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quelque marabout investi des mêmes attributions météorologiques' (V. ci-après, p. 159). Que des chrétiens viennent à fréquenter assidûment la localité, dans des circonstances analogues, et ils auront bientôt quelque chapelle, in periculo venti. Tout change et rien ne meurt!

On voit qu'il y a rapport parfait entre notre dédicace et le lieu où elle avait été rédigée.

Avant de terminer ce long article, il faut aller au-devant d'une objection. Il est question de victime dans le document que nous commentons; là-dessus, quelque érudit dira qu'on faisait seulement des libations de vin pur aux génies et non des sacrifices sanglants. I citera même à l'appui de son assertion, le fundo merum genio de Perse; le madeatque mero de Tibulle.

Il est vrai qu'Horace viendrait à la rescousse en nous fournissant son:

... Cras genium mero

Curabis et porco bimestri.

D'abord, il ne s'agit pas ici du gardien de l'homme, mais d'un Génie de la montagne. La différence des attributions devait motiver des variétés dans le culte.

Quoi qu'il en soit, voici un nouveau document épigraphique dont la science doit la révélation à M. Eugène Guès, qui nous a fait connaître naguère la colonne milliaire où l'on trouve la meilleure preuve qui ait été produite, jusqu'ici, de la synonymie d'Auzia et d'Aumale. C'est avec les renseignements fournis par cet honorable correspondant de la Société historique Algérienne, que nous avons rédigé l'article qu'on vient de lire. Si le lecteur y trouve quelque intérêt, c'est donc lui qu'il en doit remercier. Nous ne gardons à notre compte que les risques et périls du commentaire.

A. BERBRUGGER.

LA PREMIÈRE PROCLAMATION

ADRESSÉE PAR LES FRANÇAIS AUX ALGÉRIENS.

1830.

Notre honorable correspondant, M. le docteur Leclerc, nous fait parvenir la communication suivante:

J'ai l'honneur de vous envoyer, pour la Société Historique, une pièce qui l'intéressera sans doute, et qui pourra peut-être prendre place dans la Revue: c'est une proclamation adressée par le maréchal Bourmont aux Arabes, lors de l'expédition d'Alger. Il se pourrait qu'elle manquât même à la Bibliothèque d'Alger (1), et les renseignements que je vais vous communiquer expliqueront comment je l'ai trouvée à Amiens, ainsi qu'une autre, que je pourrai aussi vous adresser, pour être également insérée dans la Revue. » Ces renseignements sont consignés sur d'autres exemplaires de la Bibliothèque d'Amiens.

» Le marquis de Clermont-Tonnerre, colonel d'état-major (d'une famille de Picardie), avait été chargé par le Ministre de la guerre de préparer les états nécessaires pour l'expédition d'Alger. La connaissance de la langue arabe rendait ce travail plus facile au colonel. Ses relations avec les habitants du midi de la France; les communications bienveillantes de plusieurs consuls, officiers et voyageurs, Américains, Anglais et Hollandais, lui permirent d'achever l'étude du terrain qui environne Alger. Vers le mois de janvier 1830, M. de Clermont-Tonnerre fut autorisé à former, au Ministère de la guerre, un bureau spécial pour l'exécution des cartes et plans de campagne. M. Foltz, capitaine d'état-major, fut chef de ce bureau. A la fin de mai 1830, le comte de Bourmont chargea le colonel de Clermont-Tonnerre de faire lithographier une proclamation en arabe. M. de Sacy donna le texte, dans l'idiome d'Afrique. Les proclamations furent imprimées par Engel

maon.

(1) La Bibliothèque d'Alger en possédait déjà des exemplaires, ainsi qu'il sera expliqué plus loin.

» Cette proclamation figure dans le catalogue de la bibliothèque de M. de [Sacy, tome 1, no 5757, dernière page, avec cette indication:

» Proclamation aux habitants d'Alger et aux Quahaïls (1).

» Il y a deux éditions de cette pièce: celle-ci, lithographiée sur colombier et entourée d'ornements orientaux, les armes de France en tête; l'autre édition,d'un format plus petit, sur papier dit carré, et contenant vingt-six lignes de texte. C'est probablement cette dernière qu'on répandit chez les Arabes, après le débarquement, en l'attachant aux buissons (V. Rozet).

Il n'existe, à ma connaissance, aucune édition française de cette pièce, mais on en trouve le texte arabe imprimé dans la Chrestomatie de M. Humbert.

» Ces deux éditions sont à la Bibliothèque d'Amiens, qui les a reçues de M. de Clermont-Tonnerre. Sur la grande, il y a une traduction interlinéaire faite à la main. La petite est celle que je vous envoie : l'exemplaire de la Bibliothèque d'Amiens a les armes de France coloriées. Les deux pièces ne diffèrent l'une de l'autre que par un seul mot, à part la disposition des lignes.

» J'ai pensé qu'il était inutile de vous adresser une traduction que vous ferez aussi bien que moi; j'ai seulement placé en regard du texte quelques) mots de la traduction originale interlinéaire, soit pour en reproduire l'esprit, soit pour aider à l'intelligence de quelques mots arabes mal écrits. Cet exemplaire m'a été donné par M. Garnier, bibliothécaire de la ville d'Amiens, dont il était la propriété.

