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CHAPITRE XI

LA FLORE ET LA FAUNE

Influence des conditions physiques uniformité de la flore et de la faune sahariennes. Petit nombre des espèces. Adaptation de l'organisme végétal au climat. Périodes de végétation et de repos : les éphémères. - Défense des plantes permanentes contre l'évaporation réduction de la surface, épines, position des feuilles; rapidité de la transformation ligneuse, protection des feuilles et des stomates. Développement des racines, des vaisseaux de réserve. - Protection et germination des graines. Assimilation directe de la vapeur d'eau contenue

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dattier; conditions nécessaires à son existence. Adaptation de l'animal au désert. Mimétisme. membres moteurs.

-

Développement des Résistance à la soif. Le chameau, son organisation ne peut vivre sous un climat humide. - Variétés produites par les différences de milieu chameau asiatique, dromadaire. africaines chameau de charge, mehari.

Variétés

Les localisations d'espèces. — Influence du sol. — Plantes vivant en colonies. Localisations qui ont leur origine dans le passé : originalité des diverses flores et faunes désertiques. - Espèces non désertiques observées Ces anomalies disparaissent peu à peu sous l'influence

dans le Sahara.

du climat actuel.

Le Sahara n'est pas absolument impropre à la vie. Si faibles que soient les ressources qu'il renferme, la force organisatrice de la nature en a tiré parti. Il est des plantes, des animaux que ne rebute ni le sol le plus grossier, ni le soleil le plus chaud, ni l'air le plus sec; il existe une flore et une faune sahariennes. Mais la vie organique n'est pas indépendante des autres phénomènes du globe. Les agents physiques qui ont créé le désert, y déterminent également la répartition des êtres. La flore et la faune sahariennes portent leur empreinte.

Ce qui frappe tout d'abord en elles, c'est leur uniformité. Dans nos pays, la répartition de la chaleur et tout ce qui la modifie, latitude, exposition, altitude, ciel clair ou brumeux, créent les mille contrastes des versants du nord et du midi, de la montagne, de la vallée, de la plaine. Au Sahara, toutes ces distinctions s'effacent. On ne peut pas dire que le Sahara méridional ait une flore tropicale, le Sahara septentrional, une flore méditerranéenne. C'est à peine si les degrés de latitude qui les séparent sont indiqués par quelques localisations d'espèces. Des plantes d'origine manifestement méridionale, acacias, euphorbes, achour (Calotropis procera) croissent dans le Sahara tunisien et la Tripolitaine 1, comme les tamarix et les genêts venus du nord atteignent les confins du Soudan 2. D'un bout à l'autre du désert on trouve à peu près le même petit groupe d'animaux et de plantes ceux que laisse subsister l'universelle sécheresse. Les écarts de température ne font que rendre l'élimination plus complète. L'extrême chaleur unie à la sécheresse proscrit ainsi la plupart des plantes méditerranéennes 3; le froid des nuits empêche les végétaux des tropiques d'envahir les bas-fonds humides. Tandis que la côte de la mer Rouge jusqu'au 22 parallèle est une annexe de la flore soudanaise, il n'y a plus qu'une demi-douzaine d'espèces vraiment tropicales sur un total de deux cents qui vivent à Khargueh.

Les montagnes mêmes, ces puissantes réformatrices du climat, ne portent pas au Sahara les étages de flores et de faunes différentes qu'on remarque en d'autres pays. Le

1. L'acacia talha (Acacia tortilis Hayne) croît en Tunisie jusqu'à El Aïa, au bas du Djebel Medjouna, à 40 kilomètres au nord de la montagne de Bou Hedma (Doùmet-Adanson, Rapport miss. botan. exécutée en 1884, p. 22-3). Hooker et Ball ont trouvé un acacia gommifère (espèce non déterminée) au sud-est de Mogador. (Journal of a tour in Marocco, p. 99.) Des euphorbes et l'achour se trouvent en Tripolitaine. (Duveyrier, ouv. cité, p. 180, 193. Barth, I, 280.)

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3. Il n'y a qu'environ 170 espèces méditerranéennes dans la flore sauvage du Sahara de Constantine (Cosson, Leregne végétal en Algérie, Par., 1879, p. 56). 4. Schweinfurth, Berl. Z. G. E., 1863, xvi, p. 322.

voisinage d'une contrée particulièrement chaude recule toujours la limite où les effets de l'altitude se font sentir. Il faut donc qu'une montagne soit particulièrement haute pour échapper complètement à l'influence du désert. De nombreux exemples le prouvent. La Larrea mexicana 1, la plante caractéristique des déserts de l'Amérique du Nord, ne disparaît dans les montagnes de l'Arizona et du Colorado qu'à partir de 1 300 mètres environ; et c'est seulement au delà de 2 000 mètres, qu'on trouve les forêts de pins et de chênes, c'est-à-dire la zone où le désert est définitivement vaincu. Dans le sud-est de la Perse, les montagnes du Khorassan et du Kerman qui dépassent 2 000 mètres sont seules couvertes de forêts: le plateau de Kerman, à 1 650 mètres, conserve l'aspect désertique. Les montagnes du Sahara, dont les pics seuls dépassent cette dernière altitude, ne sont de même, au point de vue de la flore et de la faune, qu'un désert mitigé. On a cru longtemps que l'Aïr était un pays de flore tropicale, et l'on a voulu en faire comme un cap avancé du Soudan'; les études botaniques d'Erwin de Bary ont prouvé qu'il y avait là une erreur. L'Aïr est un pays de flore saharienne; seulement les espèces y atteignent, grâce aux pluies de la montagne, un développement inusité. Les acacias rabougris du désert y deviennent des arbres de haute futaie; des arbrisseaux tels que le jujubier sauvage, forment des fourrés de plusieurs mètres de hauteur. Il en est de même des parties élevées du Fezzân et

1. En anglais creosote-bush.

2 O. Loew, Lnt. Wheeler's Exp. durch das südliche Californien, Mitth., 1876, p. 414. Report upon U. S. Surveys in charge of First Lnt Wheeler, VI, Botany, Washington, 1878, p. 22.

