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d'avoir. Par contre, le Sahara en renferme quelques-unes qui n'ont rien de désertique. Les sources du Sahara central, les petits lacs de Mihero et de Menkhough, les creux du Tasili, où un peu d'eau se maintient d'une crue à l'autre, et. d'autre part, les eaux artésiennes de l'Oued-Rirh abritent toute une population aquatique de joncs, de roseaux, de mollusques, de poissons et même de crocodiles, qui contraste avec les habitants ordinaires du désert1. C'est que la flore et la faune d'un pays ne sont pas uniquement l'œuvre du milieu actuel. Si telles espèces manquent à un pays qui pourrait les nourrir, si telles autres se rencontrent dans une région où rien ne les appelle, c'est que les faunes et les flores sont aussi un legs du passé. Elles ont subi bien des vicissitudes. au cours des révolutions terrestres; dans ces cataclysmes, les unes ont survécu, d'autres ont péri. Ainsi s'expliquent, par l'histoire géologique, les anomalies remarquées tout à l'heure. Les déserts sont nés à des époques différentes, et sur des continents dès longtemps séparés, et de la sélection exercée par le climat sur des flores et des faunes déjà différentes, sont résultées les flores et les faunes désertiques d'aujourd'hui ; d'autre part, les eaux douces de l'Oued-Rirh et de l'Ahaggar, derniers restes des grandes nappes de l'époque quaternaire, nous ont conservé quelques échantillons des espèces qui vivaient alors au Sahara.

Mais les conditions physiques de l'époque actuelle prévalent de plus en plus sur l'influence du passé. Chaque espèce tend sans cesse à prendre possession de tout le terrain où elle peut vivre. Le Sahara, qui touche à l'Arabie, que les steppes de Mésopotamie relient à la Perse, et le Maroc aux steppes de l'Espagne, a fait déjà de nombreux échanges avec ces pays: sur quatre cent seize espèces sauvages obser

1. La faune aquatique du Sahara est essentiellement africaine. Des quatre espèces de poissons trouvés dans l'Oued-Rirh, trois sont signalées dans le Nil, en Tunisie, en Guinée ou au Mozambique, la quatrième est commune au Tell algérien et à la Sardaigne. (Pomel, Le Sahara, p. 226.)

vées dans le Sahara de Constantine, quatre-vingt-six se retrouvent en Orient, trente-trois à la fois en Orient et en Espagne. Dix-sept espèces de Calligonum sont aujourd'hui communes au Sahara, à l'Arabie, à la Perse, au Turkestan; telle autre famille végétalé, d'origine turcomane, s'est répandue à la fois dans le Sahara et le Gobi . Le dattier saharien a fait son apparition dans l'Afrique australe 3, et des affinités commencent même à s'établir par delà l'océan : l'agave (Agave americana L.) forme des haies près de Tripoli* et paraît être connue chez les Touareg de l'Ouest ; le figuier de Barbarie (Opuntia Ficus indica Haw.), cette envahissante cactée d'Amérique, se trouve déjà à Zella, au Mzab, et jusqu'à Mourzouk, au cœur du Fezzân°. D'autre part, les espèces archéologiques disparaissent peu à peu d'un milieu de moins en moins favorable à leur existence. Déjà l'on a peine à découvrir les crocodiles dont la présence est signalée dans le massif central; lorsque les derniers sauriens auront disparu des petits lacs où ils se réfugient encore, on dira d'eux, comme de mainte espèce éteinte de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, qu'ils n'étaient, eux aussi, que des fossiles vivants.

Ainsi, le climat actuel efface peu à peu les anomalies, restes des anciens âges. Buffon, dans un de ces moments de hardiesse, où il entrevoyait plus d'une vérité féconde, a écrit un jour ces lignes remarquables:

« Combien d'espèces se sont dénaturées, c'est-à-dire perfectionnées ou dégradées par les grandes vicissitudes de la terre, et ne sont plus les mêmes qu'elles étaient autrefois! On sera surpris de la promptitude avec laquelle les espèces

1. Cosson, Le Regne végétal en Algérie (Rev. scient., 1879, I, p, 1214).

2. Drude, Handbuch der Pflanzen geogr., p. 144-145.

3. Il réussit très bien à Neu-Barmen. (Hugo Hahn, Berl. Zeitsch. Erdk.,

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varient, et de la facilité qu'elles ont à se dénaturer en prenant de nouvelles formes. »

La flore et la faune sahariennes se sont transformées avec le climat. Parmi tant d'organismes épanouis autrefois sur cette partie du globe, ceux-là seuls survivent, qui, par une évolution lente, aidée de la sélection naturelle pendant un grand nombre de siècles, se sont mis en harmonie avec leur nouveau milieu.

