Images de page
PDF
ePub

homada voisines restent nues, une végétation clairsemée de touffes d'herbe, de broussailles, d'arbres même, croît dans les dunes de l'Erg, d'Iguidi, d'Edeyen, et émaille leurs flancs resplendissants de points noirs. En même temps, la présence de l'eau se révèle sur plus d'un point. On la trouve souvent à quelques mètres, parfois à un mètre seulement de profondeur entre les dunes de l'Erg oriental'; à 50 centimètres dans les dunes d'Iguidi'. Une oasis à l'ouest de Ghadamès, Sidi-Mabed, est alimentée par une nappe d'eau située sous les dunes ; une conduite qui débite à El-Golea environ 32 litres par minute sort de même des sables de l'Erg occidental'. Quelquefois l'eau brille dans un creux entre les dunes. L'entonnoir d'Aïn-Taïba contient une mare de 300 mètres de diamètre sur 5 de profondeur. L'eau en est salée, verte et pourrie, mais on trouve, en creusant le sol, l'eau douce à moins de deux mètres du bord". L'Erg possède un certain nombre de ces lacs, de ces bahr, comme les nomment les Arabes. Le lac Menkhough, visité par la mission Flatters, n'est aussi qu'un cratère oblong de dunes, alimenté par le fond, et dont la masse liquide varie selon les années, sans jamais disparaître. M. Duveyrier a compté dix de ces lacs dans les dunes d'Edeyen, les uns profonds, les autres réduits à l'état de mares, mais tous alimentés évidemment par une nappe intarissable, puisque l'évaporation n'a pu les vider, et en faire une nappe de sel. On observe des faits analogues dans les autres déserts. Au Turkestan, il y a plus de végétation dans les sables que sur les steppes d'argile. Les Bushmen savent trouver l'eau

[blocks in formation]

6. Ex. Hassi-el-Behar, etc. (Bajolle, Le Sahara de Ouargla, p. 33, etc.).

7. Flatters, ouv. cité, p. 60 et suiv.

8. Woeikof, Klimate, II, p. 293.

dans les « puits de sable» qu'ils creusent au Kalahari1. Dans l'effroyable désert qui sépare l'Australie du sud des provinces occidentales, le seul point d'eau que Giles ait rencontré sur un parcours de 500 milles, a été un lac en miniature caché dans un entonnoir de dunes. Giles n'a pas trouvé d'eau en creusant dans la brousse 2.

Les dunes cachent donc dans certains cas des quantités d'eau inattendues. Le sable meuble ne s'échauffe que sur une faible épaisseur; à 15 et à 35 centimètres de profondeur, il peut être de 16 et 20 degrés plus frais qu'à la surface3; il constitue donc un sérieux obstacle à l'évaporation. Comme l'a dit très justement M. Duveyrier, les dunes sont des éponges » qui conservent les eaux à l'abri du soleil. Mais d'où viennent ces eaux? Comment se répartissent-elles dans les dunes? On ne le sait que très imparfaitement encore.

[ocr errors]

Certains auteurs admettent que les dunes s'alimentent de bas en haut, à une nappe sous-jacente, par l'action de la capillarité qui ramène l'humidité à la surface. D'autres croient que les pluies tombées sur les dunes et les oued qui s'y perdent « se rassemblent vers la base de ces massifs perméables sous forme de larges nappes ». D'autres enfin admettent l'un et l'autre phénomène ".

6

Qu'une nappe à fleur de sol puisse en certains cas se communiquer aux parties inférieures des dunes, le fait n'a rien d'invraisemblable: ainsi l'on peut croire que les dunes étalées sur le réseau de rivières du Maàder, au nord du

1. Andersson, p. 121 et suiv.

2. Reise durch West-Australien, Mitth., 1876, p. 188-192. 3. Temp. du sable le 23 févr. à midi : à la surface;

le 18 mai à 2 heures:

350;
à la surface;
390 8;

4. Ouv. cité, p. 10.

à 15cm de prof.,

490

à 33cm de prof., 20o.

(Béringer, ouv. cité, p. 121.)

3. Cap. Courbis (C. Rend. Soc. géogr., 1890, p. 117).

6. Rolland, ibid., p. 160.

7. Ed. Blanc, ibid., p. 369.

8. Foureau, ouv. cité, p. 41.

Tademayt, relèvent et aspirent quelque peu l'eau qui filtre dans leur lit. Mais le cas n'est rien moins que général. D'autre part, il est certain que l'eau tombée sur les dunes filtre vers la base, en dépit de la capillarité qui agit en sens inverse. Chaque pluie forme dans la dune une tranche de sable humide, qu'on trouve à une profondeur d'autant plus grande que la date de l'averse est plus éloignée. En creusant une dune près d'Aïn-Taïba, M. F. Foureau a observé la succession suivante: d'abord 50 centimètres de sable humide c'étaient les dernières pluies de l'hiver; puis 60 centimètres de sable sec; puis une nouvelle couche de sable humide, à 1,10 de profondeur : c'étaient, lui disaient ses guides, les pluies tombées pendant l'été1.

