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Entre les nations, grande, prédestinée,
Tu portes fièrement ton nom de fille aînée,
France de Tolbiac, et ton destin est beau!
Le Seigneur t'a donné le glaive et le flambeau :
Le glaive pour frayer une route aux idées
Qui dans ton sein puissant ont été fécondées;
Le flambeau, pour porter, divine mission,
Tes célestes clartés à toute nation.
Depuis quinze cents ans, tu dis à ton pilote:
Laisse au souffle de Dieu, laisse courir ma flotte !
Et toujours elle prend le merveilleux chemin
Qui mène chez un peuple à qui Dieu tend la main.
C'est au souffle de Dieu que tu la fis descendre
Sous la blanche cité que bâtit Alexandre;

Et comme la Péri des contes musulmans
Qu'Aroun, sous un baiser, réveille après mille ans,
Sur la couche où les djinns la mirent au suaire,
Revue afr., 6° année, no 31.

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L'Egypte, quand tes pieds touchèrent l'ossuaire
Où le jaloux Omar jadis l'ensevelit,
Admit Napoléon à féconder son lit.

Mystérieux hymen où l'Isis rajeunie
S'est au monde moderne à tout jamais unie.
Car, ô France! ta main elle-même a passé
L'anneau de son veuvage au nouveau fiancé,
Et, Dieu, ce que tu fais se sacre impérissable :
Que le fauve Typhon se torde sur le sable.
Ou qu'il fouette sa lèvre au vieux sphinx indiscret
Dont les enchantements ont surpris le secret,
Que l'esprit du vertige et l'ange des ténèbres
Suscitent contre toi leurs légions funèbres;
Qu'importe le Seigneur, ô France, est avec toi ;
Poursuis l'étoile au front et marche dans ta foi.

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C'était au premier chant de la grande épopée Que traçait au désert ta flamboyante épée ; Dans l'azur étoilé perçait le Panthéon

Qui, bâti par Chéops, attend Napoléon,

Et d'où quatre mille ans contemplaient notre armée,

Saluant sa victoire à l'heure accoutumée;

Au lointain horizon, de sourds mugissements.
Heurtés de cris aigus et de hennissements,

Vibraient et s'éteignaient par égaux intervalles...

Hâtez de l'éperon vos sanglantes cavales,

Mamelouks de Mourad! - Comme un vol de démons. En tourbillons roulez par la plaine et les monts !

A vous l'espace vide et la source précaire,

A nous votre vieux Nil, à nous votre vieux Caire (1)!

Honte des Icoglans tes maîtres, ô Memphis!
Et, pour eux, à ton sein, Ismaïl et ses fils
Goutte à goutte épuisant de leurs lèvres immondes
Ton lait pur, qui jadis vivifia trois mondes.

Mais le jour est venu de ta rédemption;
Sur eux trois fois malheur et malédiction (2)!

Or, cette voix de Dieu, dans la nuit étoilée, France, par ton héros c'est toi qui l'as parlée ; Et l'on dit qu'à cette heure un nuage, en passant, Faisant ombre à la lune, en voila le croissant.

Il reprit Sainte Isis! noble prostituée,
Qu'en rêve si souvent j'ai reconstituée
Dans toute la splendeur de ta virginité,
Ton lotos à la main, ton sphinx à ton côté,
Imposant au désert d'un jeu de ta paupière,
Guidant ton Nil aux plis de ta robe de pierre,
Inclinant sous ton doigt, de Canope à Philo,
Cent générations devant ton Dieu voilé,
Devant ton Dieu sans nom, muet sous le mystère
De la triple muraille et du pylone austère
Dont les vastes parois de marbre et de granit,
Écrites au ciseau de la dalle au zénith,
Et sur l'immensité de leur longue avenue,
Déroulaient les feuillets de ta bible inconnue (3).

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Peut-être! - car, ici, dans le passé sans fond,
Le doute avec la foi s'abîme et se confond,
Peut-être est-ce où je suis qu'au bord du fleuve assise,
Tu tendis tes bras nas au berceau de Moïse,

De l'enfant avec qui, sur un lit de roseaux,
L'Esprit de l'Éternel se mouvait sur les eaux (4),
Qu'au souffle du désert opposant tes antennes,
Tu fis signe à Cécrops d'aller fonder Athènes,
Et qu'aux vents de la mer remontant le courant,
Tu jetas sur Saba Sésostris conquérant.

Sésostris le héros de ta légende étrange, Qui, parti des deux Nils, par l'Euphrate et le Gange, Le Phase et le Danube, à Pharos étonné, Reparut sur un char par douze rois traîné.

-

Quel destin, celui-là! faire mouvoir le monde ! Par la guerre qui dompte et par la paix qui fonde. Le premier après Dieu! - quel destin! et comment En es-tu, pauvre Égypte, à cet abaissement,

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