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mier devoir d'un bon géographe était de diviser le Sahara en « bassins ». Tissot nous montre le Sahara partagé entre « d'immenses bassins qui déversent leurs eaux l'un dans l'Océan, l'autre dans la Méditerranée»'. M. Chavanne trace par la Hamâda-el-Homra, le plateau de Mourzouk et le Tibesti la ligne de partage naturelle 2 » entre le « bassin » du désert libyque et le Sahara occidental. M. Sabatier, dans un mémoire plein d'informations prises avec un soin extrême, parle des deux bassins bien distincts de l'oued Teghazert et du Djouf, » et il se donne une peine infinie pour indiquer la ligne de faîte qui les sépare 3. Il arrive souvent que, même en Europe, de semblables démarcations ne répondent à rien de réel. Il est oiseux de répartir un pays entre deux régions différentes, suivant le caprice du terrain qui fait couler les ruisseaux vers telle ou telle rivière, alors qu'ils ne sont séparés par aucun relief appréciable, et que l'aspect des deux versants est le même. Appliquer un pareil système à l'ensemble du Sahara, c'est risquer de faire œuvre d'imagination pure. Ce bassin du Djouf, dont on nous donne les limites, a-t-il seulement jamais existé? Nous avons constaté qu'on n'en sait rien encore. Les eaux ont-elles découpé un réseau hydrographique à la surface de tous les grands plateaux du désert? Rappelons ces observations.de M. Quiroga sur la région comprise entre la côte et l'Adrar: « Je ne crois pas qu'il existe de ce côté des dépressions non fermées, pouvant être assimilées à d'anciens lits de rivières. Si jamais il y a eu des eaux courantes dans ces parages, le vent s'est chargé d'en enlever la trace... Le relief consiste en une série de paliers.

1. Geographie comparée, I, p. 87.

Faute de

2. Die natürliche Scheidewand (Afrika im Lichte, etc., p. 37). 3. Mémoire sur la géographic physique du Sahara central, p. 46 renseignements à ce sujet, l'auteur constitue sa ligne de partage avec tous les noms locaux arabes ou berbères qui signifient soit éminence, soit point montagneux !

4. Observaciones geologicas hechas en el Sahara occ, p. 323-324.

étagés, semés de hauteurs isolées ou en groupe. A ce système orographique incertain, embryonnaire, correspond un système hydrographique équivalent. » Rappelons d'autre part en quels termes presque identiques Barth parle du caractère ébauché, inachevé', du relief de l'Aïr il semble que l'eau n'ait pas eu le temps d'entailler suffisamment ces durs granits et basaltes, et que jamais ces oueds épars ne se soient réunis pour former des fleuves. Que dire du « bassin » libyque qui est un plateau et où, tant à l'est qu'à l'ouest, on n'a pas encore découvert un seul lit de rivière? Chercher des lignes de partage des eaux dans toute l'étendue du Sahara actuel, parler de bassins, de versants, de « pente générale et régulière » à propos de plateaux presque horizontaux, que l'érosion creuse plus ou moins, au hasard de la roche qui affleure; où la pente et le petit réseau hydrographique ébauchés par une pluie locale sont arrêtés un peu plus loin par la proéminence d'un terrain plus dur; où beaucoup d'oued ne sont que des dépressions sans pente certaine ; où, s'il y a eu un écoulement régulier des eaux, les sables accumulés en font perdre la trace, c'est, exception faite de quelques régions privilégiées, risquer de méconnaître l'état présent d'une grande partie du désert. Le fait frappant, au contraire, c'est l'altération du relief primitif, sous l'influence du climat actuel.

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Le sol du Sahara, comme le monde organique, a eu ses phases d'existence. Des mers l'ont recouvert et y ont déposé leurs sédiments; il a été troublé plus tard par des mouvements volcaniques, façonné par des masses d'eau courante, et il est ainsi arrivé à sa plus grande variété de formes. Aujourd'hui, il est entré en quelque sorte dans une phase de décadence. Par une évolution lente, qui est le trait carac

1. Der noch unausgebildete Charakter des Landes (Reisen, I, 2. Sabatier, ouv. cité, p. 48.

p. 587).

3. V. Barth, Duveyrier, Rohlfs et autres au sujet des oued Es-Chati, Ladjål, Gatroun, Tafassasset, etc.

téristique de la période actuelle, il se crée dans le Sahara un relief nouveau, fait de cuvettes sans issue, de gour, de champs de pierres et de dunes, chaos dans lequel le relief ancien disparaît peu à peu, avec ses pentes, ses faîtes et ses rivières, comme s'effacent les lignes d'un corps momifié qui tombe en poussière, et dont le squelette même finit par perdre dans l'amas de la décomposition commune.

CHAPITRE X

LES EAUX SOUTERRAINES

Infiltration des eaux pluviales au Sahara. - Régime des plateaux : Hamadael-Homra, Mzab. Les montagnes, centres de dispersion des rivières souterraines. Importance des oued sortis de l'Atlas. -Rivières qui

reviennent au jour. Humidité relative des grands massifs de dunes au Sahara et dans les autres déserts. — Répartition de l'eau dans les dunes: cas où elles s'alimentent par la base; humidité produite par les pluies; écoulement des oued sous les dunes.

Nappes ascendantes d'origine lointaine: Koufra, Borkou. Eaux artésiennes du Sahara algérien, du désert libyque. Leur provenance. Relation entre la structure du sol et sa richesse en eau souterraine. — Erreur de Ritter sur le désert libyque. Le plateau, forme de relief la plus favorable au désert.

L'eau qui tombe de temps à autre dans le Sahara ne s'évapore pas tout entière. Rarement elle rencontre de grandes surfaces imperméables, comme cette curieuse région des daya au sud de Laghouat, où les pluies s'amassent en mares innombrables, qui sèchent lentement à l'ombre de pistachiers touffus. Le plus souvent, l'eau pluviale s'infiltre dans la terre. Lorsqu'après une averse, l'oued roule pour un moment ses flots troubles, ils sont bus avidement par les terres meubles du lit; mais l'eau se rassemble plus bas sur une couche moins perméable, et filtre en suivant la pente, s'il y en a une. C'est ainsi qu'elle chemine plus ou moins loin, à l'abri du soleil, jusqu'à ce qu'elle s'évapore ou se perde dans les profondeurs du sol. Il n'est pas un voyageur saharien qui n'ait rencontré, au détour d'un plateau ou dans le repli d'une plaine, un

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