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Ancienneté de l'homme saharien. Absence de renseignements sur les

races qui habitaient le désert dans l'antiquité. tition actuelle.

Les Berbères, leur répar

Arguments La tradition Les textes

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Théorie de l'existence d'une race noire aborigène au Sahara. invoqués: constructions antiques et sculptures rupestres. des Berâouna et les traces de domination nègre au Fezzân. anciens les Éthiopiens Daratites. Sens du mot éthiopien. garamantique et le teint foncé de certaines populations sahariennes. Le teint n'est pas le signe indélébile qui distingue les races.

Le type

Importation

des nègres au Sahara. - Grands mouvements de peuples et morcellement des races dans le désert. Impossibilité de reconnaître une race dans la population des oasis situées sur les grandes routes du désert. Les Têda, race non encore déterminée.

Le Sahara, le plus grand de tous les déserts, n'est pas le plus maltraité de ces disgraciés de la nature. Il a sa population, son histoire. Des hommes se sont établis dans ses maigres pâturages, dans les montagnes qui rompent la monotonie de sa surface, dans les dépressions remplies de palmes vertes ils s'y sont associés, battus, entretués, et même un peu civilisés. De quelle race sont-ils? Quels peuples se sont fixés sur ce sol ingrat?

Un fait est certain : le Sahara est habité de temps immémorial. Des silex taillés de main d'homme, haches, pointes de flèches et de lances, mêlés de fragments de poteries. grossières, s'y trouvent par milliers dans les endroits les plus divers. Parmi ces pierres, beaucoup sont profondé

ment usées par le sable, ce qui les suppose âgées d'un grand nombre de siècles 1; bien avant le commencement de toute histoire, il y a donc eu des peuples sahariens. Mais qu'étaient ces peuples primitifs? Peut-on reconnaître leurs descendants dans l'une ou l'autre des peuplades actuelles?

Ç'a été l'ambition de bien des explorateurs, de retrouver les autochthones du Grand Désert. Pourtant, jamais recherche ne fut plus aventureuse. Les points de repère dans l'antiquité, les textes ethnographiques, nous manquent. Hérodote, d'ordinaire si prodigue de détails, déclare que les Libyens et les Éthiopiens sont autochthones, mais nous ne savons pas au juste ce qu'il entend par Libyens. Le même historien, et tous les anciens à sa suite, énumèrent force noms de peuples qui habitent le désert, mais leur langage, leur teint, leur taille, leurs cheveux, tous ces signes physiques auxquels on distingue les races, ont été dans l'antiquité choses de mince importance, qui ont passé à peu près inaperçues. Diodore distingue bien des Phéniciens de la côte les masses rurales des Libyens et les nomades, mais il ne dit pas ce que sont ces nomades. Salluste sépare en deux races distinctes les Libyens et les Gétules, mais quand on cherche en quoi ces deux races diffèrent, on ne trouve rien. Strabon du reste fond les Gétules dans l'ensemble des Libyens ". Partout, même disette de renseignements, même absence de précision dans les peintures. Nous ne savons pas de quelle couleur étaient les Garamantes, comment étaient faits le Gétule et l'Æthiops de l'époque romaine, le Maurusien et le barbare des historiens du Bas-Empire. Même les classifications de peuples plus connus, Numides et Maures par exemple, sont « territoriales plutôt qu'ethnographi

1. Weisgerber, Note sur quelques monuments archéologiques, etc., p. 422

et suiv.

2. Hist., IV, CXCVII.

3. L. XX, LV.

4. Jugurtha, XVII.

5. Τοῦ μεγίστου τῶν λιβυκῶν ἐθνῶν (Strab., L. XVIII, 1).

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