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analogue à celle qui avait rejeté le trafic d'Oualata vers l'est, le commerce de Gagho avait dévié de Tadmekka détruite vers l'Aïr. Agadès, fondée par des marchands berbères, et incorporée en 1515 au royaume sonrhaï, était alors le point où les caravanes se séparaient pour prendre soit la direction. du Caire, soit celle d'Ouargla et de Constantine, soit la route du Touât qui menait à Fez, à Figuig et Tlemcen'. Il se faisait

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Voies de commerce sahariennes au début du xvIe siècle,

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à Agadès un tel commerce d'or, qu'on y avait créé pour ce métal une unité particulière, et, bien qu'il ne vienne plus aujourd'hui un grain d'or dans cette ville, on compte encore au Sahara par mithkal d'Agadès. Dans l'est, les rois de Kanem, refoulés au Bornou, ont cédé la place aux Kouka 3, venus de la rive orientale du lac Tchad, et qui paraissent avoir dominé un moment jusqu'au Fezzân. Le commerce par Kaouar se fait surtout avec l'Egypte, et se trouve entre les

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1. Léon l'Africain, fol. 73-76.
2. Barth, Reisen, I, p. 512.
3. Les Gaoga de Léon l'Africain.

Figuig était alors un marché important.

mains des gens de Ghadâmès'; le Bornou importe par cette route des armes et des chevaux 2.

Enfin, du xvi° siècle à nos jours, le commerce saharien se déplace encore une fois. L'empire sonrhaï est tombé en 1591, conquis par les mousquetaires du sultan Moulaï-elMansour, et des garnisons marocaines, devenues bientôt indépendantes, se sont installées sur ses débris. A partir de ce moment, la ruine a remplacé le bien-être 3 »; les Bambara, les Peulh, les Touâreg, ont débordé les frontières; à la place d'une nation, on ne trouve plue que des hordes, qui ravagent ces malheureux pays. Timbouctou est devenue le jouet des Touareg et des Peulh du Macina, qui se la disputent pour y lever l'impôt; la famille des marabouts El-Bakkay, trop faible pour entrer en lutte avec ces puissants adversaires, se borne à les contenir l'un par l'autre, à faire échec au maître du moment. Aujourd'hui, la ville, sans murs ni citadelle, est ainsi à tous et n'est à personne, et n'a plus que l'ombre de son commerce d'autrefois; le chiffre de sa population est tombé à une vingtaine de mille, et l'on traverse, avant d'y entrer, une large zone de ruines, qui disent ce qu'elle a souffert . Son ancienne rivale, Gagho, a disparu de l'histoire, et entraîné dans sa chute le commerce d'Agadès. La plupart des habitants de cette ville ont émigré à la fin du xvme siècle, tandis que les habitants d'Ouargla s'absorbaient dans les guerres civiles, et que les brigandages des Touareg leur fermaient la route d'Amadghor. Agadès

4. Léon l'Africain, fol. 77 A. Le roi des Kouka (Gaoga) était grand ami du sultan du Caire (fol. 80).

2. On les achetait à raison de 1 pour 20 esclaves (fol. 80, A). 3. Ahmed-Baba, Barth, Reisen, IV, p. 661.

4. Ahmed-el-Bakkay, le protecteur de Barth, était l'allié des Touareg, tandis qu'en 1880 son fils Abidin s'appuyait sur les Peulh. (Lenz, Timbouctou, II, p. 128.)

5. Ibid., pp. 137, 149. Barth parle de 13,000 habitants seulement.

6. Barth, ouv. cité., I, p. 519.

7. Duveyrier, Les Touareg du Nord, p. 286.

Cet antagonisme des Touareg et des gens d'Ouargla date de loin; on lit déjà dans Léon l'Africain :

n'est de nos jours qu'une ville morte, où de petits marchands du Touât trafiquent avec du grain': les grandes caravanes du nord, sans se détourner vers elle, gagnent directement Zinder, Tessaoua, et surtout la grande ville de Kano, devenue populeuse au commencement de ce siècle, et qui compte à l'époque des affaires jusqu'à 5,000 marchands étrangers dans ses murs 2.