3. Bunge, Die russ Expedition nach Chorassan, p. 222-26.

4. De Polignac, Miss. de Ghadamės, p. 184. « So gehört Asben nicht zur, eigentlichen Sahara » (Rohlfs, Quer durch Afr., I, 196).

5. « Aïr zum Saharagebicte rechne » (von Bary, Berl. Zeitsch. Erdk., 1878, p. 353).

6. « L'adjar (Maerua rigida R. Br.), arbrisseau chez les Touareg, s'élève ici à 12 mètres de hauteur » (ibid., p. 356); voy. aussi Barth, I.

probablement de presque tout l'Ahaggar. M. Duveyrier signale bien dans le pays touareg la présence insolite du myrte, et E. de Bary y a trouvé l'oléandre, mais il ne s'agit là que de plantes isolées. L'Adrar Ahenet semble également peuplé d'arbres désertiques, acacias, tamarix et autres, remarquables seulement par les proportions qu'ils atteignent2. Seules les parties les plus hautes du Tasili et de l'Ahaggar, où l'on nous signale le figuier, la vigne, le thuya et le laurier-rose, forment peut-être l'aire en ce cas bien petite

d'une flore tempérée, étrangère au désert.

La flore et la faune sahariennes sont donc très pauvres. Bien peu de plantes résistent à la fois aux longues sécheresses, au froid des nuits, à la chaleur torride des jours. Le nombre des végétaux qui croissent spontanément dans le Sahara algérien n'atteint pas 500 espèces ; il y en a 300 au plus dans les oasis du désert libyque, un millier peut-être dans tout le désert. Les sables du Brandebourg en comptent davantage dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Berlin".

La faune a subi une réduction parallèle. La sécheresse en a banni la plupart des mammifères M. Duveyrier n'en compte que 24 espèces dans le pays des Touareg du Nord'. Le lion du désert est un mythe, comme la panthère, comme l'éléphant et le sanglier des oasis dont parle Marmol. De quoi vivraient tous ces grands fauves? Ils ne reparaissent qu'au sud, avec les steppes herbeuses de l'Azaouad et du

1. Duveyrier, p. 71. Von Bary, art. cit., p. 185, 193.

2. Les acacias atteignent 10 mètres, les tamarix 8. (Bissuel, ouv. cité, p. 57.)

3. Bissuel, ouv. cité, p. 131. Duveyrier, p. 210-12.

4. Cosson, Compendium florae Atlanticae, p. 252.

5. Ascherson, in Rohlfs, Drei Monate, p. 242.

6. Ibid.

7. Ouv. cité, p. 225.

8. Par exception, le lion semble s'être maintenu dans les montagnes de l'Aïr (der ferne Ruf eines Löwen, Barth, I, 398), il ne dépasse pas au Kanem les fourrés épais qui bordent le Komadougou Yoobé, à la limite du Bornou. (Nachtigal, II, 385.)

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Kanem. Le cheval ne mène dans les oasis qu'une existence précaire. A défaut de fourrage, on le nourrit tant bien que mal de dattes pilées, de graisse, voire de sauterelles1. C'est ainsi que quelques coursiers arabes ont fait avec M. Rohlfs le terrible voyage de Koufra; il est vrai qu'il était une chose plus extraordinaire encore que leur présence: c'était leur maigreur. C'est seulement dans le Noun, sur cette côte nourrie des brouillards de la mer, qu'on trouve une race de beaux chevaux et des mulets pleins de vigueur. Les bœufs, malingres en Égypte, dégénèrent au Sahara. Ils manquent complètement dans certaines oasis ; il y en a si peu au Fezzân, que le lait et le beurre vendus sur le marché de Mourzouk sont généralement importés du Nord. L'animal est petit et sa viande mauvaise; en semant pour lui dans les jardins de la luzerne et du trèfle on parvient tout au plus à le maintenir dans un état de santé médiocre. La chaleur lui est peut-être encore plus nuisible que la sécheresse, car le zébus importé du Soudan prospère à Kaouar, et l'on sait qu'il y en a des troupeaux dans l'Aïr et l'Adrar 3. En somme, quelques ruminants comme le chameau, la gazelle, l'antilope, auxquels s'ajoutent la chèvre et le mouflon dans les montagnes; quelques rongeurs et quelques petits fauves, tels sont les mammifères ordinaires du désert. D'autres familles sont plus décimées encore. Les annélides, à part quelques sangsues d'eau saumâtre, n'existent pas; on connait à peine quelques espèces de mollusques; les oiseaux

1. On en trouve trois ou quatre à Aoudjila, autant à Siouah, une dizaine à Kaouar, une vingtaine dans tout l'Adrar Ahenet, quelques douzaines au Touât et à Dakhel. (Rohlfs, Von Tripolis nach Alexandrien, II, p. 57, 100.),, 2. Panet, Revue colon., 1850, II, 521.

3. P. ex. au Touât, à Aoudjila. (Rohlfs, Reise durch Marokko, p. 164, Von Trip., II, 57.)

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6. On trouve même l'âne sauvage dans l'Ahaggar (Flatters, J. de route,

p. 56).

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