Est-ce à dire que les dunes renferment de grandes masses d'eau vers leur base? Dans l'Erg oriental, le mieux connu des grands massifs de dunes, on n'a pas trouvé jusqu'ici de

[graphic][merged small]

nappes véritables. La plupart des puits sont creusés soit dans un lit de rivière, soit dans le sol ferme des cuvettes qu'on trouve entre les dunes. Il en est de même des bahr

1. Une mission au Tademayt, p. 38.

2. Ex. Ain-Matmat, Hassi-bel-Haïran, Hassi-el-Mokhanza, etc. (Largeau, Le pays de Rirha, p. 357-64. - Bajolle, Le Sahara de Ouargla. Foureau, ouv. cité, passim).

[ocr errors]

3. Ex. Hassi Gheilan, Bir Ghardaya, Hassi Bottin, etc. (Ouv. cités.)

ou petits lacs qu'on voit briller au fond d'entonnoirs de sable; une nappe d'eau contenue dans le terrain sous-jacent en a dissous le gypse, et le sol, en s'effondrant, a produit ces petits cratères'. Tout ce qu'on peut donc affirmer jusqu'ici, c'est que les pluies entretiennent dans l'Erg des couches de sable humide. Quant aux nappes proprement dites, elles sont plutôt dans le sous-sol, et sont dues, selon toute apparence, aux oued. Bien des rivières sahariennes aboutissent en effet aux mers de sable du Sahara central et occidental. Les dunes d'Edeyen absorbent l'eau des ravins du Tasili, des oued du plateau de Mourzouk et de la vallée de Rhât. Dans l'Erg oriental se perdent les gouttières du plateau tripolitain, du Tinghert, du Tademayt, et la grande vallée de l'Igharghar. L'oued Zergoun, l'oued Seggueur, l'oued Gharbi et bien d'autres oued de l'Atlas finissent dans les masses meubles de l'Erg occidental. Mais l'eau de ces rivières disparues sous les sables n'est pas perdue sans retour. Elle filtre en suivant la pente du lit caché sous le manteau des dunes, et on la retrouve de l'autre côté de l'Erg, voisine de la surface du sol. C'est bien un véritable oued, dont le niveau souterrain s'élève en hiver', qui débouche près d'El Goleah du milieu des sables, et s'écoule entre le Tademayt et les dunes, sous le nom d'oued Meguiden. Les chasseurs indigènes qui parcourent la mer des sables reconnaissent en lui le lit perdu de l'oued Seggueur. Tout un dis

Bajolle, ouv. cité, p. 33 et suiv.

1. Béringer, ouv. cité. 2. Suivant les évaluations les plus favorables (Teisserenc de Bort), la hauteur annuelle de pluie est d'environ 120 millimètres dont une partie s'évapore avant d'avoir pénétré dans la dune. Il est possible que le reste s'accumule en nappes, si le sol qui porte les dunes est imperméable. C'est sans doute le cas dans une partie des Iguidi, où Lenz a trouvé une couche d'argile bleue sous les dunes; mais dans l'Erg, pourquoi l'eau, qui gagne la base des dunes, ne gagnerait-elle pas également les terrains poreux du sous-sol ?

3. L'eau est à 2 mètres en hiver à El-Goléa; elle affleure même un peu plus loin dans la Sebkha-el-Melah. (Parisot, La région entre Ouargla et ElGoléa, Bull. Soc. géog., 1880, I, p. 135.)

trict du Touât, l'Aouguerout, soit quatorze oasis comprenant environ 550 000 palmiers', est alimenté par cette nappe souterraine. C'est peut-être le flot souterrain de l'oued Gharbi qu'on retrouve plus à l'ouest, à la lisière nord du Gourara. Beaucoup de palmiers du district de Tin-er-Kouk atteignent l'eau dans le sol par leurs racines et croissent sans le secours de l'homme 3. La grande Sebkha du Gourara est due sans aucun doute au suintement des eaux de l'Atlas, qui, après un long trajet sous terre, sont ramenées au jour. Elles vont plus loin encore. M. Rohlfs a constaté entre Tsabit et Tamentit l'existence de fortes artères souterraines qui coulaient du nord-est au sud-ouest. Ces masses liquides, dans une contrée aussi pauvre en pluies, ne peuvent venir que des montagnes algériennes. Le Gourara, comme le Touât, est au point de vue hydrographique une dépendance des pays de l'Atlas.

Il est probable que certains oued forment des lignes d'eau analogues sous les dunes de l'Erg oriental. Il est certain, par exemple, que des eaux venues du sud saturent en divers endroits la plaine semée de dunes au nord-est d'Ouargla. Mêlées à la nappe de l'oued Mya, elles suivent vers le nord l'inclinaison des couches quaternaires on les trouve entre un et trois mètres dans la région de Ngouça, à moins de profondeur encore à partir de Tougourt, dans l'Oued-Rirh3. C'est ce qu'on appelle communément l'écoulement de l'Igharghar. Mais on serait très embarrassé de dire ой par où passe dans l'Erg le cours souterrain du grand fleuve : on n'a pas encore débrouillé le système sans doute complexe des lignes d'eau souterraines de cette partie du Sahara.

Quoi qu'il en soit, les dunes, qui sont pour l'Européen le

1. Deporter, Sahara algérien, Touát, Tidikelt, Alger, 1891, p. 17.

2. Parisot, art. cité, p. 135.

3. Deporter, ouv. cité, p. 22.

4. Reise durch Marokko, etc., p. 158.

5. Rolladn, Géologie du Sahara algérien, p. 207 et suiv.

« PrécédentContinuer »