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teaux du Sahara d'Oran expliquerait la fréquence des vents de nord-ouest dans le Sahara d'Alger et de Constantine. Voici un autre indice. On sait qu'à l'intérieur d'une aire de haute pression, les vents sont souvent très faibles ou manquent tout à fait'. M. Hann, le savant directeur de l'Observatoire de Vienne, a appelé l'attention sur le nombre insolite de calmes et de vents très faibles qu'on observe en hiver au Sahara. Il a cité la période novembre-mars 1866 pendant laquelle les calmes ont réuni à Mourzouk plus de la moitié des observations. A cet exemple, on peut en ajouter d'autres. Les observations de Nachtigal à Mourzouk (novembre 1869-février 1870) donnant le résultat suivant :

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soit 45% du total. Le vent n'a pris de la force qu'en mars. Du 21 décembre 1873 au 28 février 1874, la proportion a été dans le désert libyque :

CALMES

102

0

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c'est-à-dire 61 % du total. Elle a été plus forte encore du 16 décembre 1878 à fin février 1879, entre Tripoli et Sokna:

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289

soit 67 % du total. Il est donc permis de supposer qu'une aire de hautes pressions couvre fréquemment en hiver le désert libyque et le sud de la Tripolitaine, et qu'il existe alors dans ces régions une zone de calmes et de vents divergents. Si les vents du sud ne dominent pas franchement en Tripolitaine et en Basse-Égypte, cela tient sans

1. Les calmes de l'hiver sibérien sont connus.

2. Handbuch der Klimatologie, p. 435.

3.

Ganz schwachen, gerade noch wahrnehmbaren Wind. » (Jordan, ouv, cit., p. 102.)

4. Rohlfs, Kufra, tables 1-5.

doute à ce que la différence barométrique entre le désert et la mer est peu considérable et le gradient barométrique peu stable, par conséquent de temps à autre, les dépressions maritimes envahissent le continent'. Par contre, la pression baisse sensiblement du désert à l'Afrique équatoriale, et l'air s'écoule de ce côté avec beaucoup plus de constance. On a vu que le vent du nord-est règne alors dans tout le Soudan; on peut l'appeler alizé, par analogie avec le vent de l'Atlantique, mais il mérite bien plutôt d'être comparé au Nord-Est continental qui s'échappe de l'Inde et de s'appeler, le mot est de M. Woeikof, mousson africaine d'hiver 2.

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Considérons maintenant le Sahara en été, vers le mois de juin, par exemple. La situation est renversée. Le continent est plus chaud que les mers environnantes, plus chaud également vers son centre que vers ses bords. L'air est alors plus frais, non seulement sur la Méditerranée cela va sans dire mais sur l'Atlantique et même dans l'Afrique équatoriale. La temperature moyenne de mai et de juin est de 26°3 sur le golfe de Guinée entre l'équateur et le dixième parallèle, de 26° à 27°5 à Lado'; elle atteint 32o à 33 à Kouka“, 36° à 38° dans le Sahara méridional à Kaouar. Tout le nord de l'Afrique forme alors une aire

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1. Divers voyageurs ont noté en hiver des tempêtes avec baisse barométrique. (Voir Rohlfs, Kufra, tables météor. Jordan, ouv. cit., p. 150, etc. 2. Die Klimate der Erde, II, p. 96.

3. Température moyenne à Lado (Haut-Nil, 50 Lat. N.) correction faite d'après les observations d'Emin et Casati, 1880-85 mai 27°4, juin : 26°2′. (Wissenschaftliche Ergebnisse von Dr Junker's Reisen, Peterm. Mitth, Ergänz. no 93, p. 70.)

4. Moyennes mensuelles de Kouka d'après les observations de Denham et de Nachtigal: mai: 32° 8', juin : 32°, juillet: 28° 7'.

(Nachtigal, ouv. cité, II, p. 451.)

5. Température moyenne de Chimmedrou (Oasis de Kaouar, 18° 57′ lat. N.) calculée par M. Hann: mai 1866: 38°1', 1-20 juin 1866: 36°6.