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Dans l'est du Sahara, les vicissitudes politiques ont également fait prendre au commerce une direction nouvelle. Tandis que le Fezzan et le Bornou tombaient en décadence, un jeune royaume, le Ouadaï, est entré en relations avec le Nord. Les caravanes s'y rendaient à l'origine par la route de Mourzouk et du Tibesti; mais elles étaient rançonnées par ces Teda, qu'un voyageur arabe appelle « des ogres ou des diables échappés de l'enfer ». Le roi Saboun fit sonder le désert libyque pour trouver un autre chemin. Une première caravane marcha sur Dakhel et se perdit dans le désert; mais une deuxième, après des tâtonnements qui l'avaient réduite des trois quarts, atteignit en 1810 Koufra, puis Benghazi, et moins de six mois après, les marchands arabes allaient déjà au Ouadaï par cette nouvelle voie *. Aujourd'hui, grâce à l'importance croissante de ce pays, elle est devenue, en dépit de la nature, une des grandes routes du désert ".

« Ce désert est fort dangereux pour les marchands qui y passent, tels que ceux qui vont de Constantine à Kano: comme les nomades prétendent que la seigneurie d'Ouargla attente à leur domination (tocchi al loro dominio), ils sont ennemis de ce seigneur, et dépouillent les marchands qu'ils rencontrent; quant à ceux d'Ouargla, ils les tuent sans avoir d'eux pitié ni compassion.» (Descrittione dell' Africa, Sexta Parte, fol. 76, F.)

1. Barth, I, p. 435, 518 et suiv. - En 1850, la ville n'avait que 7,000 habi

tants.

2. « Une immense cité pleine d'animation et d'industrie. » (Barth, II, p. 150.) — Population de Kano en 1883 : 60 à 80,000 habitants. (Staudinger, Im Herzen der Haussalander, p. 266.

3. Mohammed-El-Tounsi, Voyages au Ouadaï, p. 534.

4. Rohlfs, Kufra, p. 83.

5. Burkhardt, Travels in Nubia, Londres, 1819, in-4, Append. I, p. 445. · Fresnel, Mémoire sur le Waday. (Bull. Soc. géog. 1849, I, p. 48-54.)

Ainsi ce ne sont pas uniquement les avantages géographiques qui ont déterminé les voies que le commerce saharien a suivies. L'aptitude particulière de telle tribu au négoce, ou ses habitudes invétérées de pillage, la ferveur religieuse qui attirait vers l'Orient d'innombrables caravanes de fidèles, et avant tout la prospérité ou la décadence des pays limi

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trophes du désert ont ouvert ou fermé au commerce les diverses routes sahariennes, et fait la fortune ou la ruine des villes qui en vivaient. Aujourd'hui encore, le trafic de chacune d'elles dépend moins de leur position géographique que de conditions purement humaines. Ces conditions méritent d'être examinées de plus près.

CHAPITRE XVII

CONDITIONS ACTUELLES DU COMMERCE

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Le commerce de ravitaillement et le commerce de transit. Conditions dans lesquelles le premier s'opère départ annuel des tribus du Sud Oranais pour le Touât; migrations analogues des tribus des steppes dans le reste du Sahara. Le sel article d'échange dans le Sahara méridional; l'Aïri et les autres caravanes du sel.

Organisation du commerce de transit. Les Modjabra d'Aoudjila et le transit du Sahara oriental. - Décadence de Mourzouk, condition précaire de son commerce avec le Tchad. Importance relative de la route de Rhât, le protectorat touâreg, rôle de Ghadâmès. Le transit par le

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Le com

Touat, alliances auxquelles In-Salah doit sa prépondérance. merce entre Timbouctou et le Maroc multiplicité des entrepôts et des tribus qui se chargent de transports, taxes de réassurance payées par ces tribus.

Valeur approximative du commerce de transit au Sahara.

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Il se fait au Sahara deux commerces très différents commerce de ravitaillement et le commerce de transit. Ils ne prennent pas toujours les mêmes routes, et ne sont pas aux mains des mêmes hommes.

Le premier s'opère dans des conditions relativement simples. Chaque année, aux approches de l'hiver, alors que les dattes sont cueillies, de longs convois, formés dans un des ksour de l'Atlas méridional', débouchent sur les plateaux monotones qui forment le Sahara d'Oran. Des milliers de chameaux de charge, divisés par petites bandes, que poussent des hommes à pied, suivis de femmes et d'enfants; d'immenses troupeaux de moutons que les chiens harcèlent, et qu'escortent des troupes de cavaliers armés,

1. D'ordinaire Moghar, El-Abiod-Sidi-Cheikh, ou Brezina.

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