« Docteur LECLERC. »

Nous ajouterons les renseignements suivants à ceux qui viennent de nous être fournis par M. le docteur Leclerc sur la première pièce officielle adressée par la France aux Algériens.

M. Merle, secrétaire particulier du comte de Bourmont pendant l'expédition de 1830, raconte, à la page 121 de ses Anecdotes sur la conquête d'Alger, ouvrage publié à Paris, en 1831 que le premier prisonnier arabe fait par l'armée française était un bomme de Biscara. On le relâcha presque aussitôt et on le conduisit sous

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(1) Je crois qu'il y a ici une erreur de la rédaction du catalogue, et qu'il faut lire: tribus, au lieu de: quabaïls. Du reste, le mot tribus se trouve sur la proclamation.

escorte jusqu'en dehors du camp, après avoir bourré sa besace de vivres et de proclamations en langue arabe, dons auxquels le général en chef voulut bien ajouter une petite somme d'argent. Cet excès d'honneurs et de générosité lui devint promptement fatal; il avait à peine dépassé nos lignes de quelques centaines de pas, qu'un groupe de Bédoins, sur l'ordre d'un janissaire, se jeta sur lui, et qu'il fut, en un instant, dépouillé et massacré.

M. Nettement, à qui l'on doit une excellente histoire de la conquête d'Alger, donne, de son côté, les détails suivants sur ce même fait des proclamations françaises adressées aux Indigènes. On lit à la page 250 de son livre :

« La proclamation que le commandant en chef avait adressée » aux populations, et qui avait été répandue dans les États algériens » par les soins de MM. de Lesseps, envoyé de France à Tunis, » et Raimbert, d'Aubignose et Gérardin, envoyés secrets, avait » produit un bon effet pour atténuer les antipathies religieuses. » On pouvait compter sur la neutralité sympathique de Tunis et » de Maroc. >>

Selon le même auteur, le plus jeune fils de M. de Lesseps avait été envoyé à Tabarque, pour être plus à portée d'introduire ces proclamations dans les États algériens. Une de ces proclamations disait aux Arabes, d'après M. Nettement:

« Nous, Français, vos amis, nous partons pour Alger, nous » allons chasser les Turcs, vos tyrans, qui vous volent vos biens et » ne cessent de menacer votre vie. »>

Nous n'avons jamais eu sous les yeux le document où ce passage devait se trouver, mais nous en connaissons un autre qui a été répandu à profusion par tout le pays, celui dont parle M. Nettement, sans doute, car, nous le tenons précisément de M. Raimbert, une des personnes citées par cet auteur comme ayant été chargées de le faire parvenir sur tous les points de l'Algérie.

Cette pièce, qui participe de l'intérêt qui s'attache aux origines de notre domination en Algérie, n'a jamais été publiée, à notre connaissance. Nous en offrons aujourd'hui la traduction aux lecteurs de la Revue Africaine; elle est l'œuvre de notre collègue M. Bresnier, dont le nom est une garantie d'exactitude en pareille matière.

A. BERBRUGGER.

PROCLAMATION EN ARABE

ADRESSÉE PAR LE GÉNÉRAL DE BOURMONT,

Général en chef de l'expédition d'Alger,
Aux habitants de la ville d'Alger et des tribus, en juin 1830.
Traduction littérale par M. Bresnier.

Au nom du Dieu qui crée et fait retourner à la vie. C'est de lui que nous implorons notre secours.

Messeigneurs les Cadis, Chérifs, Eulama, Chefs et Notables, agréez de ma part le plus complet salut, et les vœux les plus empressés de mon cœur, avec des hommages multipliés.

Sachez (que Dieu vous guide vers la justice et le bien !) que Sa Majesté le Sultan de France, que je sers (puisse Dieu rendre ses victoires de plus en plus éclatantes!), m'a fait la faveur de me nommer général en chef.

O vous, les plus chers de nos sincères amis, habitants d'Alger et de toutes les tribus marocaines (sic) dépendant de vous (1), sachez que le Pacha votre chef a eu l'audace d'insulter le drapeau de la France qui mérite toute sorte de respects, et a osé le traiter avec mépris. Par cet acte d'inconvenance, il est devenu la cause de toutes les calamités, de tous les maux qui sont prêts à fondre sur vous, car il a appelé contre vous la guerre de notre part.

Dieu a enlevé du cœur de Sa Majesté le Sultan de France (que le Seigneur perpétue son règne!) la longanimité et la miséricorde qui lui sont habituelles, et qui sont universellement reconnues. Ce Pacha, votre maître, par son peu de prudence et l'aveuglement de son cœur, a attiré sur lui-même une terrible vengeance. Le destin qui le menace va s'accomplir, et bientôt il va subir l'humiliant châtiment qui l'attend.

Quant à vous, tribus des Marocains (i. e. des Arabes et des Kabiles de l'Algérie), sachez bien et soyez pleinement convaincus

(1) En se servant du mot Mar'áriba le rédacteur de ce document a cru dire les Maugrebins, les habitants du Magreb, ignorant que dans l'usage vulgaire il se prend toujours pour désigner les Marocains. Note de la R.

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