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Deux grands amas de dunes, l'Erg oriental et occidental, couvrent dans le Sahara algérien une partie des cuvettes quaternaires, l'un en amont des chotts, jusque vers le plateau de Tinghert1, l'autre en amont du Gourara. Le Mzab forme entre eux comme un isthme de roche, coupé par quelques chaînes de dunes vers El Goléa'. Les grandes dunes touareg, les Edeyen, séparent la ligne des plateaux du nord, Tinghert et Hamada el Homra, du Tasili et de la hamada de Mourzouk, et bien que le plateau d'Eguélé émerge coume un promontoire du milieu des sables, leurs masses mouvantes semblent former une ligne ininterrompue de la route de Mourzouk jusqu'à l'Igharghar. A côté de ces groupes plus ou moins connus, combien d'autres à peine entrevus, au sud du plateau de Mourzouk3, à l'ouest et au sud de l'oasis de Kaouar', au Borkou, dans le nord de Kanem. Mais rien n'égale la masse mouvante du désert libyque. Tout l'espace qui s'étend au sud de la route de Siouah à Djalo, entre Koufra d'une part, Farafrah et

1. L'Erg ne touche pas à la falaise du Tinghert. Entre les deux s'étend jusqu'à Ghadâmès la hamâda pierreuse de l'Olje (la joue), sur laquelle les massifs de dunes finissent en caps irréguliers. (F. Foureau, Bull. Soc. Géogr., 1891, p. 18.) Une hamȧda semblable, El Djoua (le fourreau), se trouve au pied de la falaise sud du Tinghert et la sépare des dunes d'Edeyen. (F. Foureau, note manuscrite.)

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2. Miss. Choisy, B. S. G., 1886, p. 210. Plus loin, l'Erg occidental a pour limite orientale l'oued Meguiden, c'est-à-dire la dépression qui longe la base du plateau (Parisot, B. S. G., 1880, 1, 142). L'oued Saoura limite tout aussi nettement l'Erg à l'ouest: M. Rohlfs a vu les dunes couvrir la rive gauche; à droite, une berge de collines peu élevées interceptait la vue. (Ouv. cité, p. 102-130.) Les Chambaa signalent au delà du Saoura, au SW de Tabelbelet, une région de dunes nommées Areg-er-Raoui (Coyne, Une ghazzia dans le grand Sahara, Alger, 1881, p. 30-31).

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6. La carte géologique de M. Rolland assigne aux dunes libyques une extension trop grande. Les dunes s'avancent entre les oasis de Bouzeima et de Kebabo, mais ne dépassent pas Erbehna dans l'ouest. La route de Djâlo à Koufra est libre de sables. (Rohlfs, Kufra, p. 330.) Il en est de même du pays au sud de Koufra. (Information de Fresnel, Mém. sur le Waday, Bull. Soc. Geog., 1849, I, p 68.)

Dakhel de l'autre, n'est, selon toute apparence, qu'une immense mer de sable prolongée vers le sud sur une distance inconnue. L'expédition Rohlfs, partie de Dakhel armée de toutes les ressources que comporte la prudence humaine, a dû renoncer à se frayer un passage vers l'ouest. << Nous pouvions triompher de tous les obstacles, écrit M. Rohlfs, sauf de cela... Les chaines de dunes se succédaient tous les deux ou trois kilomètres, toutes hautes de plus de cent mètres et invariablement orientées de même. Nous aurions avancé de 20 kilomètres le premier jour, en franchissant six de ces chaînes... Mais l'endurance des chameaux a des limites: faire 65 kilomètres de cette manière eût été le summum de leurs efforts'. » Les intervalles des dunes étaient eux-mêmes couverts de sable. Si la supposition de M. Rohlfs se vérifie, si vraiment la région des dunes s'étend jusque vers le dix-septième parallèle, il existe sur le globe une mer de sable mouvant plus vaste d'un tiers que la mer Noire!

La hauteur des grandes dunes de l'Erg, de l'Iguidi, varie entre 100 et 200 mètres ; les plus grandes, vues par M. Foureau au sud-ouest d'Aïn-Taïba, au « cœur de l'Erg3», paraissent en avoir 280 à 300*. Les dunes qu'on a vues jusqu'ici dans le désert libyque ne dépassent pas 150 mètres3; mais on ne connait guère que celles de la bordure, et la hauteur augmente généralement vers l'intérieur. Certaines dunes ont jusqu'à six kilomètres de tour.