(Rohlfs, Reise durch Nord-Afrika, art. cit., p. 122.)

Ces chiffres sont sans doute un peu trop élevés par suite de l'insuffisante

protection du thermomètre.

de pressions relativement basses. Le baromètre très haut (768 millimètres) aux Açores, ce centre de dispersion des vents de l'Atlantique, haut également sur la Méditerranée (763 millimètres)', tombe à 758 millimètres dans l'intérieur de l'Algérie, à 757 millimètres au Caire. Il est probablement plus bas encore à Mourzouk, car il baisse d'une dizaine de millimètres de l'hiver à l'été. Dans le sud, la pression qui est d'environ 760 millimètres aux îles du CapVert et sur le golfe de Guinée, n'est plus que de 758 millimètres à Bakel. L'aspiration du continent africain est alors assez puissante pour modifier la circulation générale de l'air. Sur trois côtés, le vent souffle avec plus ou moins de régularité de la périphérie vers le centre, et le nord de l'Afrique s'entoure d'un cercle de moussons d'été. De la Méditerranée plus fraîche, les vents du nord les vents étésiens des Grecs se dirigent alors vers l'Afrique, d'autant plus réguliers qu'ils ont une cause permanente: la différence de température entre la mer et le désert. C'est encore une mousson d'été, cet alizé, dévié de sa route, qui souffle du nord-ouest dans le Sahara occidental. Au sud, la grande mousson pluvieuse du sud-ouest se fait sentir en été dans tout le Soudan occidental. Rien n'est plus régulier que ce renversement des courants atmosphériques, et l'on peut noter les étapes que la mousson fait à l'aller et au retour. Elle se montre d'abord sur la côte d'Ivoire au commencement de mars. Aux premiers jours d'avril, elle souffle à Sierra-Leone, à la fin du mois au Rio Nuñez et sur le Bénoué, à la fin de mai sur la Casamance; en juin, au Yakoba, au Sokoto, sur

1. Teisserenc de Bort, Etude de la circulat. atm., art. cité, p. 27.

2. Angot, Étude sur le climat de l'Algérie, B., p. 22, etc.

3. Moyenne de juillet (6 ans), 757mm,3 (correction faite de l'altitude). Jordan, ouv. cité, p. 144.

4. Hann, art. cité, p. 122.

5. Teisserenc de Bort, Atlas de météor. marit, pl. 2.

6. Borius, Les maladies du Sénégal, Paris, 1882, p. 121 et suiv. 7. Staudinger, Im Herzen der Haussaländer, Berlin, 1890, p. 662.

la Gambie1; elle atteint Gorée et Kouka dans les premiers jours de juillet; un peu plus tard, Saint-Louis du Sénégal et le coude du Niger3. Puis, quand l'automne ramène le soleil vers le sud de l'Afrique, et avec lui le foyer d'appel des vents, les souffles du sud-ouest perdent peu à peu de leur force, puis cessent tout à fait. Après une période de vents variables, les vents du nord venus du désert s'établissent, gagnent tous les jours un peu plus de terrain, et la mousson du Sud rétrograde vers le golfe de Guinée, lentement, comme elle était venue. Une mousson analogue, venue de l'océan Indien et de l'Afrique équatoriale, avance, puis recule à la même époque dans le Soudan oriental'.

1. V. Barth, Reisen, IV, p. 202, sur les pluies du Sokoto. Rohlfs, Quer durch Afrika, II, p. 162. Borius, ibid.

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Nachtigal, Sahara und Sudan, II, 350. Rohlfs, ouv. cité,

