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les effets curieux des vents alizés. Du tropique jusque vers le dixième parallèle, l'alizé souffle sur mer sans laisser tomber de pluies, et pourtant il pompe à la surface de l'Océan des quantités énormes de vapeurs. « Le Sahara est simplement un effet de l'alizé du nord-est » : telle est la nouvelle explication de Peschel. Dans ses remarquables études sur le climat méditerranéen 2, M. Theobald Fischer se sert presque des mêmes termes. « Le Sahara est le domaine des alizés régnant sans obstacles, dit encore M. Grisebach dans son ouvrage sur la végétation de la terre 3. Ainsi, on n'essaye plus d'expliquer l'existence des déserts par celle d'un grand courant polaire, mais on croit à un vent unique, qui dessèche le Sahara. En un mot, la cause du Sahara ne serait autre que celle qui, de Madère aux îles du Cap-Vert, met une bande de ciel bleu au-dessus de l'Atlantique.

Cette nouvelle théorie a de grands avantages sur la première. Elle est plus modeste, elle ne s'attaque qu'à la question du Sahara; elle procède d'une comparaison avec un fait incontestable : l'influence de l'alizé marin sur la sérénité du ciel; elle n'est enfin qu'une application de cette idée traditionnelle, que l'air afflue des zones tempérées vers le cercle des calmes près de l'équateur. Elle a été d'ailleurs soutenue avec énergie, et, comme toujours, certains géographes se sont montrés plus hardis que les météorologistes. Tandis que MM. Hann et Woeikof font des réserves', M. Fischer affirme que l'alizé souffle toute l'année. « Il règne sans interruption, il est d'une constance extraordinaire, écrit Peschel, qui a un faible pour les opinions absolues.

1. Ouv. cit, ibid.

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2. Studien über das Klima der Mittelmeerländer, Peterm. Mittheil., 1879, Ergänzungsheft no 58, p. 18: « Le Sahara reste toute l'année dans la zone de l'alizé, c'est-à-dire dans la zone sans pluies. »

3. La végétation du globe, traduct. de Tehihatchef, Paris, 1878, II, p. 104. 4. Handbuch der Klimatologie, Stuttgard, 1883, p. 435. Woeikof, Die Klimate. II, p. 112.

5. Pass. cité.

6. Ausserordentlich beharrlich Phys. Erdkunde, II,

p. 221.

Tout cela n'en est pas moins une simple hypothèse. Voyons si elle s'accorde avec ce qu'on sait de la direction des vents au désert.

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Il n'y a pas, bien entendu, au Sahara de stations météorologiques régulières. Ou plutôt il n'y en a qu'une, Ghardaïa, par 32° 35′ de latitude, et encore elle ne fonctionne que depuis 1888. Mais divers voyageurs nous ont laissé des listes d'observations très complètes, qui sans avoir de valeur absolue le lieu de l'observation variant sans cesse - n'en fournissent pas moins des indications précieuses. Suivant l'exemple de M. Hann, qui a utilisé les notes prises par M. Rohlfs entre Tripoli et Koufra ', et celui de M. Jordan, qui à employé de même celles de la mission du désert libyque, nous avons tiré des différents journaux de voyage des moyennes pour la direction de vents. Des renseignements plus précieux encore, car ils comprennent une période de plusieurs mois, ont été fournis par des voyageurs qui ont séjourné à Mourzouk et à Ghadàmès. On possède enfin, pour contrôler ces résultats, les chiffres de plusieurs stations situées à l'entour du désert: Le Caire, Alexandrie, Tripoli, Gabès, Biskra, Laghouat, le Cap Juby, Saint-Louis du Sénégal, Kouka et Khartoum.

Pour plus de clarté, nous avons groupé les résultats par régions: 1° le désert libyque; 2o le Sahara tripolitain et le Fezzan; 3o le Sahara algérien ; 4o le Sahara méridional; 5o le Sahara occidental, dont on sait fort peu de chose. De plus, nous avons distingué, comme on fait d'ordinaire, la période d'été de la période d'hiver.

PÉRIODE D'HIVER (OCTOBRE-MARS)

1° Désert libyque. Deux séries d'observations : Cailliaud (1819-20) et la mission Rohlfs (1873-74) ont opéré en hiver

1. Resultate der meteorologischen Beobachtungen (Rohlfs, Kufra, p.353 et suiv.). 2. Physische Geographie der libyschen Wüste, p. 147.

dans la région des oasis égyptiennes. La mission Rohlfs a rapporté un registre complet de notes prises trois fois par jour sur le parcours compris entre le Nil, Farafrah, Dakhel, Siouah et les grandes dunes à l'ouest de Dakhel. Du 21 décembre 1873, jour où l'expédition quitta la vallée du Nil, au 31 mars 1874, jour de son arrivée à Esneh, les observations se résument de la façon suivante :

FRÉQUENCE DES VENTS AU DÉSERT LIBYQUE (DÉC. 1873-MARS 1874)

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Résultat : Calmes dominants. Vents variables aucun ne réunit le quart des observations. Vents de nord-ouest les plus fréquents.

