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en répartissant d'une façon uniforme le volume des inégalités de sa surface, est d'environ 170 mètres plus élevé que l'ensemble de l'Europe'!

En grand, le Sahara figure une surface renflée vers le milieu, et qui s'abaisse en pente douce un peu dans tous les sens. En détail, il apparaît plus accidenté que ne le ferait croire sa structure géologique, et se compose d'un ensemble confus de creux et de saillies, où toutes les formes de relief sont représentées. Si on les classe par ordre de superficie, c'est la forme de plateau qui domine.

Le désert libyque n'est guère qu'un gigantesque plateau, dont les couches sont très légèrement inclinées vers le nord 2. Pendant 400 kilomètres, M. Rohlfs est monté sans interruption de 90 mètres, altitude de Djalo, près d'Aoudjila, à 267 mètres, altitude de Taiserbo, première oasis de Koufra. Deux cents kilomètres plus loin, il s'est trouvé à 490 mètres (oasis de Kebabo3). « Il est probable, ajoute-t-il, qu'on continue à monter d'une façon insensible jusqu'aux montagnes du Ouadjanga . Quelques dépressions en forme de cuves aux parois verticales — les oasis égyptiennes et quelques montagnes tabulaires, qui paraissent avoir été découpées par des courants d'eaux diluviennes, sont les principaux accidents de terrain dans cette partie du désert.

Le reste du Sahara est plus articulé. Trois masses de terres surélevées, auxquelles on peut ajouter un groupe plus petit, la Montagne Noire, se détachent de l'ensemble de la surface du désert. La traînée de monts volcaniques du Tibesti, allongée sur plus de 700 kilomètres du sud-est au

1. Altitude moyenne de l'Europe, d'après M. de Lapparent environ 292 mètres (Traité de géologie, p. 64).

2. In wenig gestörter, häufig sogar vollständig horizontaler Lagerung (Zittel, ouv. cit., p. 9).

3. Altitudes calculées par M. Hann (Rohlfs, Kufra, p. 351, 352).

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nord-ouest, domine de 1 600 à 2 000 mètres des vallées dont le fond est encore de 600 à 900 mètres au-dessus du niveau de la mer'. L'Aïr, massif plus complexe de roches anciennes et éruptives, élève ses murailles de basalte et ses colonnes de trachyte jusqu'à 1 800 mètres de hauteur. L'Ahaggar forme au centre du Sahara un

Monts de l'Air (Vallée de Fodet).
(D'après BARTH.)

groupe encore plus considérable de montagnes et de hautes. terres, dans lequel on distingue jusqu'ici trois massifs culminants le Tasili des Touareg Azdjer, immense gradin de grès couronné de volcans (environ 1 800 mètres '); les monts granitiques d'Anhef, traversés par Barth, sur la route de l'Aïr; enfin l'Ahaggar proprement dit (environ 2 000 mètres), que la mission Flatters a laissé à sa droite. en traversant la plaine d'Amadghor. Un quatrième massif volcanique, le Djebel-es-Soda (la Montagne Noire), s'al

1. Nachtigal, Sahara und Sudan, I, p. 387, et II, p. 167.

2. Barth, Reisen, I, p. 421, 567, 587.

3. Mot berbère qui signifie plateau.

4. Duveyrier, Les Touareg du Nord, p. 54.

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Flatters, Journ. de route,

Documents relatifs à la mission Flatters, Paris, 1885, p. 55.

5. Environ 1,500 mètres d'après Barth (Reisen, I, p. 291 et suiv.).

6. Duveyrier, ouv. cit., p. 13.

7. M. Duveyrier en a rapporté des échantillons de basalte (ouv. cit., p. 79); le Djebel-Es-Soda atteint près de 1,500 mètres suivant M. Rohlfs (Kufra, p. 154).

longe en chaîne à la limite de la Tripolitaine et du Fezzân, et semble se prolonger vers l'est par les monts mal connus. du Haroudj-Noir', et peut-être par ce Djebel-Moraije que Hornemann a traversé en 1799. Outre ces quatre groupes de montagnes, on en signale d'autres, connus seulement par ouï-dire tels sont l'Adrar3 des Touareg Aouëlimidên, situé au nord-est du grand coude du Niger, et ces monts de l'Ennedi, qui paraissent servir de trait d'union entre le Tibesti et les monts Marra du Dar-For*.

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Pourtant il n'y a pas là autant qu'on peut en juger, de véritables systèmes de montagnes aux couches repliées, bouleversées par de grands phénomènes de plissement et de fracture, mais seulement des « pâtés montagneux », des plateaux étagés, découpés par l'érosion et rehaussés par des éruptions locales. Tout au plus peut-on se demander si les forces souterraines qui ont créé la chaîne du Tibesti n'ont pas également accidenté le plateau de Tummo, qui forme une sorte de dos entre le lac Tchad et le Fezzân, et s'il n'existe pas une ligne de hautes terres depuis le Dar-For jusqu'à l'Ahaggar'. En tout cas, il n'y a pas eu dans le Sahara de ces grands mouvements d'origine interne, qui, ailleurs, ont incliné, redressé, remanié les assises primitivement horizontales des anciens àges. Les sédiments qui forment la majeure partie de la surface du désert sont restés à peu près dans l'ordre où ils se sont déposés au fond des mers. Leurs couches régulières, à peine bombées ou

1. « Massif de grès et de calcaire, disjoint par les éruptions volcaniques. » (Rohlfs, ouv. cit., p. 180.)

