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dunes partout où règne la sécheresse. En Perse, elles envahissent et évacuent périodiquement les villages; elles naissent au Turkestan des débris du grès tertiaire; elles s'adossent aux flanes des montagnes du Colorado; elles ont valu au sud-est du Kalahari le nom de Zand-veld, champ de sable; elles sont si vastes dans l'Ala-Chan, qu'on les appelle Tingueri », c'est-à-dire ciel'. Partout où se trouvent des sables, terres meubles laissées au fond des oued, roches désagrégées par l'atmosphère, alluvions déposées jadis par les eaux, le climat du désert leur fait subir le même sort. Il les livre au vent qui les amoncelle en dunes : il en fait, en quelque sorte, les alluvions de l'air.

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ALTÉRATION DU RELIEF ANCIEN SOUS L'INFLUENCE DU CLIMAT ACTUEL

Les phénomènes désertiques d'érosion et de transport amènent la formation d'un relief tout particulier.

Ailleurs, ils ont pour effet d'accentuer la forme des vallées et le profil des montagnes, d'achever les pentes et le lit des rivières, en un mot d'accuser et de finir de toute manière le relief déterminé par la structure du sol. Le résultat est bien différent au désert. La désagrégation suit, il est vrai, son cours, laissant subsister, comme des îles, les hamada de pierre dure, faisant crouler les autres, qu'elle réduit çà et là en poussière de terre et de roche: mais à ce travail ébauché, il manque l'agent ordonnateur qui l'achève. Il n'y a point là d'eau courante pour remanier ces décombres, reconstituer sans cesse les plaines et les pentes, mais seulement le vent qui ne répare rien, qui se borne à nettoyer çà et là ces ruines. Le désert dénudé apparaît alors avec toutes ses inégalités de là, ces nombreux labyrinthes de bauteurs isolées, d'éboulis, de couloirs vides entre les roches qui se dressent comme des pans de ruine, régions confuses où,

1. Prjewalski, Reisen in der Mongolei, p. 198.

comme on l'a dit', il est impossible de reconnaître une plaine, un plateau, une chaîne de montagnes, ou même une vallée, chaos qu'on nomme kharaschaf dans le désert libyque, et que nous appelons région des gour. De là, d'autre part, l'étrangeté de ces terrains presque horizontaux, qui, au lieu d'affleurer en pente douce, se présentent sous forme de

Gour près de Brizina (Sahara oranais).

(D'après une photographie de M. FOUREAU, communiquée par la Société de Géographie.)

plateaux découpés en promontoires et en falaises, et réalisent une sorte « de relief en escalier », où chaque couche géologique représente un étage à gravir.

Le vent ne nettoie une partie du désert que pour encombrer l'autre. Les dunes qu'il dépose partout, dans les fonds, sur les versants, contre les obstacles, recouvrent les pentes

1. Rohlfs, Kufra.

2. Rohlfs, Drei Monate in der lib. Wüste, p. 105.

3. Steigen treppenartig an (Zittel, Die Sahara, p. 7).

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dessinées par les eaux d'autrefois, rendent peu à peu méconnaissables les anciens systèmes hydrographiques. Qu'est devenu le plus connu de tous, celui de l'Igharghar? Ce fut jadis une artère dont la ramure de veines puissantes drainait le Mzab, le Tademayt, l'Ahaggar et les plateaux limitrophes du Fezzan. Aujourd'hui, la branche maîtresse de gauche, l'oued Mya, préservée par la nature du plateau qu'elle traverse, a conservé son lit et sa pente jusque vers Ouargla; mais les multiples couloirs qui descendent du Tademayt se perdent sous le sable les dunes de l'Erg recouvrent le delta par lequel ils rejoignaient l'Igharghar'. A l'est, le grand collecteur du Tasili et de la vallée de Rhât, l'Ighargharên, n'existe plus. Sa berge septentrionale a disparu sous une mer de dunes chaque ravin du Tasili est devenu un oued distinct qui aboutit aux sables, et l'on ne peut se douter, en le voyant, qu'il a fait partie d'un grand réseau hydrographique. En aval, vers Timassinine, il n'y a même plus entre les dunes « une apparence de vallée qui rejoindrait l'Igharghar». De la grande artère elle-même, il ne reste que des morceaux. M. F. Foureau a reconnu, dans son dernier voyage, l'endroit où le grand fleuve, sorti des défilés du plateau de Tinghert, débouche par la hamâda de l'Oudje dans la grande mer des sables. Le lit, large en ce point de cinq à six cents mètres, presque sans berges apparentes à gauche, et bordé à droite d'une falaise de quinze à dix-huit mètres, se perd dans un de ces gassi qui s'ouvrent comme de gigantesques allées entre les épais massifs de dunes'. Mais de là jusqu'à l'oued Rirh, c'est-à-dire sur toute la largeur de l'Erg oriental, on ne sait pas au juste ce qu'a été l'Igharghar. Dournaux-Dupéré a cru le reconnaître à l'est d'Ouargla, dans un lit à demi enseveli, bordé de berges de

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5 à 10 mètres '; M. Largeau, cheminant à 60 kilomètres dans l'ouest, a qualifié d'Igharghar un couloir semblable; les ingénieurs de la mission Flatters ont donné ce nom à une partie du gassi de Mokhanza '; M. Rolland suppose que le lit est caché sous les dunes. Cette partie de l'Igharghar est évidemment méconnaissable. « Rien ne le distingue des terrains environnants », écrivait Dournaux-Dupéré; de loin en loin seulement, une berge érodée, un morceau de lave roulée, une coquille, un reste de limon argileux trouvé au milieu des sables, indiquent qu'un jour, à pareille place, un flot d'eau douce a passé.

Les grandes gouttières d'érosion du Sahara oranais, Oued Zergoun, oued Seggueur, oued Gharbi, se perdent de même sous les masses de l'Erg occidental. Où allaient-elles? Est-il vrai que, comme le disent les chasseurs indigènes, l'entaille de l'oued Berghaouï continue au sud celle de l'oued Zergoun, et qu'on retrouve à El-Goléa, sous le nom d'oued Meguiden, le lit perdu de l'oued Seggueur? La solution du problème est cachée sous le manteau des sables. Que devient l'oued Guir, cette longue rivière qui s'appelle successivement oued Saoura, puis oued Messaoud? « Des dunes qui se relient à celle d'Iguidi le franchissent en aval du Touât et son lit disparaît complètement à partir de ce point. » Où vont les oueds du Fezzân, et ceux qui descendent de l'Ahaggar?

Ainsi le souvenir de l'ancienne hydrographie s'efface, balayé du sol par le climat nouveau. D'excellents esprits, obéissant à une vieille tradition d'école, ont cru que le pre

1. Voy. de Dournaux-Dupéré, B. S G., 1874, II, p. 128-134.

2. Voy. a Ghadames, B. S. G., 1873, II, p. 507.

3. Beringer, ouv. cité, p. 107.

4. Ouv. cité, p. 224.

5. Dans le gassi de Mokhanza (Beringer, p. 107) au Hassi bel Haïrån (Foureau, p. 29).

6. Parisot, art. cité, p. 130-135.

7. Information de M. Duveyrier, p. 26.

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