Si on retranche les observations du mois de mars, période de transition, le type de l'hiver ressort encore davantage :

MÊME PÉRIODE, MOINS LE MOIS DE MARS
N NE E SE S SW W NW Calmes
13 2 3 3 1 4 16
20 37

Frédéric Cailliaud, le grand voyageur qui a étudié à nouveau les cinq oasis égyptiennes au début de ce siècle, a été aussi un des observateurs les plus consciencieux de son temps. Il ne lui a pas suffi de prendre des mesures astronomiques et barométriques dont l'exactitude a été admirée plus tard; il a noté, chose absolument rare à cette époque, -deux fois par jour la température et la direction du vent. Ses observations peuvent donc servir à contrôler les résultats précédents.

1. Publié dans Jordan, ouv. cité, p. 103-106.

2. M. Jordan donne des chiffres un peu différents, parce qu'il tient

FRÉQUENCE DES VENTS AU DÉSERT LIBYQUE (20 NOV.-8 MARS 1819-20)

PROPORTION POUR 1001

N NE E SE S SW W NW Calmes

26 3 4. 1 1 5 16 10 34

Résultat semblable au précédent : calmes nombreux, vents d'entre nord et ouest les plus fréquents.

2o Sahara tripolitain et Fezzan. Deux séries d'observations pour le nord: Nachtigal (1879) entre Tripoli et Mourzouk; Rohlfs et Stecker (1878-79) entre Tripoli et Aoudjila.

OBSERVATIONS DE Nachtigal (Route de tripoli a MOURZOUK

Ν ΝΕ E

19 FÉV.-31 MARS 69) 2

PROPORTION POUR 100

SE S SW W NW Calmes
5 1 13 2 13 12 27 15 10
Vents variables (aucun ne réunit le quart des obser-
vations). Vents des régions Sud un peu plus fréquents
que ceux des régions Nord. Vents d'ouest les plus
nombreux.

OBSERVATIONS DE ROHLFS ET STECKER, DE TRIPOLI A AOUDJILA

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11 3 6 20 3 10 9 28 10

Vent du nord-ouest le plus fréquent. Vents des régions

Sud fréquents également (33 %).

compte des observations faites du 13 au 21 décembre, dans la vallée du Nil. Nous avons préféré les retrancher, car on sait combien les hautes berges de la vallée modifient la direction du vent.

1. Calculée d'après les observations météorologiques publiées dans le Voyage à Méroe, au Fleuve Blanc, au delà de Fazoql, dans le midi du royaume de Sennar, à Syouah et dans cinq autres oasis, Paris, 1827, IV, p. 60-68. Les vents intermédiaires, NNE, etc., ont été réduits aux 8 directions principales; on les a attribués par moitié à chaque direction adjacente.

2. Faites 3 fois par jour : matin, midi, soir. (Sahara und Sudan, 1, tables 1 et 2.)

3. Lever du soleil, 9 h. mat., 3 h. soir, après le coucher du soleil. 4. Calculée d'après le registre météorologique, Rohlfs, Kufra, tables 1-7.

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Deux séries d'observations, faites à Mourzouk par Rohlfs (1865-66) et Nachtigal (1869-70), nous renseignent sur le régime de l'hiver au Fezzân.

FRÉQUENCE DES VENTS A MOURZOUK (HIVER 1865-661)

N NE

Oct.-Mars (6 m.): 9 5
Déc.-Fév (3 m..): 9 3

PROPORTION POUR 1002

E SE S SW W NW Calmes
7 4 7 5 10 7 46
5 1 2 5 14 11 50

Calmes dominants. Vents faibles et variables
(aucun ne réunit le sixième des observations).

3

FRÉQUENCE DES VENTS A MOURZOUK (HIVER 1869-70) 3
PROPORTION POUR 100

N NE 13 Oct.-31 Mars: 8 9 Déc.-Févr. : 9 12

E SE S SW W NW Calmes
17 13 14 11 7 10 11
13 11 10 8 7 14 16

Vents très variables en hiver (aucun ne réunit le sixième des observations), un peu plus forts vers l'automne et le printemps.

On peut ajouter, à titre de comparaison, les chiffres obtenus par M. Duveyrier, sous la même latitude, dans le pays des Touareg du Nord :

1. Observ. 4 fois par jour : avant lever, 9 h., 3 h., après coucher du soleil. 2. D'après Hann Rohlfs, Reise durch Nord-Afrika, Mittheil., 1872, Ergänz.

VII, p. 122.)

3. Observ. 3 fois par jour, matin, midi, soir.

4. Calculée d'après Nachtigal, ouv. cité, I, tables 10-16.

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