2. Hornemann a cru y reconnaitre du basalte, des cendres et des scories (Voyage dans l'Afrique sept., trad., Paris, 1803, I, p. 89.

3. Nom berbère de montagne.

4. Nachtigal, ouv. cit., II, p. 167.

3. Rolland, Géologie du Sahara, p. 12.

6. Haut de 600 à 700 mètres d'après Nachtigal (1, 383), de 700 à 900 mètres d'après M. Rohlfs, qui a cru y reconnaitre des basaltes (Reise von Tripolis nach Kuka, Peterm. Mitth., 1868, Ergänz. no 25, p. 17, 18.

7. C'est l'opinion de Nachtigal. (I, p. 334.)

inclinées par les oscillations de la croûte terrestre, n'ont été accidentées que par l'érosion.

Il est vrai que celle-ci a été puissante. Des pluies torrentielles, analogues à celles qui ont caractérisé la période diluvienne en Europe', se sont déversées à plusieurs reprises* sur cette partie de l'Afrique. Des courants, dont il est difficile de se figurer la violence, ont creusé les vallées dans les massifs du Sahara central, éventré les bancs épais de la formation dévonienne et y ont découpé ces montagnes et ces plateaux épars qu'on appelle l'Akakous, le Tasili, l'Éguélé, le Mouydir. Ils ont enlevé les roches crétacées sur d'énormes distances, creusant entre le Tademayt et le Tinghert le golfe de la plaine d'Adjemor, au travers du Tinghert la trouée de l'Igharghar, laissant de grands bas-fonds (Timassinine, Edeyen, etc.) entre les plateaux calcaires et les plateaux dévoniens situés au sud. Puis, de nouvelles masses d'eau, descendues de l'Ahaggar, ou vomies par les foùm, les gigantesques « bouches » de l'Atlas, ont entamé les manteaux d'alluvions déposées par les pluies précédentes, ébauché les systèmes hydrographiques, achevé le dessin du relief. Elles ont ainsi découpé le Sahara central et occidental en une série de plaines et de vallées d'inclinaison variée, entre lesquelles les plateaux aux flancs rongés émergent, comme des écueils qui ont résisté au travail des eaux.

Le Fezzân figure ainsi une alternance de plateaux et de dépressions sans pente certaine, dont l'Oued-ech-Châti semble être un des points les plus bas". Au nord, la Hamada-elHomra, l'immense « Plateau Rouge », long de 600 kilomètres

1. Pomel, Le Sahara, p. 213.

2. Dès l'âge pliocène (Rolland, Geol., p. 161 et suiv.).

3. Roche, Rapport géologique, Documents relatifs à la mission Flatters, p. 214 et suiv. Rolland, Sur le terrain crétacé du Sahara septentrional, p. 539 et suiv.

4. Roche, La mission transsaharienne. (Rev. scient., 1880, II, p. 506.) P. Marès, Bull. Soc. Géol., 1856-1857, p. 534 et suiv.

5. Altitude du puits d'Edéri, 217 mètres, d'après la carte Lannoy de Byssi (feuille 12), 270 mètres d'après celle de Luddecke (1890, feuille 1).

et large de 200, élève tout d'un bloc jusqu'à 500 et 600 mètres ses strates régulières, légèrement inclinées vers le sud-ouest1. Son flanc nord, déchiqueté par l'érosion, tombe partout à pie sur la plaine tripolitaine; lorsqu'on aperçoit, de la côte, cette longue ligne courbe de falaises, on a l'illusion d'une chaîne de montagnes : c'est le Djebel 3.

Dans le Sahara de Constantine, les terrains largement. ondulés forment une cuvette immense, dont une série de plateaux calcaires disposés en fer à cheval représentent les

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Profil approximatif Nord-Sud du Sahara de Constantine.

bords. Le fond de cette cuvette s'élève lentement vers le sud; même au delà du plateau de Tinghert, l'altitude des bas-fonds ne cesse pas de s'accroître jusqu'au Tasili et à l'Ahaggar'.

L'Igharghar, un de ces courants quaternaires qui furent moins des fleuves que des nappes d'eaux torrentielles, a sillonné jadis cette contrée, depuis le Sahara central jusqu'au pied de l'Atlas. Ses eaux, grossies des Ighargharên, torrents dont on voit encore, dans le Tasili, les entailles profondes', se sont creusé au travers du plateau de Tinghert un lit large parfois de deux à trois heures de marche, et dont les berges sont si hautes qu'on leur donne le nom de djebel3. L'oued

1. Barth, Reisen, I, p. 145. Mircher, Rapport, Mission de Ghadames, Paris, 1864, p. 83. Vatonne, ibid., p. 239 et suiv., etc.

2. Barth, I, p. 25 et suiv. Vatonne, ouv. cité, p. 230, évalue à 713 mètres l'altitude du kasr Djebel (château de la montagne).

3. Béringer, Rapport, Documents relatifs à la mission Flatters, p. 117. 4. Le ravin de l'oued Tedjoudjelt a jusqu'à 200 mètres de profondeur (Beringer, Documents relatifs à la mission Flatters, p. 83).

5. Rohlfs, Reise durch Marokko und durch die grosse Wüste über Rhadames nach Tripoli. Norden, 1884, 4° édit., p. 228. La mission Flatters a traversé l'Igharghar en amont le lit avait 2 kilomètres de large, les berges 40 à 75 mètres de haut. (Béringer, Rapport, ouv. cit., p. 109.)

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