Quelle force a soulevé ces énormes vagues terrestres?

1. Drei Monate in der libyschen Wüste, p. 162.

2. Duveyrier, ouv. cité, p. 8.

Lenz, ouv. cité, II, p. 61.

3. Guelb el Erg.

Mircher, Mission de Ghadamės, p. 288.

4. Une Mission au Tademayt, p. 41.

M. Largeau parle de dunes de

500 mètres situées entre Quagla et Ghadâmės (B. S. G., 1875, 11, 511), mais il ne dit pas comment il les a mesurées.

5.

Mag bis 150 Meter betragen » (Jordan, Phys. geogr., p. 205). des dunes de 150 mètres à l'ouest d'Aoudjila (Kufra, p. 204).

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6. Duveyrier, p. 8.

Lorsqu'on regarde, par un beau temps, l'arête des dunes. qui se détache dans le ciel, on est souvent étonné d'y voir flotter comme une aigrette de fumée blonde: c'est le vent

Profil de la dune Medjira (52 mètres) vue du côté du Nord.
(D'après la mission Flatters.)

qui les écrète et en modifie insensiblement les contours. C'est lui encore qui, travailleur infatigable, les a édifiées grain par grain.

On a beaucoup discuté sur ce rôle du vent. Les uns l'ont

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réduit à peu de chose. D'après MM. Pomel et Vatonne, le vent n'édifie pas, il se borne à isoler le quartz des matériaux détritiques en enlevant les particules terreuses qui s'y trouvent mêlées'. Chaque dune, formée par un triage sur place, serait ainsi le résidu d'un morceau de plateau.

1. Le vent, je crois, peut prendre à sa charge le transport des poussières.» (Le Sahara, p. 216.)

désagrégé1. Si cette théorie était juste, on trouverait dans toutes les dunes en formation non seulement du sable, mais toutes sortes de débris de roche. Cela arrive quelquefois; les membres de la mission de Ghadâmès ont rencontré au sommet d'une grande dune des fragments de grès qui tombaient en poussière; mais le cas n'est rien moins que général. Le sable des dunes est le plus souvent pur de tout mélange3. De la base au sommet, on trouve les mêmes grains de quartz, gros au plus comme un grain de millet. En quelques points seulement, ils sont additionnés de poussières d'argile rouge, qui donnent aux dunes une teinte inusitée*. M. le capitaine Courbis a fait des sondages dans les dunes d'Ouargla et les a trouvées entièrement formées de sable. Il est, d'ailleurs, tout à fait impossible que certaines dunes se soient formées sur place, vu la nature du terrain sous-jacent. « En aucun point de nos deux itinéraires, dit M. Béringer dans son rapport sur la première mission Flatters, je n'ai vu le sable reposant sur un squelette aux dépens duquel il aurait pu se former. » A vingt et quarante kilomètres à l'est d'El Goléa, deux chaînes de sable, longues de cinquante kilomètres, larges de quatre, occupent un plateau dont le sol calcaire et marneux ne contient pas le moindre grain de quartz. « Ces dunes, depuis le premier grain jusqu'au dernier, sont incontestablement dues aux apports du vent'. » Les énormes masses de sable traversées par la mission Rohlfs dans sa marche sur Siouah n'ont de même rien de commun avec le sol calcaire qui les porte. C'est plus au sud, sous la latitude de Dakhel, qu'il faut chercher dans les assises puissantes du grès nubien l'origine des

1. Vatonne, Miss. de Ghadamės, p. 271 et suiv.

2. Mircher, Miss. de Ghadamės, p. 125.

3. Jordan, Mitth., 1874, p. 88.

- Id., Rolland, Les grandes dunes du Sahara.

(Revue scient., 1881, p. 610.) Lenz, II, p. 62.

4. Foureau, ouv. cité, p. 44.

5. Rolland, C. rendu S. G, 1890, p. 114.

6. Documents relat., p. 93.

7. Rolland, B. S. G., 1886, p. 247.

GRANDES DUNES DE L'ERG (BIR-GHARDAYA)

PHOTOGRAPHIE DE M. FOUREAU, COMMUNIQUÉE PAR LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE

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