3. Borius, ibid. Barth, V, Meteor. Tagebuch, p. 745-46.

4. Cailliaud, ouv. cité. De Pruyssenaere, Reisen im Gebiete des Weissen Nil. (Mittheil., 1877, Ergänz. no 51, p. 27.)

Quel est alors exactement, dans ce grand continent d'Afrique, le centre d'attraction de l'air? On ne le sait pas encore d'une façon certaine. Dans ses cartes d'isobares, M. Teisserenc de Bort (Atlas de Météorologie Maritime, pl. 2) enveloppe le Sahara méridional dans une longue bande de basses pressions (environ 752 millimètres), qui comprend, en outre, le sud de l'Arabie, le nord de l'Inde et le Tibet. M. Woeikof (Karte der Isobaren des Juli, Klimate der Erde, II, pl. 16) figure une aire immense de 755 millimètres sur la partie nord-est de l'Afrique et l'intérieur de l'Asie, et une aire plus restreinte de 750 millimètres sur le sud de l'Arabie, le golfe Persique et le nord de l'Inde. L'Afrique du Nord ferait donc partie du grand minimum asiatique. Les vents nord-ouest de l'Égypte font croire, en effet, que l'air de cet angle de l'Afrique est attiré vers l'Asie. Mais il semble difficile qu'il n'existe pas en Afrique même un foyer d'appel. Si la pression diminuait uniformément vers l'Asie, le vent ne soufflerait pas du sud et du sud-est au Soudan égyptien.

M. Hann (Handbuch der Klimatologie, p. 432) s'exprime de la façon suivante : « Le minimum barométrique de l'Afrique semble rester en été sur le Soudan et ne pas suivre le soleil plus loin vers le nord, malgré l'échauffement intense du Sahara... Autrement, les vents du sud domineraient dans la partie méridionale du désert. »

Ici une réserve est nécessaire. En mai et en juin 1866, les vents du sud, coupés de calmes, ont eu la majorité à Kaouar. (Voir plus haut, p. 46.) Ils ont été fréquents également du 15 juillet au 8 août 1869 au Tibesti (Nachtigal, Sahara und Sudan, I, tables 8-9) et en mai 1870, sur la route de Kaouar. En 1871 seulement, les vents d'est n'ont pas cessé de régner au Borkou.

Dans l'aire de basses pressions qui couvre, en été, l'Afrique du Nord, il peut d'ailleurs se former des foyers d'appel secondaires. Une dépression de ce genre paraît exister dans l'ouest du Sahara algérien, que les remparts de l'Atlas isolent des souffles rafraîchissants de la mer. Ceci s'accorderait avec la direction générale de l'air, qui souffle du sudest à Ghardaïa, et de l'est à Gabès.

En résumé, voici donc quel serait le régime du Sahara. En hiver, une aire de hautes pressions, caractérisée par des calmes et des vents très faibles, semble occuper le nord, et quelquefois le centre du désert. Un vent du nord régulier, qu'on peut appeler alizé et que nous nommerons de préférence mousson sèche, s'en échappe vers le sud et souffle sur le Sahara méridional et le Soudan. Dans l'ouest, un autre maximum barométrique, qui se confond peut-être avec celui de Madère', s'établit sur les plateaux oranais refroidis par l'altitude de là, des vents de nord-ouest dans le Sahara algérien, du nord dans le Sahara occidental. En été, l'Afrique du nord est une zone de basses pressions, dont le minimum oscille entre le Soudan et le sud du désert; le vent souffle donc du nord du côté méditerranéen, du nordouest dans le Sahara occidental, du sud-ouest dans le sud, du sud-est sur le Haut-Nil. Comme en hiver, la saillie du Maghreb produit une anomalie: un foyer d'appel secondaire se forme à l'abri de l'Atlas.

Changeons d'hémisphère, et regardons l'Australie. Nous retrouvons en hiver un continent d'où l'air froid s'échappe

Ainsi, trois années sur quatre, le vent a soufflé du sud pendant un mois environ, et par conséquent, le minimum barométrique a dû se trouver alors dans le Sahara méridional. Ce qui s'accorderait d'ailleurs avec les moyennes thermométriques de Kaouar, bien supérieures à celles du Soudan. Toutefois, il ne s'agit là que d'un laps de temps très court, et dès la fin d'août, lorsque le soleil a repassé au zénith de Kouka, c'est au sud du Sahara que se trouve le foyer d'appel des vents.

1. Angot, art. cité, p. 24. Teisserenc de Bort, Étude de la circulation atmosphérique, p. 23.

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