiliser. Il fut, plus tard, achevé par un colon français, dont le fils l'ocupe encore aujourd'hui.

Un peu au-dessus, est une autre maison, servant actuellement de grange, et qui a, chose à noter, une origine tonte britannique. C'est un trait de plus à ajouter à l'originalité qui, de tout temps, a caractérisé nos voisins d'Outre-Manche. Il est, en effet, difficile de concevoir un site plus désolé, une nature plus morne que celle qui Vous entoure. L'idée de venir établir là sa résidence ne pouvait germer que dans la tête d'un Anglais. Et pourtant, l'Anglais, luiinême, déserta les lieux le jour où sa bâtisse fut finie. Depuis, il n'a plus reparu. Une nature propre à donner le spleen avait guéri le spleen. C'est encore de l'homœopathie. Mais poursuivons notre marche.

Sur un plateau inférieur, inclinant à pentes douces vers le fond de la vallée, se voient les ruines de l'ancienne ville de Taza, bâtie, en l'année 700 de l'hégire, par l'émir Djafer ben Abd-Allah, comme le constate une inscription recueillie en ce lieu. La pierre, sur laquelle on lit le nom du fondateur et la date que nous venons de citer, a été transportée à Téniet el-Had. Ces raines, comme généralement tout ce qui est d'origine arabe, à l'exception toutefois des monuments de Tlemcen, n'ont aucune importance. Un second moulin, mais moins avancé que le premier, montre encore ici avec quel tací judicieux Abd-el-Kader savait choisir parmi nos inventions celles qui devaient le mieux et le plus facilement être acceptées de son peuple (1).

Je ne dirai rien de Téniet el-Had, qui git, sur trois plans différents, le bureau arabe, la redoute et la ville, au fond d'un entonnoir, et semble se reposer du soin de sa renommée sur ces superbes cèdres dont le front, comme une couronne royale, se dresse altier jusque sur ses plus hautes cîmes. Mais, il m'a paru que la hache du bûcheron y faisait de terribles ravages. C'est pitié de voir tant de ces géants des forêts abattus et couchés sur le sol qu'ils recouvraient naguère de leur ombre. Il y a encore le Rond-Point. Puisse-t-il, lui du moins, échapper à cette fièvre de destruction qui ne rappelle que trop souvent, dans ce pays, le vandalisme d'une autre époque.

(1) Voir, sur Taza, le compte rendu de l'expédition faite par notre armée au printemps de 1841, dans le Moniteur algérien. N. de la R.

DE TENIET EL-HAD A TIHABET.

Les premières ruines que l'on rencontre sur cette route sont celles d'Aïn-Teukria, à 28 kilomètres sud-ouest de la première de ces villes. Elles s'étendent sur un espace considérable, le long et au bas d'une colline faisant face au levant. Beaucoup de moellons, quelques grosses et grandes pierres à peine ébauchées, deux ou trois fûts de colonne, de nombreuses substructions de murs, surtout dans la partie supérieure, et dont l'épaisseur dénote une certaine importance, voilà tout ce qu'on rencontre. Point de vestiges de poterie, pas d'inscriptions.

Un bordj, occupé par le bache-agha, s'élève naturellement sur l'emplacement même d'anciennes ruines, dont les pierres ont servi à la nouvelle construction. A une centaine de mètres à gauche, on remarque un bâtiment où tous les jours les enfants de la tribu viennent recevoir, de la bouche de deux sergents français, les premiers éléments de l'instruction primaire. A droite, est la fontaine. L'état de nature vierge dans lequel se trouve le rocher qui la domine et lui sert de dôme, porte à croire que, même au temps où AïnTeukria était une ville, il n'existait là aucun travail d'embellissement, bien que les abords n'en soient pas très accessibles pour une population un peu nombreuse. Un bassin devait sans doute recevoir les eaux à leur sortie de terre; c'est ce que sembleraient indiquer les monceaux de pierres qui en obstruent l'approche. Au reste, que pourrait ajouter à leur bonté, à leur limpidité, à leur abondance, le travail de l'homme ? L'œil aime à les voir ainsi sourdre en bouillonnant du rocher qui les emprisonne, et c'est encore avec plaisir qu'on suit leur mince filet d'argent serpentant entre deux rives verdoyantes, le long de la vallée qu'elles fertilisent et vivifient.

D'Aïn-Teukria, la route se continue à travers un pays plat et complètement déboisé, mais très fertile en grains. Notons, en passant, la fontaine d'Aïn-Asfah qui se trouve à l'entrée de la plaine de l'Oued-Bordj; à droite, sur le sommet d'un plateau, la maison de commandement des Oulad Bessem-Cheraga, et à gauche la Koubba du marabout Sidi Mohammed ben Tamra.

Après une marche de 15 kilomètres environ, on arrive à dïnTesemsil.

Deux fontaines, une au levant et l'autre au couchant, sortent du pied du mamelon sur lequel se trouvent d'importantes ruines.

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